Salomé Sauboua
Résumé
En 1723, dans la jeune Nouvelle-Orléans, le manque d'un hôpital et de personnel qualifié se fait ressentir. Afin de le combler, la Compagnie des Indes décide de faire venir des Ursulines, des religieuses pourtant non hospitalières mais enseignantes. Avant de partir, les douze missionnaires rencontrent cependant un obstacle majeur : les réticences de leurs proches. Comment les Ursulines sont-elles parvenues à s'émanciper de leur cadre habituel ? Entre mise en récit et émancipation, l'histoire de ce groupe est celle d'un voyage vers la liberté.
Détails
Chronologie : XVIIIe siècle
Lieux : France – États-Unis
Mots-clés : Ursulines – migration – Louisiane – émancipation – famille – réseau – XVIIIe siècle
Chronology: XVIIth century
Location: France – United States
Keywords: Ursulines – migrating – Louisiana – emancipation – family – network –XVIIth century
Plan
I – Les Mères Supérieures des couvents d'origines : une opposition fervente au départ
II – Une opposition familiale ou la peur de perdre une proche
III – La famille de Marie-Madeleine Hachard, l'exemple d'une famille conservant un lien malgré l'éloignement géographique
IV – Le convoi des Ursulines, une nouvelle cellule familiale pour les religieuses
Pour citer cet article
Référence électronique
Sauboua Salomé, “La migration des Ursulines fondatrices du couvent de La Nouvelle-Orléans : un moyen d’émancipation pour les religieuses ?", Revue de l’Association des Jeunes Chercheurs de l’Ouest [En ligne], n°2, 2022, mis en ligne le 17 octobre 2022, consulté le 14 décembre 2024 à 21h31, URL : https://ajco49.fr/2022/10/17/la-migration-des-ursulines-fondatrices-du-couvent-de-la-nouvelle-orleans-un-moyen-demancipation-pour-les-religieuses
L’Auteur
Salomé Sauboua a réalisé deux mémoires de recherche en histoire moderne à l’université de Nantes.
Droits d’auteur
Tous droits réservés à l’Association des Jeunes Chercheurs de l’Ouest.
Les propos tenus dans les travaux publiés engagent la seule responsabilité de leurs auteurs.
« Bien des gens ont traité nôtre entreprise comme de la folie », Marie-Madeleine Hachard, Extrait de Relation du voyage des dames religieuses de Rouën, a la Nouvelle-Orléans, parties de France le 22 février 1727 et arrivez à la Louisienne le 23 juillet de la même année[1].
Après un long voyage en partance de Lorient, un groupe de douze Ursulines françaises arrive à La Nouvelle-Orléans en août 1727. Celles-ci sont les premières à migrer vers la Louisiane au XVIIIe siècle et ont pour but de fonder un couvent. Elles sortent de leur cloître pour traverser une partie de la France, de l'Atlantique et du fleuve Mississippi. Ce voyage s'inscrit dans un contexte migratoire large : celui des missionnaires partant évangéliser des populations esclaves et autochtones[2].
Fondé en 1532 par Angèle Merici dans la ville de Brescia, l'ordre de sainte Ursule s'est construit en opposition au désordre social et religieux important dans cette région du nord de l'Italie[3]. À la fin du XVIe siècle, le Sud de la France connaît un climat social semblable, notamment en raison des Guerres de Religion, entraînant l'arrivée des Ursulines dans le royaume. Dans ce climat, la mission éducative des Ursulines était considérée comme essentielle pour la survie de l’Église catholique après l’Édit de Nantes. La divulgation de la parole écrite était au cœur de la doctrine protestante : les Ursulines ont, en réponse, placé l'alphabétisation au centre de leur apostolat féminin défenseur de la foi. Afin de répandre cette mission dans tout le royaume français, Marie Guyart, une Ursuline de Tours, part fonder un couvent au Canada dans les années 1630 dans le but d'éduquer les populations autochtones[4]. Les Ursulines partant en 1727 s'inscrivent dans cette continuité.
À cette période, les responsables de la Louisiane ont pour objectif de créer une nouvelle société à l'image de la France. Cette colonie récente, fondée en 1682 par Cavelier de La Salle, est sous-peuplée et pauvre en 1727. Dès 1723, Jacques Delachaise, commissaire au roi en Louisiane, fait une demande à la Compagnie des Indes pour faire venir des sœurs pour tenir un hôpital à La Nouvelle-Orléans[5]. Même si les Ursulines n'étaient pas l'Ordre de préférence de la Compagnie, puisque leur vocation première n'est pas hospitalière mais éducative, elles sont choisies à la place des Filles de la Charité, des religieuses infirmières non cloîtrées. Celles-ci ne souhaitent pas se rendre en Louisiane en raison de leurs travaux trop importants en métropole mais aussi parce qu'elles appréhendent leur installation à La Nouvelle-Orléans[6]. À l'automne 1726, Nicholas Ignace de Beaubois, responsable des Jésuites louisianais, négocie un arrangement avec un petit groupe d'Ursulines venant principalement de Rouen et du Nord-Ouest de la France[7]. Comme tout ordre ecclésiastique, ce groupe suit une hiérarchie stricte. Marie Tranchepain, Mère Supérieure, en est à la tête avec Marguerite Judde, Mère Assistante, et Marie-Anne Boulanger, Mère Dépositaire, ainsi qu'une autre sœur de chœur et une novice, toutes originaires de Rouen. Trois autres sœurs de chœur viennent de Bretagne. Il est plus difficile de connaître l'origine géographique des sœurs converses, puisqu'elles sont considérées comme moins importantes en raison de leurs vœux simples et leurs tâches auxiliaires au sein de l'Ordre[8].
