Juliette Carrelet
Résumé
Cet article interroge la décision d’Agobard de Lyon, en 819, de raviver la controverse autour de l’hérésie adoptianiste par la rédaction de l’Adversus Dogma Felicis, alors même que celle-ci semble disparue depuis plusieurs décennies. À partir de cette interrogation, il s’agit d’examiner la manière dont Agobard mobilise une querelle théologique ancienne pour affirmer à la fois son autorité doctrinale, son rôle pastoral et sa place dans les réseaux de pouvoir carolingiens. En croisant lecture théologique du traité d’Agobard et réflexion sur les logiques politiques et ecclésiales de l’époque, il s’agit de montrer que la lutte contre l’hérésie constitue un outil stratégique dans la construction de l’unité impériale et la légitimation des acteurs religieux. En recontextualisant les origines de l’adoptianisme et en analysant la rhétorique mise en œuvre par l’évêque de Lyon, l’article éclaire la manière dont la figure de l’évêque se construit à l’articulation du dogme, de l’exégèse et des ambitions politiques. Plus largement, cette étude propose de relire la pensée agobardienne à travers un prisme moins étudié que celui de son antijudaïsme : celui de la lutte contre la déviance doctrinale comme expression d’un idéal carolingien de vérité et d’unité.
This article examines Agobard of Lyon's decision, in 819, to revive the controversy surrounding the adoptianist heresy by writing the Adversus Dogma Felicis, even though it had apparently disappeared several decades earlier. Based on this question, the aim is to examine the way in which Agobard mobilised an ancient theological dispute in order to assert his doctrinal authority, his pastoral role and his place in Carolingian power networks. By combining a theological reading of Agobard's treatise with a reflection on the political and ecclesial logic of the period, the aim is to show that the fight against heresy was a strategic tool in the construction of imperial unity and the legitimisation of religious actors. By recontextualising the origins of adoptianism and analysing the rhetoric employed by the Bishop of Lyon, the article sheds light on the way in which the figure of the bishop was constructed at the interface of dogma, exegesis and political ambitions. More broadly, this study proposes a rereading of Agobardian thought through a prism less studied than that of his anti-Judaism: that of the fight against doctrinal deviance as an expression of a Carolingian ideal of truth and unity.
Plan
I – Genèse de l’adoptianisme : l’hérésie, outil d’affirmation de la puissance carolingienne
II – La construction d’une argumentation anti-hérétique
III – Utilité de la controverse adoptianiste : entre ambition et intégrité, la figure d’un évêque en lutte pour maintenir l’unité dans l’Empire
Conclusion
Pour citer cet article
Référence électronique
Carrelet Juliette, “Agobard et l’adoptianisme : entre exégèse antihérétique, affirmation stratégique et lutte contre la déviance", Revue de l’Association des Jeunes Chercheurs de l’Ouest [En ligne], n°5, 2025, mis en ligne le 9 juin 2025, consulté le 12 juin 2025 à 12h23, URL : https://ajco49.fr/2025/06/09/agobard-et-ladoptianisme-entre-exegese-antiheretique-affirmation-strategique-et-lutte-contre-la-deviance
L'Auteur
Juliette Carrelet
Titulaire d’un master en Histoire des mondes médiévaux occidentaux de Sorbonne Université sous la direction de Bruno Dumézil, j’ai travaillé sur la question de la perception des croyances jugées déviantes (judaïsme, hérésie, superstitions) à l’époque carolingienne, et ce à travers l’étude de la figure d’Agobard de Lyon. Actuellement en préparation des concours de l’enseignement, je candidate également pour une allocation doctorale au sein de l’Université Côte d’Azur dans le but d’effectuer une thèse intitulée « Le diable au miroir des saints : les représentations diaboliques dans l’hagiographie du Haut Moyen Âge (IVe-IXe siècle) », sous la direction de Michel Lauwers et la co-direction de Bruno Dumézil.
Droits d'auteur
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En 819, Agobard, évêque de Lyon depuis 816 et figure majeure de l’épiscopat carolingien, affirme avoir découvert un écrit attribué à Felix d’Urgell, ancien évêque catalan, connu pour avoir défendu, à la fin du VIIIe siècle, une christologie qualifiée d’adoptianiste – c’est-à-dire soutenant que le Christ, en tant qu’homme, ne serait pas le Fils de Dieu par nature, mais seulement par adoption. Cette doctrine, condamnée avec fermeté par Charlemagne lors du concile de Francfort en 794, semblait alors avoir disparu du débat théologique. Lorsque Felix meurt en 818 à Lyon, où il était sous surveillance épiscopale depuis plus de vingt ans, Agobard déclare avoir retrouvé dans ses affaires un brûlot dans lequel Felix embrasserait de nouveau ses idées adoptianistes. L’évêque de Lyon juge alors nécessaire de réfuter à nouveau ses positions dans un traité polémique : l’Adversus Dogma Felicis.
Cet article ne se donne pas pour but de remettre en question l’existence-même du texte prétendument rédigé par Felix d’Urgell[1] ; il cherche plutôt à interroger les raisons et les motivations d’Agobard de Lyon quant à ce retour inattendu sur une controverse théologique apparemment éteinte et poussent Agobard à raviver une hérésie marginalisée depuis plus de vingt ans ? Pour comprendre ce geste, il convient de le restituer dans le contexte de la renaissance carolingienne, période à laquelle l’unification doctrinale et la lutte contre les croyances et pratiques perçues comme déviantes constituent des éléments centraux de la politique religieuse impériale. Si Agobard est surtout étudié pour son opposition aux communautés juives de Lyon[2] ou sa lutte contre les superstitions populaires[3], plusieurs travaux, notamment ceux de Rosamond McKitterick[4] ou Mayke De Jong[5] ont souligné l’importance de la fonction pastorale des évêques dans la définition de l’orthodoxie carolingienne. La polémique anti-adoptianiste d’Agobard s’inscrit dans cette dynamique : il ne s’agit pas seulement de répondre à une simple erreur théologique, mais d’affirmer une conception sociale de la foi façonnée par la logique unitaire propre tant au pouvoir impérial qu’à la hiérarchie ecclésiastique dans le monde carolingien[6].
Genèse de l’adoptianisme : l’hérésie, outil d’affirmation de la puissance carolingienne
L’adoptianisme, en tant que position christologique, trouve ses racines dans des débats théologiques bien antérieurs à la querelle hispanique du VIIIe siècle. Déjà au IIe siècle, Théodote de Byzance[7] affirme que le Christ n’est devenu divin qu’après la résurrection, ayant été adopté par Dieu au moment de son baptême alors qu’il était non divin — une position jugée incompatible avec la foi trinitaire telle qu’elle s’élabore progressivement dans le monde chrétien[8]. L’enjeu théologique principal réside alors dans la manière de concilier l’humanité du Christ avec sa divinité : pour l’orthodoxie trinitaire, le Christ est pleinement homme et pleinement Dieu, engendré non créé, consubstantiel au Père. L’adoptianisme, en soulignant une filiation seulement adoptive, est donc perçu comme une atteinte directe à cette consubstantialité.
Ce débat ancien connaît un renouveau particulier au sein de la péninsule ibérique du VIIIe siècle, dans un contexte de coexistence de plusieurs puissances religieuses et politiques : l’Église romaine, l’empire carolingien et l’Église ibérique sous domination arabe[9]. Après la conquête omeyyade à partir de 711, qui met fin au royaume wisigoth, l’Église hispanique se trouve territorialement et politiquement isolée, recentrée autour du siège primatial de Tolède. Ce relatif isolement favorise la persistance de formulations théologiques issues de la tradition wisigothique, parfois archaïques au regard des normes doctrinales romaines ou carolingiennes. C’est dans ce cadre qu’Elipand, devenu archevêque de Tolède en 780, reprend à son compte une christologie adoptianiste afin de défendre, selon ses termes, la pleine humanité du Christ. Son initiative coïncide avec un affaiblissement du prestige doctrinal de Tolède et peut être interprétée comme une tentative de redéfinir l’autorité théologique de l’Église ibérique face aux centres de pouvoir concurrents, notamment Aix-la-Chapelle et Rome[10].
La controverse adoptianiste naît à la confluence d’oppositions théologiques et d’enjeux ecclésiologiques. Pour Elipand, archevêque de Tolède, elle constitue un moyen de réaffirmer son autorité métropolitaine dans un contexte d’ingérence extérieure. L’épisode prend racine dans la venue d’Egila, évêque itinérant envoyé en 784 en Espagne par Wilchar de Sens, avec l’aval conjoint de Charlemagne et du pape. Cette nomination, opérée sans la consultation d’Elipand, est perçue comme une atteinte à la juridiction tolédane sur l’Église hispanique. La tension s’accroît lorsque Egila se rapproche de Migetius, personnage contesté, partisan d’une christologie hétérodoxe et farouche défenseur de la primauté de l’Église romaine sur celle d’Espagne. Migetius professe une vision confuse de la Trinité[11], associant abusivement ses personnes à des figures bibliques — Dieu le Père à David, le Fils à Jésus, et le Saint-Esprit à Paul — brouillant ainsi la distinction théologique entre les hypostases trinitaires et leurs manifestations dans l’histoire du salut.
Elipand réagit vivement et condamne ces positions[12]. Mais, ce faisant, il développe une réponse christologique, qui met l’accent sur la pleine humanité du Christ : tout en affirmant sa divinité éternelle en tant que Verbe, il insiste sur le fait que, selon la chair, le Christ est filius adoptivus[13] : fils adoptif de Dieu. Cette formulation, destinée à marquer la distance entre le Fils éternel et son incarnation dans le temps, vise aussi à répondre à la confusion doctrinale entretenue par Migetius. Pour sûr, elle entend rappeler le dogme trinitaire nicéen : mais son mode d’expression apparaît désuet, du fait de l’isolement de l'Église d’Espagne. On reproche alors à Elipand une pensée considérée comme nestorianiste[14] : l’évêque affirmerait deux hypostases, l’une divine et l’autre humaine, coexistant en la personne du Christ sans unité. Cette critique, hyperbolique, place le Tolédan en position de trahison de l’orthodoxie, alors qu’il se trouvait en position d’affirmation de sa prédominance épiscopale sur Egila et Migetius[15].
Face à ces attaques, Elipand, au lieu de démentir, s’enferme dans le terme d’adoption : isolé théologiquement, il trouve alors un allié de poids en la personne de Felix, le respecté évêque d’Urgell. L’entrée de ce dernier dans la controverse[16] fait de l’adoptianisme « un terrain d’affrontement avec un adversaire redoutable, le monde carolingien[17] », car son siège épiscopal dépend en effet de l’autorité de Charlemagne. Le roi franc convoque alors tous les évêques sous son autorité lors d’un premier concile à Ratisbonne en 791 au cours duquel Felix tente de démontrer la pertinence de la doctrine adoptianiste face à Alcuin, mandaté par Charlemagne. Le concile de Ratisbonne définit et condamne l’adoptianisme comme hérésie : l’anathème est jeté sur Felix et son enseignement, et ce dernier abjure ses croyances avant d’être emmené à Rome où il est tenu prisonnier. Toutefois, il semble que Félix continue à défendre, après sa libération, certains aspects de la doctrine adoptianiste : cela justifierait alors la réaffirmation de la condamnation de son hérésie lors du concile de Francfort en 794.
En 794, Charlemagne convoque un second concile à Francfort et place au centre des débats l’hérésie adoptianiste : le souverain œuvre à l’unification de l’Église d’Occident, sa mission « s’inscrit dans une perspective sotériologique qui ne tolère aucun schisme[18] ». Cette assemblée est donc pensée par le pouvoir franc comme un levier de consolidation de son autorité politique et religieuse, s’inscrivant dans une tradition antique où les conciles, depuis Constantin[19], permettent d’affirmer la légitimité impériale à travers l’unité doctrinale. Francfort devient ainsi un moment-clé de l’affirmation du souverain comme rex praedicator[20] : l’intervention du pouvoir royal marque la fin de l’influence de la pensée adoptianiste et de sa diffusion. Le pouvoir carolingien définit et emploie l’hérésie comme un instrument d’affirmation de ses prétentions impériales et religieuses, s’inscrivant dans un héritage politique où la construction d’une orthodoxie unifiée justifie et renforce la souveraineté monarchique[21].
La construction d’une argumentation anti-hérétique
Une vingtaine d’années plus tard, Agobard ressuscite le débat adoptianiste : l’analyse de l’Adversus Dogma Felicis nous permet de comprendre la manière dont se construit son argumentation face à Felix. La structure du discours est simple : après une exhortation à l’empereur Louis le Pieux à qui il adresse cet ouvrage, l’évêque reprend linéairement le propos de Felix pour le contredire, tant en s’appuyant sur des écrits patristiques[22] qu’en comparant l’adoptianisme à une autre hérésie plus ancienne, le nestorianisme. Ce double processus permet de renforcer l’idée selon laquelle les propos de Felix constituent une grave erreur et de redoubler la puissance de la réfutation patristique, qui s’applique alors tant au nestorianisme qu’à l’hérésie félicienne : les attaques ad hominem que formule notre évêque envers Felix entérinent également l’ouvrage de décrédibilisation de la pensée adoptianiste. Par l’argumentation qu’il développe, Agobard réaffirme également la doxa christologique de l'Église carolingienne.
Un bref retour sur les points majeurs défendus par le Lyonnais permet de situer la controverse qu’il relance dans une idéologie carolingienne plus vaste[23]. Sa pensée est guidée par une conception impériale majeure : la vérité constitue le ciment unitaire de la foi, et donc de la société chrétienne. Agobard emploie cette vérité comme une valeur absolue dont il se fait le défenseur[24] : le critiquer revient alors à critiquer les écrits patristiques qui lui servent de référence mais surtout à défendre le mensonge. Le double rôle d’exégète et pasteur qu’il endosse confère à son propos une dimension totale : Agobard définit et défend la justesse du dogme qu’il représente.
Plusieurs éléments participent à la réfutation de la théorie de Felix, selon laquelle le Christ serait le Fils adoptif du Père. Nous ne les évoquerons pas tous, car certains aspects de cette controverse sont à la fois répétitifs et trop ancrés dans la référence au nestorianisme, à tel point qu’ils n’illustrent pas spécialement l’utilisation stratégique qu’en fait Agobard dans le contexte carolingien qui affirme l’unité de la foi par la lutte contre les déviances[25]. Sont ainsi présentés les principaux enjeux de la controverse christologique adoptianiste :
Chez Felix, le Christ humain et le Christ divin ne sont pas deux êtres distincts coexistants, car le second apparaît à la mort du premier : l’expression de la dualité est temporelle. Agobard refuse de considérer la nature du Christ comme sécable, ce qui reviendrait pour lui à considérer Jésus comme deux personnes distinctes. A partir du concile de Nicée, le Credo catholique affirme en effet la consubstantialité de la nature christique : « le Verbe de Dieu a été uni à la chair selon la subsistance[26] ». Comme le rappelle Agobard, Dieu n’a pas choisi un homme pour accomplir sa parole, mais s’est fait homme lui-même par l’intermédiaire du Christ dont la nature est à la fois divine et humaine, de manière consubstantielle et dans le même temps. L’évêque de Lyon reproche ainsi à Felix de diviser l’humanité dans le Seigneur et d’insinuer qu’il n’est pas réellement le fils de Dieu dans cette humanité. Or, la divinité est éternelle, en Dieu comme dans le Christ : elle ne peut donc pas commencer au moment de la mort charnelle de Jésus. Par cela, Agobard réaffirme encore l’unicité de la nature du Christ. Il explique que la parole de Dieu et la chair de Jésus ne sont pas apparues avec la naissance du Christ issu de la Vierge, mais qu’elles se sont engendrées dans la chair créée par Marie : l’Incarnation prévaut donc sur la Création. Dieu a donc créé sa propre chair à partir de Marie. Le principe d’unité des natures christiques rejoue donc le principe trinitaire central dans le Credo nicéen. La division du Fils en constitue une négation impardonnable pour Agobard car elle remet en question les principes constitutifs de la foi catholique et donc de l’unité qu’elle engendre dans l’Empire carolingien.
Le fait que Félix différencie les deux natures du Christ l’amène à se demander si Jésus est le fils du Père de la même manière en tant qu’homme et en tant que Dieu. Le disciple d’Elipand répond par la négative en expliquant que, du fait de ses deux natures, le Christ est le fils de Dieu de deux manières distinctes. Agobard dénonce cette affirmation de la dualité qu’il assimile à une forme de polythéisme. Cette conception est à l’origine de la notion d’adoption qui donne son nom à l’hérésie félicienne. Pour déconstruire cette idée, l’évêque de Lyon s’appuie, plus encore qu’il ne l’avait fait auparavant, sur les textes patristiques, et prend notamment en référence Augustin et Jérôme[27]. Selon son analyse, Felix, en différenciant la nature humaine et divine du Christ, insinuerait que le Fils charnel n’est pas engendré par le Père mais seulement adopté en Esprit, avant de devenir divin à sa mort : cela constitue une grave remise en question du principe de l’Incarnation. Pour contredire cette hérésie, Agobard cite Augustin : « Dieu est éternel et vrai, conçu véritablement selon le temps, et né de la Vierge[28] ».
Si Agobard attaque les propos de Felix, c’est parce que ceux-ci remettent en cause les fondements du dogme et menacent donc l’unité du Corpus Christi dont l’évêque de Lyon est garant du fait de sa position et de sa vocation pastorale. À de nombreuses reprises, Agobard réaffirme la puissance de cette unité ineffable de la foi, associée à la vertu[29] : or, comment penser l’unité si l’on ne peut pas la garantir dans le Christ duquel découle toute pensée théologique ? L’évêque de Lyon clôt donc débat, en réaffirmant clairement le principe unitaire souverain de la foi catholique : cette idée est au centre tant de sa conception de la déviance que de son œuvre pastorale. En cela, l’Adversus Dogma Felicis est synecdochique de la pensée agobardienne, elle-même fidèle aux idéaux carolingiens.
Utilité de la controverse adoptianiste : entre ambition et intégrité, la figure d’un évêque en lutte pour maintenir l’unité dans l’Empire
L’étude de l’Adversus Dogma Felicis est intéressante en plusieurs points : d’abord, comme nous l’avons vu, car elle permet de comprendre la construction d’un discours anti-hérétique dans sa dimension rhétorique ; ensuite, parce qu’à travers la définition du dogme catholique, elle pose les bases de la vision carolingienne de la société chrétienne dans laquelle évolue Agobard ; enfin, parce qu’elle est une porte d’entrée originale dans la pensée agobardienne. En effet, c’est souvent par l’étude de l’antijudaïsme d’Agobard[30] que se construisent les travaux à son sujet. Les écrits qu’il nous a laissé sont majoritaires à ce sujet et constituent également le corpus le plus important pour étudier la question du judaïsme à l’époque de Louis le Pieux. Il convient cependant de mesurer le biais que ce corpus peut comporter : les œuvres qui nous sont parvenues ne sont peut-être pas les seules qui ont été rédigées par Agobard : ainsi, si la question juive est importante dans son œuvre, elle n’est pas la seule préoccupation du Lyonnais. Etudier sa réfutation d’une hérésie permet donc d’aborder la pensée de notre évêque d’un point de vue renouvelé afin d’en faire ressortir les caractéristiques majeures, à savoir sa farouche opposition à toute déviance et sa passion de l’unité[31].