Dans ce processus migratoire et religieux, la famille et le couvent d'origine s'opposent souvent au départ. Ils craignent en effet de perdre l'une des leurs lors de ce voyage risqué. Comment les religieuses réagissent-elles face l'opposition de leurs proches ? En quittant leur ancrage à la fois familial, communautaire et relationnel, comment parviennent-elles à le renouveler grâce à leur migration ?
Pour réaliser cette étude, des sources provenant du for privé des douze religieuses sont disponibles. Il existe en effet deux relations de voyage écrites par la Mère Supérieure, Marie Tranchepain[9], mais aussi par la novice de ce convoi, Marie-Madeleine Hachard[10]. De plus, les lettres circulaires, écrites lors de la mort d'une Ursuline, donnent de nombreux détails sur la vie de ces religieuses, permettant alors de comprendre les enjeux relationnels des Ursulines[11].
I. Les Mères Supérieures des couvents d'origine : une opposition fervente au départ
Les Mères Supérieures s'opposent bien souvent au départ de l'une de leurs religieuses. Celles qui sont recrutées par Tranchepain pour effectuer la mission louisianaise le sont en raison de leurs qualités : elles sont charitables, travailleuses, pieuses, prudentes ou encore modestes[12]. Le couvent risque donc de perdre l'un de ses bons éléments. Pour empêcher le départ, les Mères Supérieures usent de différents stratagèmes. Le cas le plus parlant est celui de Marguerite Salaon :
« Sa communauté à qui elle étoit infiniment chère, s'opposoit à son désir. La Supérieure elle-même, quoique pleine de zèle, et de vertu ne pouvoit se résoudre à la perdre. La délicatesse de sa complexion paraissoit être un obstacle insurmontable : on eut recours aux médecins qui déclarèrent qu'elle ne pourroit jamais supporter le voyage. Cette déclaration ne servit qu'à redoubler les oppositions, mais son grand courage les lui fit surmonter »[13].
Selon Marie Tranchepain, les sœurs de Ploërmel ne veulent pas que Marguerite Salaon rejoigne la mission car celle-ci est beaucoup trop précieuse en raison de son travail et de sa rigueur religieuse. Pour l'empêcher de partir, sa communauté en appelle aux médecins afin de prouver que sa faible santé la rend incapable d'effectuer une telle mission. Cela ne semble toutefois pas la décourager. La rhétorique utilisée ici tente de montrer que tous ces obstacles renforcent les motivations de la religieuse dévouée à accomplir une mission pour Dieu. Le cas de Madeleine Mahieu[14], la religieuse qui a rencontré le plus d'obstacles pour organiser son voyage, est similaire. Une fois encore, la Mère Supérieure de son couvent tente de l'empêcher de partir comme le rapporte sa lettre circulaire :
« Mais il ne lui fut pas si facile d'avoir le consentement de sa communauté et surtout de la digne Supérieure qui la gouvernoit, laquelle connaissait la solide vertu de cette sœur ne pouvoit se résoudre à la perdre […]. La Mère Supérieure fit tout ce qui dépendoit d'elle pour se conserver une sœur dont elle connaissoit tout le prix. Elle écrivit au p. Baubois et aux religieuses pour les empêcher d'accepter la Sr Xavier prétextant la faiblesse de sa constitution […] »[15].
Une fois encore, le prétexte de la santé de la religieuse est utilisé pour l'empêcher de partir. Mais cette fois-ci, la Mère Supérieure du Havre va plus loin en écrivant directement aux responsables de la mission louisianaise. Cela n'a pourtant aucune incidence car la sœur François-Xavier est considérée très pieuse et assez expérimentée pour une telle mission. La Mère Supérieure de son couvent finit donc par céder.
Il faut également faire remarquer que les Mères Supérieures dépendent des les archevêchés, lesquels peuvent également s'opposer au départ. Ceux-ci ont un contrôle à la fois spirituel et financier sur les couvents. Pour autoriser une religieuse à quitter sa clôture, l'archevêque doit rédiger une obédience. En ce qui concerne les Ursulines que nous étudions, l'archevêque de Rouen s'oppose à leur en délivrer une. En effet, celui-ci craint un échec de la mission louisianaise et appréhende le retour des religieuses dans leur couvent d'origine : ce dernier ayant dû trouver des remplaçantes aux Ursulines missionnaires, cela représenterait alors un surplus de quatre religieuses à la charge financière de l'archevêché, pauvre au XVIIIe siècle[16]. Il est possible que l'archevêque ait contacté les Mères Supérieures des couvents des Ursulines de Rouen et du Havre pour les inciter à refuser le départ de l'une de leurs membres ou bien que ce soient les Mères Supérieures qui aient contacté l'archevêque dans ce but. Ils sont obligés de céder sur ordre du roi.