D’abord, il convient de noter les points d’originalité de la controverse agobardienne contre Felix. Le Lyonnais, contre toute attente, ne s’appuie pas sur le travail d’Alcuin, qui avait démenti les thèses adoptianistes à Ratisbonne et Francfort. Si cette orientation intellectuelle peut en partie s’expliquer par le contenu de la bibliothèque de Lyon (très orientée sur les œuvres d’Augustin et de Jérôme, références patristiques majeures du traité contre Felix[32]), elle témoigne néanmoins d’une forte volonté de démarcation de la part d’Agobard. Peut-être cherche-t-il, en démontrant son talent exégétique, à obtenir auprès de Louis le Pieux une place similaire à celle qu’occupait Alcuin auprès de Charlemagne. Au vu des circonstances troublées de son ascension épiscopale, il est possible qu’Agobard, dans les premières années de sa charge, ait cherché à consolider sa position en se rapprochant du pouvoir impérial.
L’Adversus Dogma Felicis constituerait donc une première tentative pour le Lyonnais de s’insérer dans un réseau impérial qui lui semble difficilement pénétrable. Cette hypothèse se voit confortée par plusieurs lettres adressées à Louis le Pieux dans lesquelles Agobard cherche à se positionner comme un défenseur zélé de l’unité doctrinale et politique de l’empire. Dans deux de ces lettres[33], il affirme ainsi son rôle de guide spirituel vigilant, dénonçant les privilèges des juifs comme contraires à l’ordre chrétien voulu par l’empereur. Il se place explicitement dans une posture de conseiller du prince, soucieux du salut de l’ensemble du regnum. De même, dans ses lettres à Louis le Pieux à propos de la question du baptême des Juifs[34], il insiste sur la responsabilité impériale en matière religieuse, liant l’unité du dogme à la stabilité de l’empire. Ces prises de position s’inscrivent dans une stratégie plus large visant à démontrer sa loyauté et sa compétence théologique face à un empereur nouvellement couronné, entouré d’un entourage majoritairement aquitain. L’écriture de l’Adversus Dogma Felicis doit donc être replacée dans ce contexte d’auto-légitimation épiscopale : en s’attaquant à une hérésie condamnée par les autorités impériales, Agobard se met en scène comme un pilier de l’orthodoxie et cherche à s’imposer comme un interlocuteur nécessaire du pouvoir.
Cette volonté de développement de l’insertion réticulaire d’Agobard, qui intervient dès le début de sa carrière épiscopale, s’explique en partie par le contexte dans lequel elle intervient. En effet, en 814, Agobard est nommé par Leidrade comme son successeur au siège lyonnais. Or, dans le même temps, l’accession au trône de Louis le Pieux rebat les cartes : le nouvel empereur dispose d’un grand nombre de fidèles originaires d’Aquitaine, région dont il était roi avant de devenir empereur. Il les positionne donc à ses côtés, mettant fin à la collaboration des anciens conseillers de son père. L’accès à l’épiscopat d’Agobard s’ancre dans un contexte complexe : désigné en 814 par Leidrade, proche de Charlemagne, le jeune évêque n’a pas été approuvé par Louis : son ascension est bien problématique car elle n’est officiellement approuvée que deux ans plus tard au concile d’Aix-la-Chapelle en 816[35]. Le prélât doit alors faire ses preuves auprès de Louis le Pieux.
L’importance d’une insertion réticulaire impériale n’est donc pas à sous-estimer. Les réseaux se dessinent et se renforcent au gré des prises de position d’Agobard[36]. Certains historiens ont formulé l’hypothèse selon laquelle ce dernier serait d’origine septimanienne[37], ce qui expliquerait son intérêt pour l’adoptianisme : la Septimanie est la région dans laquelle opère Felix d’Urgell, et où Leidrade, prédécesseur d’Agobard à l’épiscopat lyonnais, est intervenu sur ordre de Charlemagne vers 798. Agobard, à la mort de Leidrade, hérite des réseaux de ce dernier et entretient les liens privilégiés déjà établis, notamment avec les évêques de Narbonne Nibridius puis Barthélémy. Si Agobard dispose donc de relations dans l’Empire, ces dernières restent cantonnées au Sud de la Francie : son entreprise contre Felix peut alors constituer un moyen d’étendre vers le nord du royaume des relations qu’il juge trop restreintes. Cet exercice comporte peu de risques. D’abord, l’adoptianisme a déjà été défini comme hérésie : on ne perd donc rien à s’y opposer. Ensuite, parce que le débat, dans les années 790, s’est polarisé au nord de l’Empire : les conciles se tiennent à Ratisbonne et à Francfort sous impulsion impériale. Ainsi, remettre en scène cette opposition peut permettre à Agobard de rejouer l’entrecroisement des réseaux épiscopaux et impériaux afin d’y prendre place. L’Adversus Dogma Felicis constituerait dans ce sens plutôt un exercice de style exégétique, ayant pour but de démontrer les qualités d’évêque d’Agobard, qu’un véritable affrontement contre Felix, dont les conciles impériaux et la mort ont condamné les idées au silence. Si cette tentative n’aboutit pas, notamment du fait de la faible diffusion de l’ouvrage[38], elle révèle tout de même deux constantes dans l’œuvre de l’évêque : la lutte pour l’unité, contre toute forme de déviance, et l’utilisation de ses réseaux pour défendre, coûte que coûte, cette conception du dogme carolingien.
L’ambition d’Agobard est au service de ses préoccupations épiscopales. Longtemps décrié par l’historiographie tant du fait de l’importance de sa place dans la déposition de Louis le Pieux en 833 que de son antijudaïsme, il souffre, depuis la redécouverte de ses œuvres au XVIIe siècle, d’une mauvaise presse que la recherche actuelle tente de nuancer[39]. Agobard est en effet un produit de son époque[40] qu’il faut comprendre comme tel : malgré les nombreuses controverses dans lesquelles il s’intègre (contre les envoyés de l’empereur au sujet de la communauté juive de Lyon[41], contre la persistance de croyances païennes dans son diocèse[42], contre le culte des images[43]), l’archevêque de Lyon demeure une personnalité intègre, fidèle à son idéal unitaire qui constitue le fer de lance de ses prises de position. Ainsi, l’étude de l’Adversus Dogma Felicis et de son contexte de rédaction laisse à penser qu’Agobard pense et utilise son insertion dans les réseaux impériaux comme un moyen de valoriser son combat dogmatique. S’il ne peut être compris que par l’étude de l’ensemble de ses œuvres, le cadre de l’hérésie en est synecdochique, mettant en œuvre la volonté du Lyonnais d’employer la question de l’unité comme outil de légitimation de son positionnement. Ce double intérêt permet d’expliquer la renaissance du débat adoptianiste au début de son épiscopat : le manque de diffusion de son ouvrage censure l’échec relatif de cette entreprise. Cette faible diffusion des œuvres d’Agobard s’explique par le fait que ces dernières s’ancrent toutes dans des contextes très précis : toutes sont des textes de circonstance qui perdent alors en pertinence une fois rédigée.
Conclusion
Ainsi, la démarche d’Agobard, si elle prend les derniers textes de Felix comme un prétexte pour affirmer une vision unitaire de la société carolingienne, ne se réduit nullement à une simple réaction doctrinale face à l’hérésie adoptianiste. Elle s’inscrit dans une entreprise beaucoup plus large, cohérente avec l’ensemble de son corpus, où la défense intransigeante de la vérité constitue le fondement de son autorité épiscopale et de sa conception du rôle de l’Église dans la société. L’Adversus Dogma Felicis témoigne d’une volonté constante d’articuler unité de la foi et unité de l’empire, dans une logique sotériologique et politique qui dépasse les frontières strictement théologiques.
Contrairement à l’image d’un Agobard en perpétuel conflit avec Louis le Pieux, ce texte révèle une phase de la trajectoire intellectuelle de l’évêque où ce dernier cherche encore à s’intégrer aux réseaux impériaux en se posant en garant de l’orthodoxie, dans un contexte de recomposition des liens entre pouvoir spirituel et pouvoir temporel. Sa critique de l’adoptianisme s’articule à une réflexion plus profonde sur la déviance, la vérité et le rôle politico-dogmatique du rex praedicator, rejoignant ainsi les grands principes de gouvernement de l’époque carolingienne. La controverse adoptianiste apparaît dès lors comme un moment fondateur pour Agobard, qui porte en germe les lignes de force de sa pensée jusqu’à sa mort en 840 : défense de l’unité du Corpus Christi, lutte contre les croyances déviantes perçues comme des risques de rupture sociale, et affirmation d’une Église intimement liée à l’ordre impérial. C’est là, peut-être, que réside la portée la plus profonde de sa réponse à Felix.
[1] Voir Cavadini, John Christopher, The Last Christology of the West : Adoptionism in Spain and Gaul, 785–820, New Haven, Yale University Press, 1988, p. 197-283, qui souligne que les œuvres de Félix d’Urgell ne nous sont connues que par les citations de ses adversaires, notamment Alcuin, Paulin et Agobard. Il faut néanmoins noter que les lettres de Felix antérieures à 794 sont citées tant par Paulin que par Alcuin, tandis que le traité auquel Agobard se réfère dans l’Adversus Dogma Felicis n’est cité que par lui et n’a pas été retrouvé.