Cependant, d’un point de vue institutionnel, l'archevêque détient le pouvoir d'empêcher les Ursulines de partir, ce qui n'est pas le cas des Mères Supérieures[17]. Malgré tout, les Ursulines ont un besoin de reconnaissance et d'aide de la part de leur dirigeante. Les Mères Supérieurs s'opposent à leur départ à la fois pour des raisons pratiques, car il s'agit de sœurs indispensables au bon fonctionnement du couvent, mais aussi pour des raisons émotionnelles puisqu'elles entretiennent avec elles des relations amicales, voire familiales. L'idée de ne plus jamais voir l'une de leurs membres les poussent à décourager les religieuses missionnaires.
II. Une opposition familiale ou la peur de perdre une proche
Les familles, tout comme les couvents, s'opposent au départ. Ce refus fait souvent écho au rejet des familles lors de l'entrée des jeunes filles en religion. Celle-ci peut être vue comme un moyen, pour les femmes, de s'émanciper en quittant la tutelle directe de leur famille. Les parents auraient parfois préféré marier les filles à de bons partis plutôt que de les voir se consacrer à la religion, même si l'entrée au couvent représente une alternative respectable et abordable pour les familles qui souhaitent sauvegarder leur statut social tout en préservant leur patrimoine. Pour celles qui possèdent un capital financier peu élevé, cette solution peut permettre aux filles d'envisager de meilleures perspectives de progression sociale en évitant un mariage d'un rang social faible[18]. Cependant, même si cette option reste acceptable pour les parents, ceux-ci s’opposent souvent à l'entrée en religion. Les familles usent alors de stratagèmes en demandant l'aide des responsables ecclésiastiques ou d'autres soutiens[19].
Les biographies des Ursulines louisianaises montrent qu'elles se sentaient appelées à la vie de couvent et que nombre d'entre elles avaient rencontré des objections familiales à leur vocation[20]. Les lettres de Marie-Madeleine Hachard révèlent notamment les tensions silencieuses qui peuvent exister dans les familles vis-à-vis de la vocation religieuse, même dans les foyers pieux comme le sien[21]. Madeleine Mahieu rencontre des difficultés similaires pour entrer au couvent. Sa lettre circulaire en témoigne : « Sa mère s'opposa fortement à son entrée en Religion de sorte qu'elle fut obligée d'attendre la mort de cette dame. Alors se trouvant libre, elle exécuta son pieux dessein et embrassa la vie religieuse […] »[22]. Ceci prouve à quel point l'emprise de la famille est importante sur une jeune femme.
L'entrée en religion n'est pas la voie privilégiée par les familles. Les religieuses doivent donc se confronter à une phase initiale de protestations lors de leur profession religieuse. Il s'agit d'un premier signe d'émancipation puisque les jeunes filles s'éloignent parfois des volontés familiales. Malgré tout, il arrive que les familles conservent une forme d'emprise sur les couvents grâce au système de dots. En effet, lorsqu'une femme est mise au couvent, son père se doit de donner une dot à celui-ci. En les finançant, les pères ayant un statut social plutôt élevé se permettent de garder un contrôle, notamment dans la répartition des ressources monétaires[23].
Ces contestations peuvent également être liées à l'éloignement géographique que provoque la prise du voile. La traversée de l'Atlantique est aussi découragée par les familles. Le voyage étant dangereux et la nature louisianaise indomptée, il est probable qu'elles ne veuillent pas voir les religieuses migrer vers ces contrées lointaines. C'est notamment le cas de Marguerite Salaon. Les parents étant décédés au moment de son départ, son frère refuse de la voir partir : « Son dessein ne tarda pas à être découvert, et Mr son frère en ayant été averti, n'épargna rien pour rompre ses mesures. Larmes, reproches, menaces, tout fut employé pour la retenir. Si elle avoit à combattre au dehors, la guerre du dedans ne lui étoit pas moins pénible »[24]. On peut alors observer les différentes tactiques qu’utilise son frère pour l'empêcher de partir, notamment dans ses essais pour l’attendrir.