[2] Les cinq lettres antijuives constituent la part la plus conséquente du corpus agobardien. Voir notamment Michel Rubellin, « Agobard de Lyon ou la passion de l’unité ». Église et société chrétienne d’Agobard à Valdès, Presses universitaires de Lyon, 2003, qui actualise Boshof, Egon, Erzbischof Agobard von Lyon. Leben und Werke, Cologne 1969. Voir aussi Blumenkranz, Bernhard, Les Auteurs chrétiens latins du Moyen Âge sur les Juifs et le Judaïsme, Paris, 1963, p. 157-168.
[3] Sur ce sujet, voir Devroey, Jean-Pierre, De la grêle et du tonnerre. Histoire médiévale des imaginaires paysans, Edition UH Seuil, 2024, mais aussi Platelle, Henri, « Agobard, évêque de Lyon, les soucoupes volantes, les convulsionnaires », Apparitions et miracles, éd. A. Dierkens, Bruxelles, 1991, p. 85-93 ; Dutton, Paul Edward, « Thunder and Hail over the Carolingian Countryside », Agriculture in the Middle Ages. Technology, Practice, and Representation, ed. D. Sweeney, University of Pennsylvania Press, Philadelphie, 1995, p. 111-137.
[4] Voir McKitterick, Rosamond, The Frankish Church and the Carolingian Reforms, 789–895, Londres, Royal Historical Society, 1977, qui éclaire le rôle central des évêques dans les réseaux de pouvoir impériaux et dans la construction de l’orthodoxie carolingienne.
[5] De Jong, Mayke, « Sacrum palatium et ecclesia : L'autorité religieuse royale sous les Carolingiens (790-840) ». Annales. Histoire, Sciences Sociales, 2003/6, 58e année, 2003. p. 1243-1269, étudie l’autorité religieuse carolingienne en soulignant la collaboration étroite entre le pouvoir royal et l’épiscopat, en démontrant que le sacrum palatium fonctionne comme un centre religieux au sein duquel l’empereur et les évêques œuvrent conjointement à la définition de l’orthodoxie.
[6] Voir Chazelle Celia Martin, The Crucified God: Theology and Image in the Carolingian Era, Cambridge, Cambridge University Press, 2001, p. 52-71, qui met en évidence la manière dont les débats christologiques participent à la construction d’un ordre chrétien unifié, porté conjointement par l’autorité impériale et ecclésiastique dans le monde carolingien.
[7] Roukama Riemer, Jesus, Gnosis and Dogma, Bloomsbury Publishing, 2010, p. 53.
[8] Voir Rouche, Michel, Les origines du christianisme (30-451), Paris, Éditions du Seuil, 2005, p. 312-315, qui analyse les positions christologiques de Paul de Samosate et de Photin de Sirmium, et leur condamnation par les conciles antérieurs à Nicée, mettant en lumière leur opposition à la doctrine trinitaire affirmée au concile de Nicée (325), laquelle deviendra centrale dans la définition christologique médiévale.
[9] Bonnery André, « Le rôle de Felix d’Urgell dans la querelle adoptianiste », in Michel Zimmermann, Le Moyen Âge dans les Pyrénées catalanes. Art, culture et société, Études Roussillonnaises 21, Éditions Trabucaire, 2005, p. 105.
[10] Pour mieux cerner le contexte du développement des diverses hétérodoxies sur le territoire de l’ancienne Église wisigothique et son intérêt pour les questions dogmatiques, voire Rubellin Michel. « Hérésie et parenté en Occident (fin VIIIe – début IXe siècle) ». Église et société chrétienne d’Agobard à Valdès, Presses universitaires de Lyon, 2003.
[11] Sur la pensée de Migetius et sa réception, voir Collins, Roger, Early Medieval Spain : Unity in Diversity, 400–1000, 2ᵉ éd., New York, St. Martin’s Press, 1995, p. 189–191.
[12] Epistola Elipandi episcopi Toletani ad Felicem episcopum Urgellitanum, éd. Ernst Dümmler, dans Monumenta Germaniae Historica, Epistolae (in Quart), IV, Epistolae Karolini aevi (II), Berlin, 1895, p. 307–309.
[13] Ces propos sont notamment dénoncés par Alcuin dans une lettre adressée à Elipand : « Dicit itaque propter adsumptionem Christum esse adoptivum ; minus considerans non omnem adsumptionem adoptions esse, licet omnis adoptio quaedam sit adsumptio. » in : Alcuin, Epistola 166, in Dümmler, Ernst (éd.), Epistolae Karolini aevi II (Monumenta Germaniae Historica, Epistolae, t. 4), Berlin, Weidmann, 1895, p. 268.
[14] Le nestorianisme est une doctrine christologique qui insiste sur la distinction entre les deux natures, divine et humaine, du Christ, allant jusqu’à séparer leurs hypostases. Elle est rejetée comme hérésie par le concile d’Éphèse (431). Voir Reinink, Gerrit « Tradition and the Formation of the ‘Nestorian’ Identity in Sixth- to Seventh-Century Iraq », Church History and Religious Culture, vol. 89, n° 1-3, 2009, p. 169-194.
[15] Isla Frey Amancio, Migecianos, casianistas y la definición de una herejía (fin del siglo VIII – principio del IX), Studia Historica. Historia Medieval, 38(2), Universidad de Salamanca, 2020, p. 189–219.
[16] Felix d’Urgell rédige avant 790 un Traité contre les Asturiens qui a pour but de défendre les positions d’Elipand ; il ne fait pas l’objet d’une édition critique complète à ce jour. Voir Stoffella, John « Félix d’Urgell », Dictionnaire d’Histoire et de Géographie ecclésiastiques, vol. XIII, 1956, p. 1453-1456.
[17] Bonnery André, « Le rôle de Felix d’Urgell dans la querelle adoptianiste », Op. cit., p. 109.
[18] Close Florence, Uniformiser la foi pour unifier l’Empire : la pensée politico-théologique de Charlemagne, Classe des Lettres, Académie Royale de Belgique, 2011, p. 118. Pour l’auteure, le concile de Francfort met en germe l’idée d’alliance franco-pontificale qui sera consacrée par le couronnement de 800.
[19] Le concile de Nicée (325), convoqué et supervisé par Constantin, affirme le Credo trinitaire et illustre l’usage politique des conciles par l’empereur pour affirmer une orthodoxie unifiée et renforcer son autorité impériale. Voir Paul Veyne, Le Christianisme antique, Gallimard, 1990, p. 185-187, où l’auteur analyse les conciles œcuméniques comme des mécanismes politiques permettant aux empereurs de consolider leur autorité en imposant une orthodoxie religieuse pensée comme unificatrice.
[20] Lauwers Michel, « Le glaive et la parole : Charlemagne, Alcuin et le modèle du rex praedicator : notes d’ecclésiologie carolingienne », Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest, 111-3 | 2004, p. 221-244.
[21] MacCulloch Diarmaid, A History of Christianity: The First Three Thousand Years, Yale University Press, 2010, 1216 p.
[22] Agobard s’appuie d’abord Cyrille d’Alexandrie, qui est la référence la plus citée dans l’Adversus Dogma Felicis, car il est l’adversaire principal du nestorianisme auquel Agobard assimile l’adoptianisme.
[23] Langenwalter Anna Beth, Agobard of Lyon: an exploration of Carolingian Jewish/Christian relations, Department of the Centre for Medieval Studies, University of Toronto, 2009. L’auteure montre que, chez Agobard, la controverse adoptianiste dépasse le simple débat théologique pour incarner une vision carolingienne de la déviance, où l’hérésie sert à définir et préserver les frontières de l’ordre religieux et impérial.
[24] Rubellin Michel, Eglise et société chrétienne d’Agobard à Valdès, Collection d’histoire et d’archéologie médiévales, 2003, p. 45-50 ; p. 72-75.
[25] C’est le sens de l’Ordinatio Imperii (817), qui formalise la conception carolingienne d’un ordre politique et religieux unifié, dans lequel la lutte contre les déviances religieuses participe à la consolidation de l’autorité impériale et à l’affirmation d’une unité doctrinale et sociale. Voir McKitterick, Rosamond, The Frankish Kingdoms under the Carolingians, op. cit, p. 141-145.
[26] Agobard, Adversus Dogma Felicis, §VI, in Van Acker Luis, Agobardi Lugdunensis opera omnia (Corpus Christianorum Continuatio Mediaevalis, LII), Turnhout, 1981.
[27] Agobard appuie son argumentation sur les réflexions qu’Augustin présente à propos de la Trinité dans son De Trinitate, mais aussi sur les Commentaires sur les Epitres de Paul de Jérôme, qui discute les détournements sémantiques du terme d’adoptio.
[28] Augustin, De Trinitate IV, 2,4.
[29] Agobard, Adversus Dogma Felicis, Op. cit., §XXXI, évoquant la « virtute ineffabile unitatis ».
[30] Pour Pezé Warren, “Amalaire et la communauté juive de Lyon. À propos de l'antijudaïsme lyonnais à l'époque carolingienne", Forschungen zur westeuropäischen Geschichte, 2013, 40, p. 1-26, les positions antijuives des évêques lyonnais “prennent leur place dans un activisme qui ne tend à rien d'autre qu'à construire pièce par pièce une certaine société chrétienne". Il faut donc resituer ces débats dans le contexte global d'idéologie unitaire de l'époque.