Dans les lettres circulaires, nous pouvons observer que ce combat à l'encontre de la famille est valorisé. En effet, il est perçu comme vertueux de lutter contre ses sentiments, ce qui montre alors que la vocation religieuse est plus forte que toute autre chose. Cela correspond à la mise en récit des missionnaires. Ceux-ci font souvent circuler leurs récits de voyage pour motiver les autres religieux à partir évangéliser les populations. Ces écrits sont donc généralement alimentés de nombreux détails sur les circonstances, les méthodes et les fruits de leurs travaux pour inciter les populations à les prendre pour exemple[25]. Cette mise en récit est aussi accompagnée de descriptions sur tous les obstacles que rencontrent les religieux lors de leur mission[26]. L'exemple de Marguerite Judde est édifiant : « Sa nombreuse famille, qui résidoit dans la ville et dont elle étoit tendrement aimée s'opposa à son dessein. Mais notre chère Mère, […], fut fidèle à la voix qui l'appeloit et toutes les instances de ses parents pour l'en détourner, ne serviront qu'à faire éclater de plus en plus sa générosité et son courage »[27]. Dans la rhétorique des religieuses, ces obstacles qui provoquent des tourments intérieurs renforcent leur foi.
Même si les familles se dressent contre le choix des Ursulines de partir en Amérique, les parents n'ont, au fond, aucun réel pouvoir pour les en empêcher puisque les religieuses ont déjà quitté le foyer familial. Celles-ci ressentent surtout une absence de soutien moral de la part de leur famille au moment de quitter la France. Cependant, deux religieuses du convoi ont déjà un frère en Louisiane. Il serait intéressant de savoir si ces dernières ont rencontré des contestations lors de leur départ tout en ayant déjà un membre de leur famille sur place ou si cela les a poussées à partir. Malheureusement, leurs lettres circulaires ont disparu.
Il est toutefois nécessaire de prendre de la distance avec les récits des religieuses. En effet, dans leurs lettres circulaires, elles ont toutes la même histoire, dans laquelle elles affirment se battre contre leur famille pour pouvoir pleinement accomplir leur mission religieuse. Cependant, le cas de Marie-Madeleine Hachard et de sa famille semble ne pas se conformer tout à fait aux cadres habituels.
III. La famille de Marie-Madeleine Hachard, l'exemple d'une famille conservant un lien malgré l'éloignement géographique
Lors du voyage, la famille peut avoir un rôle de soutien ou d'adversaire[28]. La famille de Marie-Madeleine Hachard entre dans les deux cas de figure puisque elle veut l'empêcher de partir mais, plus tard, accepte et comprend sa volonté.
Le cas de la famille Hachard est un exemple édifiant de liens conservés malgré la migration. En dépit du refus initial des parents de Marie-Madeleine Hachard, ces derniers finissent par accepter qu'elle parte effectuer sa mission en Louisiane. Ils la soutiennent ensuite avec investissement en lui demandant de nombreuses informations sur son voyage. L'investissement paternel est par exemple perceptible par des détails décrits par Marie-Madeleine Hachard : « Vous me marquez, mon cher Pere, avoir acheté deux grands Cartes de l'état du Mississipi […] »[29]. Ce simple témoignage prouve le grand intérêt qu'éprouve le père de Marie-Madeleine Hachard pour la mission de sa fille. Ces lettres témoignent de ce lien très fort entre eux, ce qui rend la question de la migration encore plus intéressante. Pourquoi s'éloigner d'une famille aimante ?
Pour Marie-Madeleine Hachard, c'est uniquement Dieu et sa mission éducative qui peuvent l'amener à se séparer de sa famille, mais seulement de façon physique. Par le consentement que son père lui accorde, elle se sent redevable envers lui et répond donc à toutes ses exigences. C'est à sa demande qu'elle rédige une relation de voyage où elle lui détaille toutes les étapes de sa migration. Cependant, la reconnaissance est réciproque entre le père et la fille. En effet, celui-ci éprouve une grande fierté envers la mission qu'accomplit Marie-Madeleine Hachard comme le démontre le fait qu’il fait publier sa Relation de voyage à Rouen dès 1728. Il le fait dans le but de motiver d'autres jeunes filles à prendre exemple sur la novice, mais aussi par pure fierté parentale. Il fait ainsi connaître à la population l'idéal religieux féminin imaginé par les femmes elles-même[30].
Même si la mère de Marie-Madeleine Hachard est plutôt absente dans la Relation, sa lettre circulaire la mentionne à plusieurs reprises, notamment dans son rôle éducatif : « Sa mère, qui possédait une grande dose de piété, ne négligea rien pour donner l'éducation la plus chrétienne aux sept enfants que le Seigneur lui donna, et dont le plus grand nombre lui est consacré par les saints vœux de la religion »[31].
Dans l'extrait ci-dessus, il est indiqué que les frères et sœurs de Marie-Madeleine Hachard sont pour la plupart entrés dans les Ordres. Il est vrai que sur les sept enfants encore en vie lors du départ de l'Ursuline voyageuse, cinq d'entre eux se sont dédiés à la religion en étant postulants ou bien professés, comme le décrit Marie-Madeleine Hachard dans ses lettres. Dans les fratries, les rôles de l'aîné et des cadets sont étroitement fixés par la tradition. Le premier né a pour mission la reprise du patrimoine et de l'autorité tandis que le second est souvent destiné aux carrières militaires ou ecclésiastiques ou encore, pour les femmes, à un mariage prestigieux[32]. Il semble que la famille Hachard ne respecte pas réellement ces rôles. En effet, la sœur aînée s'est destinée à la religion à la place d'un riche mariage. Parmi les quatre sœurs restantes, deux sont en train de postuler pour entrer dans les Ordres et une autre est déjà pleinement professée.