[31] Rubellin Michel. « Agobard de Lyon ou la passion de l’unité », Église et société, Op. cit.
[32] Ganz David, « La production de livres dans l'Empire carolingien et la diffusion de la Caroline Minuscule », dans The New Cambridge Medieval History, éd. McKitterick Rosamond, Cambridge University Press, 1995, p. 786–808.
[33] Agobard, De baptismo mancipiorum Iudaeorum, dans Michel Rubellin (éd.), Œuvres I : Contre les superstitions, contre les juifs, Paris, Éditions du Cerf (Sources Chrétiennes, n° 583), 2016, p. 254-265 ; Agobard, Contra praeceptum impium de baptismo mancipiorum Iudaeorum, dans Michel Rubellin (éd.), Œuvres I, Op. cit. p. 270-283.
[34] Agobard, De insolentia Iudaeorum, dans Michel Rubellin (éd.), Œuvres I, Op. cit. p. 288-307 ; Agobard, Epistola exhortatoria de cavendo convictu et societate Iudaica, dans Michel Rubellin (éd.), Œuvres I, p. 400-413.
[35] Depreux Philippe, Prosopographie de l’entourage de Louis Le Pieux, Sigmaringen, 1997.
[36] Sur l’importance du lien entre réseaux et doctrine, voir Schor Adam, Theodoret’s People. Social Networks and Religious Conflict in Late Roman Syria, Berkeley-Londres, University of California Press, 2011, 342 p.
[37] Annales Lugdunenses, éd. G.H. Pertz, dans Monumenta Germaniae Historica, Scriptores, I (1826), p. 110.
[38] Isaïa Marie-Céline, « Agobard, et après ? La réception d’Agobard à Lyon d’après le manuscrit Paris, BnF, lat. 2853 », in Lyon dans l'Europe carolingienne : autour d'Agobard, 816-840, édité par Bougard François, Charansonnet Alexis, Isaïa Marie-Céline, Turnhout, Brepols (« Collection Haut Moyen Âge » 36), 2019.
En 819, Agobard, évêque de Lyon depuis 816 et figure majeure de l’épiscopat carolingien, affirme avoir découvert un écrit attribué à Felix d’Urgell, ancien évêque catalan, connu pour avoir défendu, à la fin du VIIIe siècle, une christologie qualifiée d’adoptianiste – c’est-à-dire soutenant que le Christ, en tant qu’homme, ne serait pas le Fils de Dieu par nature, mais seulement par adoption. Cette doctrine, condamnée avec fermeté par Charlemagne lors du concile de Francfort en 794, semblait alors avoir disparu du débat théologique. Lorsque Felix meurt en 818 à Lyon, où il était sous surveillance épiscopale depuis plus de vingt ans, Agobard déclare avoir retrouvé dans ses affaires un brûlot dans lequel Felix embrasserait de nouveau ses idées adoptianistes. L’évêque de Lyon juge alors nécessaire de réfuter à nouveau ses positions dans un traité polémique : l’Adversus Dogma Felicis.
Cet article ne se donne pas pour but de remettre en question l’existence-même du texte prétendument rédigé par Felix d’Urgell[1] ; il cherche plutôt à interroger les raisons et les motivations d’Agobard de Lyon quant à ce retour inattendu sur une controverse théologique apparemment éteinte et poussent Agobard à raviver une hérésie marginalisée depuis plus de vingt ans ? Pour comprendre ce geste, il convient de le restituer dans le contexte de la renaissance carolingienne, période à laquelle l’unification doctrinale et la lutte contre les croyances et pratiques perçues comme déviantes constituent des éléments centraux de la politique religieuse impériale. Si Agobard est surtout étudié pour son opposition aux communautés juives de Lyon[2] ou sa lutte contre les superstitions populaires[3], plusieurs travaux, notamment ceux de Rosamond McKitterick[4] ou Mayke De Jong[5] ont souligné l’importance de la fonction pastorale des évêques dans la définition de l’orthodoxie carolingienne. La polémique anti-adoptianiste d’Agobard s’inscrit dans cette dynamique : il ne s’agit pas seulement de répondre à une simple erreur théologique, mais d’affirmer une conception sociale de la foi façonnée par la logique unitaire propre tant au pouvoir impérial qu’à la hiérarchie ecclésiastique dans le monde carolingien[6].
Genèse de l’adoptianisme : l’hérésie, outil d’affirmation de la puissance carolingienne
L’adoptianisme, en tant que position christologique, trouve ses racines dans des débats théologiques bien antérieurs à la querelle hispanique du VIIIe siècle. Déjà au IIe siècle, Théodote de Byzance[7] affirme que le Christ n’est devenu divin qu’après la résurrection, ayant été adopté par Dieu au moment de son baptême alors qu’il était non divin — une position jugée incompatible avec la foi trinitaire telle qu’elle s’élabore progressivement dans le monde chrétien[8]. L’enjeu théologique principal réside alors dans la manière de concilier l’humanité du Christ avec sa divinité : pour l’orthodoxie trinitaire, le Christ est pleinement homme et pleinement Dieu, engendré non créé, consubstantiel au Père. L’adoptianisme, en soulignant une filiation seulement adoptive, est donc perçu comme une atteinte directe à cette consubstantialité.
Ce débat ancien connaît un renouveau particulier au sein de la péninsule ibérique du VIIIe siècle, dans un contexte de coexistence de plusieurs puissances religieuses et politiques : l’Église romaine, l’empire carolingien et l’Église ibérique sous domination arabe[9]. Après la conquête omeyyade à partir de 711, qui met fin au royaume wisigoth, l’Église hispanique se trouve territorialement et politiquement isolée, recentrée autour du siège primatial de Tolède. Ce relatif isolement favorise la persistance de formulations théologiques issues de la tradition wisigothique, parfois archaïques au regard des normes doctrinales romaines ou carolingiennes. C’est dans ce cadre qu’Elipand, devenu archevêque de Tolède en 780, reprend à son compte une christologie adoptianiste afin de défendre, selon ses termes, la pleine humanité du Christ. Son initiative coïncide avec un affaiblissement du prestige doctrinal de Tolède et peut être interprétée comme une tentative de redéfinir l’autorité théologique de l’Église ibérique face aux centres de pouvoir concurrents, notamment Aix-la-Chapelle et Rome[10].
La controverse adoptianiste naît à la confluence d’oppositions théologiques et d’enjeux ecclésiologiques. Pour Elipand, archevêque de Tolède, elle constitue un moyen de réaffirmer son autorité métropolitaine dans un contexte d’ingérence extérieure. L’épisode prend racine dans la venue d’Egila, évêque itinérant envoyé en 784 en Espagne par Wilchar de Sens, avec l’aval conjoint de Charlemagne et du pape. Cette nomination, opérée sans la consultation d’Elipand, est perçue comme une atteinte à la juridiction tolédane sur l’Église hispanique. La tension s’accroît lorsque Egila se rapproche de Migetius, personnage contesté, partisan d’une christologie hétérodoxe et farouche défenseur de la primauté de l’Église romaine sur celle d’Espagne. Migetius professe une vision confuse de la Trinité[11], associant abusivement ses personnes à des figures bibliques — Dieu le Père à David, le Fils à Jésus, et le Saint-Esprit à Paul — brouillant ainsi la distinction théologique entre les hypostases trinitaires et leurs manifestations dans l’histoire du salut.
Elipand réagit vivement et condamne ces positions[12]. Mais, ce faisant, il développe une réponse christologique, qui met l’accent sur la pleine humanité du Christ : tout en affirmant sa divinité éternelle en tant que Verbe, il insiste sur le fait que, selon la chair, le Christ est filius adoptivus[13] : fils adoptif de Dieu. Cette formulation, destinée à marquer la distance entre le Fils éternel et son incarnation dans le temps, vise aussi à répondre à la confusion doctrinale entretenue par Migetius. Pour sûr, elle entend rappeler le dogme trinitaire nicéen : mais son mode d’expression apparaît désuet, du fait de l’isolement de l'Église d’Espagne. On reproche alors à Elipand une pensée considérée comme nestorianiste[14] : l’évêque affirmerait deux hypostases, l’une divine et l’autre humaine, coexistant en la personne du Christ sans unité. Cette critique, hyperbolique, place le Tolédan en position de trahison de l’orthodoxie, alors qu’il se trouvait en position d’affirmation de sa prédominance épiscopale sur Egila et Migetius[15].
Face à ces attaques, Elipand, au lieu de démentir, s’enferme dans le terme d’adoption : isolé théologiquement, il trouve alors un allié de poids en la personne de Felix, le respecté évêque d’Urgell. L’entrée de ce dernier dans la controverse[16] fait de l’adoptianisme « un terrain d’affrontement avec un adversaire redoutable, le monde carolingien[17] », car son siège épiscopal dépend en effet de l’autorité de Charlemagne. Le roi franc convoque alors tous les évêques sous son autorité lors d’un premier concile à Ratisbonne en 791 au cours duquel Felix tente de démontrer la pertinence de la doctrine adoptianiste face à Alcuin, mandaté par Charlemagne. Le concile de Ratisbonne définit et condamne l’adoptianisme comme hérésie : l’anathème est jeté sur Felix et son enseignement, et ce dernier abjure ses croyances avant d’être emmené à Rome où il est tenu prisonnier. Toutefois, il semble que Félix continue à défendre, après sa libération, certains aspects de la doctrine adoptianiste : cela justifierait alors la réaffirmation de la condamnation de son hérésie lors du concile de Francfort en 794.
En 794, Charlemagne convoque un second concile à Francfort et place au centre des débats l’hérésie adoptianiste : le souverain œuvre à l’unification de l’Église d’Occident, sa mission « s’inscrit dans une perspective sotériologique qui ne tolère aucun schisme[18] ». Cette assemblée est donc pensée par le pouvoir franc comme un levier de consolidation de son autorité politique et religieuse, s’inscrivant dans une tradition antique où les conciles, depuis Constantin[19], permettent d’affirmer la légitimité impériale à travers l’unité doctrinale. Francfort devient ainsi un moment-clé de l’affirmation du souverain comme rex praedicator[20] : l’intervention du pouvoir royal marque la fin de l’influence de la pensée adoptianiste et de sa diffusion. Le pouvoir carolingien définit et emploie l’hérésie comme un instrument d’affirmation de ses prétentions impériales et religieuses, s’inscrivant dans un héritage politique où la construction d’une orthodoxie unifiée justifie et renforce la souveraineté monarchique[21].
La construction d’une argumentation anti-hérétique
Une vingtaine d’années plus tard, Agobard ressuscite le débat adoptianiste : l’analyse de l’Adversus Dogma Felicis nous permet de comprendre la manière dont se construit son argumentation face à Felix. La structure du discours est simple : après une exhortation à l’empereur Louis le Pieux à qui il adresse cet ouvrage, l’évêque reprend linéairement le propos de Felix pour le contredire, tant en s’appuyant sur des écrits patristiques[22] qu’en comparant l’adoptianisme à une autre hérésie plus ancienne, le nestorianisme. Ce double processus permet de renforcer l’idée selon laquelle les propos de Felix constituent une grave erreur et de redoubler la puissance de la réfutation patristique, qui s’applique alors tant au nestorianisme qu’à l’hérésie félicienne : les attaques ad hominem que formule notre évêque envers Felix entérinent également l’ouvrage de décrédibilisation de la pensée adoptianiste. Par l’argumentation qu’il développe, Agobard réaffirme également la doxa christologique de l'Église carolingienne.
Un bref retour sur les points majeurs défendus par le Lyonnais permet de situer la controverse qu’il relance dans une idéologie carolingienne plus vaste[23]. Sa pensée est guidée par une conception impériale majeure : la vérité constitue le ciment unitaire de la foi, et donc de la société chrétienne. Agobard emploie cette vérité comme une valeur absolue dont il se fait le défenseur[24] : le critiquer revient alors à critiquer les écrits patristiques qui lui servent de référence mais surtout à défendre le mensonge. Le double rôle d’exégète et pasteur qu’il endosse confère à son propos une dimension totale : Agobard définit et défend la justesse du dogme qu’il représente.
Plusieurs éléments participent à la réfutation de la théorie de Felix, selon laquelle le Christ serait le Fils adoptif du Père. Nous ne les évoquerons pas tous, car certains aspects de cette controverse sont à la fois répétitifs et trop ancrés dans la référence au nestorianisme, à tel point qu’ils n’illustrent pas spécialement l’utilisation stratégique qu’en fait Agobard dans le contexte carolingien qui affirme l’unité de la foi par la lutte contre les déviances[25]. Sont ainsi présentés les principaux enjeux de la controverse christologique adoptianiste :
Chez Felix, le Christ humain et le Christ divin ne sont pas deux êtres distincts coexistants, car le second apparaît à la mort du premier : l’expression de la dualité est temporelle. Agobard refuse de considérer la nature du Christ comme sécable, ce qui reviendrait pour lui à considérer Jésus comme deux personnes distinctes. A partir du concile de Nicée, le Credo catholique affirme en effet la consubstantialité de la nature christique : « le Verbe de Dieu a été uni à la chair selon la subsistance[26] ». Comme le rappelle Agobard, Dieu n’a pas choisi un homme pour accomplir sa parole, mais s’est fait homme lui-même par l’intermédiaire du Christ dont la nature est à la fois divine et humaine, de manière consubstantielle et dans le même temps. L’évêque de Lyon reproche ainsi à Felix de diviser l’humanité dans le Seigneur et d’insinuer qu’il n’est pas réellement le fils de Dieu dans cette humanité. Or, la divinité est éternelle, en Dieu comme dans le Christ : elle ne peut donc pas commencer au moment de la mort charnelle de Jésus. Par cela, Agobard réaffirme encore l’unicité de la nature du Christ. Il explique que la parole de Dieu et la chair de Jésus ne sont pas apparues avec la naissance du Christ issu de la Vierge, mais qu’elles se sont engendrées dans la chair créée par Marie : l’Incarnation prévaut donc sur la Création. Dieu a donc créé sa propre chair à partir de Marie. Le principe d’unité des natures christiques rejoue donc le principe trinitaire central dans le Credo nicéen. La division du Fils en constitue une négation impardonnable pour Agobard car elle remet en question les principes constitutifs de la foi catholique et donc de l’unité qu’elle engendre dans l’Empire carolingien.
Le fait que Félix différencie les deux natures du Christ l’amène à se demander si Jésus est le fils du Père de la même manière en tant qu’homme et en tant que Dieu. Le disciple d’Elipand répond par la négative en expliquant que, du fait de ses deux natures, le Christ est le fils de Dieu de deux manières distinctes. Agobard dénonce cette affirmation de la dualité qu’il assimile à une forme de polythéisme. Cette conception est à l’origine de la notion d’adoption qui donne son nom à l’hérésie félicienne. Pour déconstruire cette idée, l’évêque de Lyon s’appuie, plus encore qu’il ne l’avait fait auparavant, sur les textes patristiques, et prend notamment en référence Augustin et Jérôme[27]. Selon son analyse, Felix, en différenciant la nature humaine et divine du Christ, insinuerait que le Fils charnel n’est pas engendré par le Père mais seulement adopté en Esprit, avant de devenir divin à sa mort : cela constitue une grave remise en question du principe de l’Incarnation. Pour contredire cette hérésie, Agobard cite Augustin : « Dieu est éternel et vrai, conçu véritablement selon le temps, et né de la Vierge[28] ».
Si Agobard attaque les propos de Felix, c’est parce que ceux-ci remettent en cause les fondements du dogme et menacent donc l’unité du Corpus Christi dont l’évêque de Lyon est garant du fait de sa position et de sa vocation pastorale. À de nombreuses reprises, Agobard réaffirme la puissance de cette unité ineffable de la foi, associée à la vertu[29] : or, comment penser l’unité si l’on ne peut pas la garantir dans le Christ duquel découle toute pensée théologique ? L’évêque de Lyon clôt donc débat, en réaffirmant clairement le principe unitaire souverain de la foi catholique : cette idée est au centre tant de sa conception de la déviance que de son œuvre pastorale. En cela, l’Adversus Dogma Felicis est synecdochique de la pensée agobardienne, elle-même fidèle aux idéaux carolingiens.
Utilité de la controverse adoptianiste : entre ambition et intégrité, la figure d’un évêque en lutte pour maintenir l’unité dans l’Empire
L’étude de l’Adversus Dogma Felicis est intéressante en plusieurs points : d’abord, comme nous l’avons vu, car elle permet de comprendre la construction d’un discours anti-hérétique dans sa dimension rhétorique ; ensuite, parce qu’à travers la définition du dogme catholique, elle pose les bases de la vision carolingienne de la société chrétienne dans laquelle évolue Agobard ; enfin, parce qu’elle est une porte d’entrée originale dans la pensée agobardienne. En effet, c’est souvent par l’étude de l’antijudaïsme d’Agobard[30] que se construisent les travaux à son sujet. Les écrits qu’il nous a laissé sont majoritaires à ce sujet et constituent également le corpus le plus important pour étudier la question du judaïsme à l’époque de Louis le Pieux. Il convient cependant de mesurer le biais que ce corpus peut comporter : les œuvres qui nous sont parvenues ne sont peut-être pas les seules qui ont été rédigées par Agobard : ainsi, si la question juive est importante dans son œuvre, elle n’est pas la seule préoccupation du Lyonnais. Etudier sa réfutation d’une hérésie permet donc d’aborder la pensée de notre évêque d’un point de vue renouvelé afin d’en faire ressortir les caractéristiques majeures, à savoir sa farouche opposition à toute déviance et sa passion de l’unité[31].
D’abord, il convient de noter les points d’originalité de la controverse agobardienne contre Felix. Le Lyonnais, contre toute attente, ne s’appuie pas sur le travail d’Alcuin, qui avait démenti les thèses adoptianistes à Ratisbonne et Francfort. Si cette orientation intellectuelle peut en partie s’expliquer par le contenu de la bibliothèque de Lyon (très orientée sur les œuvres d’Augustin et de Jérôme, références patristiques majeures du traité contre Felix[32]), elle témoigne néanmoins d’une forte volonté de démarcation de la part d’Agobard. Peut-être cherche-t-il, en démontrant son talent exégétique, à obtenir auprès de Louis le Pieux une place similaire à celle qu’occupait Alcuin auprès de Charlemagne. Au vu des circonstances troublées de son ascension épiscopale, il est possible qu’Agobard, dans les premières années de sa charge, ait cherché à consolider sa position en se rapprochant du pouvoir impérial.