Pour autant, cela ne veut pas dire que tous les membres de la famille Hachard la soutiennent puisque l'un de ses frères, malgré sa profession religieuse, s'oppose à son départ : la migration peut donc tisser un lien différent entre chaque membre de la famille[33]. Il est le seul membre de la famille à rester hostile face à cette mission louisianaise puisqu'il considère cette entreprise comme étant de la folie et ne croit pas en son succès[34]. Marie-Madeleine Hachard fait part à son père de la tristesse qu'elle éprouve face au silence de son frère qui ne prend pas la peine de lui écrire. Elle indique que ce voyage a provoqué une dispute entre eux : « Pour mon frere le Religieux, il ne m'a pas fait l'honneur de m'écrire, seroit-il faché contre moi, ou me croit-il fachée contre lui, il est que pour me détourner de mon dessein, il me dit avant mon départ bien des choses qui ne devoient pas me faire plaisir, mais j'ai regardé tout cela comme une marque de son amitié […] »[35]. Pour elle, le fait que son frère tente de la décourager est une preuve d'amour. Elle ne l'écoute pas et fait remarquer à son père : « […] quand on est assuré de faire la volonté de Dieu, on compte pour rien les discours des hommes […] »[36].
Si Marie-Madeleine Hachard garde un contact aussi important avec sa famille, cela est dû au fait qu'elle soit entrée dans les Ordres peu de temps avant son départ, mais aussi à son jeune âge de 23 ans. Avant cela, elle vivait toujours chez ses parents. Cependant, et nous l'avons vu, elle constitue une exception. Les religieuses que nous étudions ont besoin d'un soutien moral de la part de leurs proches mais elles ne l'obtiennent pas toujours. Elles ont alors le courage de s'affranchir de leur famille et de former de nouveaux liens.
IV. Le convoi des Ursulines, une nouvelle cellule familiale pour les religieuses
Même si les onze autres Ursulines du convoi sont découragées par leur entourage, elles s'affirment pour continuer leur mission religieuse, ce qui permet la création de liens d'affection forts entre elles[37]. Avant leur départ, elles possédaient déjà un ancrage religieux régional puissant. Ces femmes s'émancipent alors de leur foyer d'origine et donc des souhaits de ce dernier. De ce fait, elles forment une nouvelle cellule familiale, cette fois-ci religieuse, établie dans la migration et le voyage.
Certaines Ursulines partagent le même couvent avant leur départ, et de ce fait, se connaissent. Cela témoigne de l'existence d'un esprit de groupe qui motive plusieurs sœurs à partir ensemble. Celui-ci peut faire penser à une forme de sororité, car on peut voir au travers de cet esprit de groupe une certaine solidarité entre ces femmes se dédiant à leur mission religieuse louisianaise et leur donnant la force de braver les constations des membres de leur entourage proche. Bien plus qu'une simple solidarité féminine, la sororité renvoie à une solidarité entre sœurs, ce qui correspond alors à la mise en place d'une nouvelle famille pour les religieuses qui partent vers La Nouvelle-Orléans. Nous supposons que cette mission a pu créer un nouveau réseau religieux entre les Ursulines du Nord-Ouest de la France, puisqu'elles communiquent entre elles avant même de partir ensemble vers la Louisiane.
Une fois parties, cet esprit de groupe continue à se développer au sein du convoi, en particulier auprès d'une figure de proue : Marie Tranchepain, la Mère Supérieure de ce nouveau couvent. En effet, celle-ci s'impose comme la vraie meneuse de ce groupe d'Ursulines partant vers la Louisiane. Cela n'est pas étonnant étant donné son poste de Mère Supérieure, cependant, elle le dépasse puisqu'elle prend les devants et est active au sein de cette mission en s'imposant même parmi les hommes ecclésiastiques et responsables de la Compagnie des Indes qui l'encadrent[38]. Elle suscite l'admiration des sœurs qui l'accompagnent malgré son passé de huguenote. Cette admiration est particulièrement présente dans la Relation de Marie-Madeleine Hachard. Quand les Ursulines se croient perdues lors d'une tempête pendant leur voyage, elles se mettent toutes aux pieds de leur Supérieure pour prier[39]. Cette admiration est réciproque. En effet, celle-ci éprouve une grande fierté à l'égard des Ursulines qui l'accompagnent, en raison de leur courage et leur volonté[40].