L’Adversus Dogma Felicis constituerait donc une première tentative pour le Lyonnais de s’insérer dans un réseau impérial qui lui semble difficilement pénétrable. Cette hypothèse se voit confortée par plusieurs lettres adressées à Louis le Pieux dans lesquelles Agobard cherche à se positionner comme un défenseur zélé de l’unité doctrinale et politique de l’empire. Dans deux de ces lettres[33], il affirme ainsi son rôle de guide spirituel vigilant, dénonçant les privilèges des juifs comme contraires à l’ordre chrétien voulu par l’empereur. Il se place explicitement dans une posture de conseiller du prince, soucieux du salut de l’ensemble du regnum. De même, dans ses lettres à Louis le Pieux à propos de la question du baptême des Juifs[34], il insiste sur la responsabilité impériale en matière religieuse, liant l’unité du dogme à la stabilité de l’empire. Ces prises de position s’inscrivent dans une stratégie plus large visant à démontrer sa loyauté et sa compétence théologique face à un empereur nouvellement couronné, entouré d’un entourage majoritairement aquitain. L’écriture de l’Adversus Dogma Felicis doit donc être replacée dans ce contexte d’auto-légitimation épiscopale : en s’attaquant à une hérésie condamnée par les autorités impériales, Agobard se met en scène comme un pilier de l’orthodoxie et cherche à s’imposer comme un interlocuteur nécessaire du pouvoir.
Cette volonté de développement de l’insertion réticulaire d’Agobard, qui intervient dès le début de sa carrière épiscopale, s’explique en partie par le contexte dans lequel elle intervient. En effet, en 814, Agobard est nommé par Leidrade comme son successeur au siège lyonnais. Or, dans le même temps, l’accession au trône de Louis le Pieux rebat les cartes : le nouvel empereur dispose d’un grand nombre de fidèles originaires d’Aquitaine, région dont il était roi avant de devenir empereur. Il les positionne donc à ses côtés, mettant fin à la collaboration des anciens conseillers de son père. L’accès à l’épiscopat d’Agobard s’ancre dans un contexte complexe : désigné en 814 par Leidrade, proche de Charlemagne, le jeune évêque n’a pas été approuvé par Louis : son ascension est bien problématique car elle n’est officiellement approuvée que deux ans plus tard au concile d’Aix-la-Chapelle en 816[35]. Le prélât doit alors faire ses preuves auprès de Louis le Pieux.
L’importance d’une insertion réticulaire impériale n’est donc pas à sous-estimer. Les réseaux se dessinent et se renforcent au gré des prises de position d’Agobard[36]. Certains historiens ont formulé l’hypothèse selon laquelle ce dernier serait d’origine septimanienne[37], ce qui expliquerait son intérêt pour l’adoptianisme : la Septimanie est la région dans laquelle opère Felix d’Urgell, et où Leidrade, prédécesseur d’Agobard à l’épiscopat lyonnais, est intervenu sur ordre de Charlemagne vers 798. Agobard, à la mort de Leidrade, hérite des réseaux de ce dernier et entretient les liens privilégiés déjà établis, notamment avec les évêques de Narbonne Nibridius puis Barthélémy. Si Agobard dispose donc de relations dans l’Empire, ces dernières restent cantonnées au Sud de la Francie : son entreprise contre Felix peut alors constituer un moyen d’étendre vers le nord du royaume des relations qu’il juge trop restreintes. Cet exercice comporte peu de risques. D’abord, l’adoptianisme a déjà été défini comme hérésie : on ne perd donc rien à s’y opposer. Ensuite, parce que le débat, dans les années 790, s’est polarisé au nord de l’Empire : les conciles se tiennent à Ratisbonne et à Francfort sous impulsion impériale. Ainsi, remettre en scène cette opposition peut permettre à Agobard de rejouer l’entrecroisement des réseaux épiscopaux et impériaux afin d’y prendre place. L’Adversus Dogma Felicis constituerait dans ce sens plutôt un exercice de style exégétique, ayant pour but de démontrer les qualités d’évêque d’Agobard, qu’un véritable affrontement contre Felix, dont les conciles impériaux et la mort ont condamné les idées au silence. Si cette tentative n’aboutit pas, notamment du fait de la faible diffusion de l’ouvrage[38], elle révèle tout de même deux constantes dans l’œuvre de l’évêque : la lutte pour l’unité, contre toute forme de déviance, et l’utilisation de ses réseaux pour défendre, coûte que coûte, cette conception du dogme carolingien.
L’ambition d’Agobard est au service de ses préoccupations épiscopales. Longtemps décrié par l’historiographie tant du fait de l’importance de sa place dans la déposition de Louis le Pieux en 833 que de son antijudaïsme, il souffre, depuis la redécouverte de ses œuvres au XVIIe siècle, d’une mauvaise presse que la recherche actuelle tente de nuancer[39]. Agobard est en effet un produit de son époque[40] qu’il faut comprendre comme tel : malgré les nombreuses controverses dans lesquelles il s’intègre (contre les envoyés de l’empereur au sujet de la communauté juive de Lyon[41], contre la persistance de croyances païennes dans son diocèse[42], contre le culte des images[43]), l’archevêque de Lyon demeure une personnalité intègre, fidèle à son idéal unitaire qui constitue le fer de lance de ses prises de position. Ainsi, l’étude de l’Adversus Dogma Felicis et de son contexte de rédaction laisse à penser qu’Agobard pense et utilise son insertion dans les réseaux impériaux comme un moyen de valoriser son combat dogmatique. S’il ne peut être compris que par l’étude de l’ensemble de ses œuvres, le cadre de l’hérésie en est synecdochique, mettant en œuvre la volonté du Lyonnais d’employer la question de l’unité comme outil de légitimation de son positionnement. Ce double intérêt permet d’expliquer la renaissance du débat adoptianiste au début de son épiscopat : le manque de diffusion de son ouvrage censure l’échec relatif de cette entreprise. Cette faible diffusion des œuvres d’Agobard s’explique par le fait que ces dernières s’ancrent toutes dans des contextes très précis : toutes sont des textes de circonstance qui perdent alors en pertinence une fois rédigée.
[1] Voir Cavadini, John Christopher, The Last Christology of the West : Adoptionism in Spain and Gaul, 785–820, New Haven, Yale University Press, 1988, p. 197-283, qui souligne que les œuvres de Félix d’Urgell ne nous sont connues que par les citations de ses adversaires, notamment Alcuin, Paulin et Agobard. Il faut néanmoins noter que les lettres de Felix antérieures à 794 sont citées tant par Paulin que par Alcuin, tandis que le traité auquel Agobard se réfère dans l’Adversus Dogma Felicis n’est cité que par lui et n’a pas été retrouvé.
[2] Les cinq lettres antijuives constituent la part la plus conséquente du corpus agobardien. Voir notamment Michel Rubellin, « Agobard de Lyon ou la passion de l’unité ». Église et société chrétienne d’Agobard à Valdès, Presses universitaires de Lyon, 2003, qui actualise Boshof, Egon, Erzbischof Agobard von Lyon. Leben und Werke, Cologne 1969. Voir aussi Blumenkranz, Bernhard, Les Auteurs chrétiens latins du Moyen Âge sur les Juifs et le Judaïsme, Paris, 1963, p. 157-168.
[3] Sur ce sujet, voir Devroey, Jean-Pierre, De la grêle et du tonnerre. Histoire médiévale des imaginaires paysans, Edition UH Seuil, 2024, mais aussi Platelle, Henri, « Agobard, évêque de Lyon, les soucoupes volantes, les convulsionnaires », Apparitions et miracles, éd. A. Dierkens, Bruxelles, 1991, p. 85-93 ; Dutton, Paul Edward, « Thunder and Hail over the Carolingian Countryside », Agriculture in the Middle Ages. Technology, Practice, and Representation, ed. D. Sweeney, University of Pennsylvania Press, Philadelphie, 1995, p. 111-137.
[4] Voir McKitterick, Rosamond, The Frankish Church and the Carolingian Reforms, 789–895, Londres, Royal Historical Society, 1977, qui éclaire le rôle central des évêques dans les réseaux de pouvoir impériaux et dans la construction de l’orthodoxie carolingienne.
[5] De Jong, Mayke, « Sacrum palatium et ecclesia : L'autorité religieuse royale sous les Carolingiens (790-840) ». Annales. Histoire, Sciences Sociales, 2003/6, 58e année, 2003. p. 1243-1269, étudie l’autorité religieuse carolingienne en soulignant la collaboration étroite entre le pouvoir royal et l’épiscopat, en démontrant que le sacrum palatium fonctionne comme un centre religieux au sein duquel l’empereur et les évêques œuvrent conjointement à la définition de l’orthodoxie.
[6] Voir Chazelle Celia Martin, The Crucified God: Theology and Image in the Carolingian Era, Cambridge, Cambridge University Press, 2001, p. 52-71, qui met en évidence la manière dont les débats christologiques participent à la construction d’un ordre chrétien unifié, porté conjointement par l’autorité impériale et ecclésiastique dans le monde carolingien.
[7] Roukama Riemer, Jesus, Gnosis and Dogma, Bloomsbury Publishing, 2010, p. 53.
[8] Voir Rouche, Michel, Les origines du christianisme (30-451), Paris, Éditions du Seuil, 2005, p. 312-315, qui analyse les positions christologiques de Paul de Samosate et de Photin de Sirmium, et leur condamnation par les conciles antérieurs à Nicée, mettant en lumière leur opposition à la doctrine trinitaire affirmée au concile de Nicée (325), laquelle deviendra centrale dans la définition christologique médiévale.
[9] Bonnery André, « Le rôle de Felix d’Urgell dans la querelle adoptianiste », in Michel Zimmermann, Le Moyen Âge dans les Pyrénées catalanes. Art, culture et société, Études Roussillonnaises 21, Éditions Trabucaire, 2005, p. 105.