Marie Tranchepain fait partie des personnes les plus âgées du convoi. Elle est donc une référence, un exemple et un véritable soutien pour les plus jeunes. On peut donc la voir comme une figure maternelle pour les jeunes Ursulines, confirmant alors la création de cette nouvelle cellule familiale. D'ailleurs, lors de l'arrivée d'une nouvelle pensionnaire au sein de leur couvent en France, les Ursulines ont pour habitude de se placer en mères de substitution[41]. Marie Tranchepain ne fait pas exception ici.
Ainsi, nous l'avons vu, la migration de ces religieuses modifie leurs rapports sociaux puisque celle-ci entraîne parfois des tensions et recompositions relationnelles. Leurs proches familiaux et conventuels s'opposent souvent à leur départ, usant fréquemment de prétextes médicaux ou de chantage affectif. Les religieuses semblent pourtant avoir besoin du soutien de leur entourage pour cette mission. La famille Hachard témoigne d'ailleurs du maintien possible des relations familiales malgré la séparation géographique. L'éloignement de leurs proches provoque alors un nouvel ancrage à la fois spirituel et familial au sein du convoi organisé autour de la figure maternelle et dirigeante de Marie Tranchepain.
Cependant, les volontés d'émancipation qui poussent ces Ursulines à s'éloigner de leur entourage peuvent être remises en question puisque elles ont presque toutes la même histoire, ce qui fait d'ailleurs écho aux récits de femmes évangélisatrices antérieures bravant tous les obstacles qu'elles rencontrent pour accomplir leur mission guidée par Dieu[42]. Cela est donc à mettre en lien avec la mise en scène de la femme missionnaire. Marie Tranchepain témoigne de la différence entre leurs rêves et la réalité dans ce passage d'une lettre écrite à l'abbé Raguet, responsable religieux de la Compagnie des Indes, le 17 août 1728 : « […] nous n’avons point quitté la liberté de confiance dont nous jouissions En France pour venir nous mettre en Esclavages icy [sic] »[43]. Ainsi, le paradis missionnaire louisianais qu'espérait la Mère Supérieure ne semble pas être si idéal et émancipateur que cela.
[1] Hachard Marie-Madeleine, Extrait de Relation du voyage des dames religieuses ursulines de Rouën, a la Nouvelle-Orléans, parties de France le 22 février 1727 et arrivez à la Louisienne le 23 juillet de la même année, Antoine le Prevots, Rouen, 1728, p. 33.
[2] Deslandres Dominique, Croire et faire croire. Les missions françaises au XVIIe siècle, Fayard, Paris, 2003.
[3] Clark Emily, Masterless mistresses, The New Orleans Ursulines and the Development of a New World Society, 1727-1834, The University of North Carolina Press, Chapel Hill, 2007, p. 19.
[4] Zemon davis Natalie, Juive, catholique, protestante. Trois femmes en marge au XVIIe siècle, Seuil, Paris, 1997.
[5] Clark Emily, Masterless mistresses…, op. cit., p. 46.
[6] Clark Emily, Masterless mistresses…, op. cit., p. 45.
[7] Ibid.
[8] Annaert Philippe, « Monde clos des cloîtres et société urbaine à l'époque moderne : les monastères d'ursulines dans les Pays-Bas méridionaux et la France du Nord », Histoire, économie et société, n°3, 2005, p. 329 à 341.
[9] Tranchepain Marie, Relation du voyage des premières Ursulines à la Nouvelle Orléans et de leur établissement en cette ville, Presse Cramoisy de Jean-Marie Shea, Nouvelle York, 1859.
[10] Hachard Marie-Madeleine, Extrait de Relation du voyage des dames religieuses ursulines de Rouën…, op. cit.
[11] Clark Emily, Voices from an Early American Convent: Marie Madeleine Hachard and the New Orleans Ursulines 1727-1760, Louisiana State University Press, Baton Rouge, 2009.
[12] De Chantal Gueudré Mère Marie, Histoire de l'Ordre des Ursulines en France, Les monastères d'Ursulines sous l'Ancien Régime, 1612-1788, Paris, Editions Saint-Paul, 1957, p. 217.
[13] Tranchepain Marie, Relation du voyage des premières Ursulines…, op. cit., p. 51.
[14] De son nom de profession, Sœur saint François-Xavier.
[15] Ibid, p. 41.
[16] Annaert Philippe, op. cit.
[17] ANOM, COL C13 A 10, L'archevêque de Rouen à l'administration d'Etienne Périer de Salver, gouverneur de 1726 à 1733. Lettre du 4 septembre 1726, f°28 à 29.
[18] Clark Emily, Masterless mistresses…, op. cit., p. 197.
[19] De Chantal Gueudré Mère Marie, Histoire de l'Ordre des Ursulines de France, De l'institut séculier à l'ordre monastique, Editions Saint-Paul, Paris, p. 177.
[20] Clark Emily, Masterless mistresses…, op. cit., p. 197.
[21] Hachard Marie-Madeleine, Extrait de Relation du voyage des dames religieuses ursulines de Rouën…, op. cit., p. 39.
[22] Tranchepain Marie, Relation du voyage des premières Ursulines…, op. cit., p. 40.