[10] Pour mieux cerner le contexte du développement des diverses hétérodoxies sur le territoire de l’ancienne Église wisigothique et son intérêt pour les questions dogmatiques, voire Rubellin Michel. « Hérésie et parenté en Occident (fin VIIIe – début IXe siècle) ». Église et société chrétienne d’Agobard à Valdès, Presses universitaires de Lyon, 2003.
[11] Sur la pensée de Migetius et sa réception, voir Collins, Roger, Early Medieval Spain : Unity in Diversity, 400–1000, 2ᵉ éd., New York, St. Martin’s Press, 1995, p. 189–191.
[12] Epistola Elipandi episcopi Toletani ad Felicem episcopum Urgellitanum, éd. Ernst Dümmler, dans Monumenta Germaniae Historica, Epistolae (in Quart), IV, Epistolae Karolini aevi (II), Berlin, 1895, p. 307–309.
[13] Ces propos sont notamment dénoncés par Alcuin dans une lettre adressée à Elipand : « Dicit itaque propter adsumptionem Christum esse adoptivum ; minus considerans non omnem adsumptionem adoptions esse, licet omnis adoptio quaedam sit adsumptio. » in : Alcuin, Epistola 166, in Dümmler, Ernst (éd.), Epistolae Karolini aevi II (Monumenta Germaniae Historica, Epistolae, t. 4), Berlin, Weidmann, 1895, p. 268.
[14] Le nestorianisme est une doctrine christologique qui insiste sur la distinction entre les deux natures, divine et humaine, du Christ, allant jusqu’à séparer leurs hypostases. Elle est rejetée comme hérésie par le concile d’Éphèse (431). Voir Reinink, Gerrit « Tradition and the Formation of the ‘Nestorian’ Identity in Sixth- to Seventh-Century Iraq », Church History and Religious Culture, vol. 89, n° 1-3, 2009, p. 169-194.
[15] Isla Frey Amancio, Migecianos, casianistas y la definición de una herejía (fin del siglo VIII – principio del IX), Studia Historica. Historia Medieval, 38(2), Universidad de Salamanca, 2020, p. 189–219.
[16] Felix d’Urgell rédige avant 790 un Traité contre les Asturiens qui a pour but de défendre les positions d’Elipand ; il ne fait pas l’objet d’une édition critique complète à ce jour. Voir Stoffella, John « Félix d’Urgell », Dictionnaire d’Histoire et de Géographie ecclésiastiques, vol. XIII, 1956, p. 1453-1456.
[17] Bonnery André, « Le rôle de Felix d’Urgell dans la querelle adoptianiste », Op. cit., p. 109.
[18] Close Florence, Uniformiser la foi pour unifier l’Empire : la pensée politico-théologique de Charlemagne, Classe des Lettres, Académie Royale de Belgique, 2011, p. 118. Pour l’auteure, le concile de Francfort met en germe l’idée d’alliance franco-pontificale qui sera consacrée par le couronnement de 800.
[19] Le concile de Nicée (325), convoqué et supervisé par Constantin, affirme le Credo trinitaire et illustre l’usage politique des conciles par l’empereur pour affirmer une orthodoxie unifiée et renforcer son autorité impériale. Voir Paul Veyne, Le Christianisme antique, Gallimard, 1990, p. 185-187, où l’auteur analyse les conciles œcuméniques comme des mécanismes politiques permettant aux empereurs de consolider leur autorité en imposant une orthodoxie religieuse pensée comme unificatrice.
[20] Lauwers Michel, « Le glaive et la parole : Charlemagne, Alcuin et le modèle du rex praedicator : notes d’ecclésiologie carolingienne », Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest, 111-3 | 2004, p. 221-244.
[21] MacCulloch Diarmaid, A History of Christianity: The First Three Thousand Years, Yale University Press, 2010, 1216 p.
[22] Agobard s’appuie d’abord Cyrille d’Alexandrie, qui est la référence la plus citée dans l’Adversus Dogma Felicis, car il est l’adversaire principal du nestorianisme auquel Agobard assimile l’adoptianisme.
[23] Langenwalter Anna Beth, Agobard of Lyon: an exploration of Carolingian Jewish/Christian relations, Department of the Centre for Medieval Studies, University of Toronto, 2009. L’auteure montre que, chez Agobard, la controverse adoptianiste dépasse le simple débat théologique pour incarner une vision carolingienne de la déviance, où l’hérésie sert à définir et préserver les frontières de l’ordre religieux et impérial.
[24] Rubellin Michel, Eglise et société chrétienne d’Agobard à Valdès, Collection d’histoire et d’archéologie médiévales, 2003, p. 45-50 ; p. 72-75.
[25] C’est le sens de l’Ordinatio Imperii (817), qui formalise la conception carolingienne d’un ordre politique et religieux unifié, dans lequel la lutte contre les déviances religieuses participe à la consolidation de l’autorité impériale et à l’affirmation d’une unité doctrinale et sociale. Voir McKitterick, Rosamond, The Frankish Kingdoms under the Carolingians, op. cit, p. 141-145.
[26] Agobard, Adversus Dogma Felicis, §VI, in Van Acker Luis, Agobardi Lugdunensis opera omnia (Corpus Christianorum Continuatio Mediaevalis, LII), Turnhout, 1981.
[27] Agobard appuie son argumentation sur les réflexions qu’Augustin présente à propos de la Trinité dans son De Trinitate, mais aussi sur les Commentaires sur les Epitres de Paul de Jérôme, qui discute les détournements sémantiques du terme d’adoptio.
[28] Augustin, De Trinitate IV, 2,4.
[29] Agobard, Adversus Dogma Felicis, Op. cit., §XXXI, évoquant la « virtute ineffabile unitatis ».
[30] Pour Pezé Warren, “Amalaire et la communauté juive de Lyon. À propos de l'antijudaïsme lyonnais à l'époque carolingienne", Forschungen zur westeuropäischen Geschichte, 2013, 40, p. 1-26, les positions antijuives des évêques lyonnais “prennent leur place dans un activisme qui ne tend à rien d'autre qu'à construire pièce par pièce une certaine société chrétienne". Il faut donc resituer ces débats dans le contexte global d'idéologie unitaire de l'époque.
[31] Rubellin Michel. « Agobard de Lyon ou la passion de l’unité », Église et société, Op. cit.
[32] Ganz David, « La production de livres dans l'Empire carolingien et la diffusion de la Caroline Minuscule », dans The New Cambridge Medieval History, éd. McKitterick Rosamond, Cambridge University Press, 1995, p. 786–808.
[33] Agobard, De baptismo mancipiorum Iudaeorum, dans Michel Rubellin (éd.), Œuvres I : Contre les superstitions, contre les juifs, Paris, Éditions du Cerf (Sources Chrétiennes, n° 583), 2016, p. 254-265 ; Agobard, Contra praeceptum impium de baptismo mancipiorum Iudaeorum, dans Michel Rubellin (éd.), Œuvres I, Op. cit. p. 270-283.
[34] Agobard, De insolentia Iudaeorum, dans Michel Rubellin (éd.), Œuvres I, Op. cit. p. 288-307 ; Agobard, Epistola exhortatoria de cavendo convictu et societate Iudaica, dans Michel Rubellin (éd.), Œuvres I, p. 400-413.
[35] Depreux Philippe, Prosopographie de l’entourage de Louis Le Pieux, Sigmaringen, 1997.
[36] Sur l’importance du lien entre réseaux et doctrine, voir Schor Adam, Theodoret’s People. Social Networks and Religious Conflict in Late Roman Syria, Berkeley-Londres, University of California Press, 2011, 342 p.
[37] Annales Lugdunenses, éd. G.H. Pertz, dans Monumenta Germaniae Historica, Scriptores, I (1826), p. 110.
[38] Isaïa Marie-Céline, « Agobard, et après ? La réception d’Agobard à Lyon d’après le manuscrit Paris, BnF, lat. 2853 », in Lyon dans l'Europe carolingienne : autour d'Agobard, 816-840, édité par Bougard François, Charansonnet Alexis, Isaïa Marie-Céline, Turnhout, Brepols (« Collection Haut Moyen Âge » 36), 2019.
[39] Rubellin Michel. « Agobard de Lyon ou la passion de l’unité », Op. cit.
[40] Langenwalter Anna Beth, Agobard of Lyon, Op. cit.
[41] Agobard de Lyon, Œuvres d’Agobard, Op. cit.
[42] Ibid.
[43] Agobard de Lyon, Liber de picturis et imaginibus, in Rockinger Ludwig (éd.), Agobardi Lugdunensis opera omnia, Monumenta Germaniae Historica, Leges 3, Hanovre, Impensis bibliopolii Hahniani, 1864.
Bibliographie
Bonnery, André, « Le rôle de Felix d’Urgell dans la querelle adoptianiste », in Le Moyen-Âge dans les Pyrénées catalanes, 2005.
Bougard, François, Charansonnet, Alexis, Marie-Céline Isaïa, Marie-Céline, (dir.), Lyon dans l'Europe carolingienne : autour d'Agobard, 816-840, Turnhout, Brepols (« Collection Haut Moyen Âge » 36), 2019.
Carrlet, Juliette, Agobard de Lyon et la perception de la déviance. Enjeux dogmatiques, politiques et personnels d’une controverse carolingienne, Sorbonne Université, 2023. Mémoire sous la direction de Dumézil Bruno
Cavadini, John Christopher, The Last Christology of the West: Adoptionism in Spain and Gaul, 785–820, New Haven, Yale University Press, 1988.
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