[23] Clark Emily, Masterless mistresses…, op. cit., p. 197.
[24] Ibid, p. 50.
[25] Deslandres Dominique, Croire et faire croire…, op. cit., p. 75.
[26] Ibid, p. 300.
[27] Tranchepain Marie, Relation du voyage des premières Ursulines…, op. cit., p. 46.
[28] Guerry Linda et Thebaud Françoise, « Femmes et genre en migration », Clio, Femmes, Genre, Histoire, n°51, 2021, p. 19-32.
[29] Hachard Marie-Madeleine, Extrait de Relation du voyage des dames religieuses ursulines de Rouën…, op. cit, p. 42.
[30] Clark Emily, Voices from an Early American Convent…, op. cit.
[31] Ibid.
[32] Fine Agnès, Klapisch-Zuber Christiane et Lett Didier, « Liens et affects familiaux », site Clio. Femmes, Genre, Histoire, le 31 décembre 2013. URL : http://journals.openedition.org/clio/10215 [consulté le 07/04/2021].
[33] Ibid.
[34] Hachard Marie-Madeleine, Extrait de Relation du voyage des dames religieuses ursulines de Rouën…, op. cit., p. 35.
[35] Ibid.
[36] Ibid.
[37] Ibid, p. 44.
[38] Clark Emily, Voices from an Early American Convent…, op. cit.
[39] Hachard Marie-Madeleine, Extrait de Relation du voyage des dames religieuses ursulines de Rouën…, op. cit., p. 77.
[40] Tranchepain Marie, Relation du voyage des premières Ursulines…, op. cit., p. 24.
[41] Rapley Elisabeth, Les Dévotes. Les femmes et l'Eglise en France au XVIIe siècle, Paris, Bellarmin, 1994, p. 10.
[42] Deslandres Dominique, Croire et faire croire…, op. cit., p. 300.
[43] ANOM, COL C13 A 11, Correspondance de Tranchepain de saint Augustin, supérieure des Ursulines de La Nouvelle-Orléans à l'administration d'Etienne Périer de Salver, gouverneur de 1726 à 1733. Lettre du 17 août 1728, f. 279.
« Bien des gens ont traité nôtre entreprise comme de la folie », Marie-Madeleine Hachard, Extrait de Relation du voyage des dames religieuses de Rouën, a la Nouvelle-Orléans, parties de France le 22 février 1727 et arrivez à la Louisienne le 23 juillet de la même année[1].
Après un long voyage en partance de Lorient, un groupe de douze Ursulines françaises arrive à La Nouvelle-Orléans en août 1727. Celles-ci sont les premières à migrer vers la Louisiane au XVIIIe siècle et ont pour but de fonder un couvent. Elles sortent de leur cloître pour traverser une partie de la France, de l'Atlantique et du fleuve Mississippi. Ce voyage s'inscrit dans un contexte migratoire large : celui des missionnaires partant évangéliser des populations esclaves et autochtones[2].
Fondé en 1532 par Angèle Merici dans la ville de Brescia, l'ordre de sainte Ursule s'est construit en opposition au désordre social et religieux important dans cette région du nord de l'Italie[3]. À la fin du XVIe siècle, le Sud de la France connaît un climat social semblable, notamment en raison des Guerres de Religion, entraînant l'arrivée des Ursulines dans le royaume. Dans ce climat, la mission éducative des Ursulines était considérée comme essentielle pour la survie de l’Église catholique après l’Édit de Nantes. La divulgation de la parole écrite était au cœur de la doctrine protestante : les Ursulines ont, en réponse, placé l'alphabétisation au centre de leur apostolat féminin défenseur de la foi. Afin de répandre cette mission dans tout le royaume français, Marie Guyart, une Ursuline de Tours, part fonder un couvent au Canada dans les années 1630 dans le but d'éduquer les populations autochtones[4]. Les Ursulines partant en 1727 s'inscrivent dans cette continuité.
À cette période, les responsables de la Louisiane ont pour objectif de créer une nouvelle société à l'image de la France. Cette colonie récente, fondée en 1682 par Cavelier de La Salle, est sous-peuplée et pauvre en 1727. Dès 1723, Jacques Delachaise, commissaire au roi en Louisiane, fait une demande à la Compagnie des Indes pour faire venir des sœurs pour tenir un hôpital à La Nouvelle-Orléans[5]. Même si les Ursulines n'étaient pas l'Ordre de préférence de la Compagnie, puisque leur vocation première n'est pas hospitalière mais éducative, elles sont choisies à la place des Filles de la Charité, des religieuses infirmières non cloîtrées. Celles-ci ne souhaitent pas se rendre en Louisiane en raison de leurs travaux trop importants en métropole mais aussi parce qu'elles appréhendent leur installation à La Nouvelle-Orléans[6]. À l'automne 1726, Nicholas Ignace de Beaubois, responsable des Jésuites louisianais, négocie un arrangement avec un petit groupe d'Ursulines venant principalement de Rouen et du Nord-Ouest de la France[7]. Comme tout ordre ecclésiastique, ce groupe suit une hiérarchie stricte. Marie Tranchepain, Mère Supérieure, en est à la tête avec Marguerite Judde, Mère Assistante, et Marie-Anne Boulanger, Mère Dépositaire, ainsi qu'une autre sœur de chœur et une novice, toutes originaires de Rouen. Trois autres sœurs de chœur viennent de Bretagne. Il est plus difficile de connaître l'origine géographique des sœurs converses, puisqu'elles sont considérées comme moins importantes en raison de leurs vœux simples et leurs tâches auxiliaires au sein de l'Ordre[8].
Dans ce processus migratoire et religieux, la famille et le couvent d'origine s'opposent souvent au départ. Ils craignent en effet de perdre l'une des leurs lors de ce voyage risqué. Comment les religieuses réagissent-elles face l'opposition de leurs proches ? En quittant leur ancrage à la fois familial, communautaire et relationnel, comment parviennent-elles à le renouveler grâce à leur migration ?
Pour réaliser cette étude, des sources provenant du for privé des douze religieuses sont disponibles. Il existe en effet deux relations de voyage écrites par la Mère Supérieure, Marie Tranchepain[9], mais aussi par la novice de ce convoi, Marie-Madeleine Hachard[10]. De plus, les lettres circulaires, écrites lors de la mort d'une Ursuline, donnent de nombreux détails sur la vie de ces religieuses, permettant alors de comprendre les enjeux relationnels des Ursulines[11].
I. Les Mères Supérieures des couvents d'origine : une opposition fervente au départ
Les Mères Supérieures s'opposent bien souvent au départ de l'une de leurs religieuses. Celles qui sont recrutées par Tranchepain pour effectuer la mission louisianaise le sont en raison de leurs qualités : elles sont charitables, travailleuses, pieuses, prudentes ou encore modestes[12]. Le couvent risque donc de perdre l'un de ses bons éléments. Pour empêcher le départ, les Mères Supérieures usent de différents stratagèmes. Le cas le plus parlant est celui de Marguerite Salaon :
« Sa communauté à qui elle étoit infiniment chère, s'opposoit à son désir. La Supérieure elle-même, quoique pleine de zèle, et de vertu ne pouvoit se résoudre à la perdre. La délicatesse de sa complexion paraissoit être un obstacle insurmontable : on eut recours aux médecins qui déclarèrent qu'elle ne pourroit jamais supporter le voyage. Cette déclaration ne servit qu'à redoubler les oppositions, mais son grand courage les lui fit surmonter »[13].
Selon Marie Tranchepain, les sœurs de Ploërmel ne veulent pas que Marguerite Salaon rejoigne la mission car celle-ci est beaucoup trop précieuse en raison de son travail et de sa rigueur religieuse. Pour l'empêcher de partir, sa communauté en appelle aux médecins afin de prouver que sa faible santé la rend incapable d'effectuer une telle mission. Cela ne semble toutefois pas la découragée. La rhétorique utilisée ici tente de montrer que tous ces obstacles renforcent les motivations de la religieuse dévouée à accomplir une mission pour Dieu. Le cas de Madeleine Mahieu[14], la religieuse qui a rencontré le plus d'obstacles pour organiser son voyage, est similaire. Une fois encore, la Mère Supérieure de son couvent tente de l'empêcher de partir comme le rapporte sa lettre circulaire :
« Mais il ne lui fut pas si facile d'avoir le consentement de sa communauté et surtout de la digne Supérieure qui la gouvernoit, laquelle connaissait la solide vertu de cette sœur ne pouvoit se résoudre à la perdre […]. La Mère Supérieure fit tout ce qui dépendoit d'elle pour se conserver une sœur dont elle connaissoit tout le prix. Elle écrivit au p. Baubois et aux religieuses pour les empêcher d'accepter la Sr Xavier prétextant la faiblesse de sa constitution […] »[15].
Une fois encore, le prétexte de la santé de la religieuse est utilisé pour l'empêcher de partir. Mais cette fois-ci, la Mère Supérieure du Havre va plus loin en écrivant directement aux responsables de la mission louisianaise. Cela n'a pourtant aucune incidence car la sœur François-Xavier est considérée très pieuse et assez expérimentée pour une telle mission. La Mère Supérieure de son couvent finit donc par céder.
Il faut également faire remarquer que les Mères Supérieures dépendent des archevêchés, lesquels peuvent également s'opposer au départ. Ceux-ci ont un contrôle à la fois spirituel et financier sur les couvents. Pour autoriser une religieuse à quitter sa clôture, l'archevêque doit rédiger une obédience. En ce qui concerne les Ursulines que nous étudions, l'archevêque de Rouen s'oppose à leur en délivrer une. En effet, celui-ci craint un échec de la mission louisianaise et appréhende le retour des religieuses dans leur couvent d'origine : ce dernier ayant dû trouver des remplaçantes aux Ursulines missionnaires, cela représenterait alors un surplus de quatre religieuses à la charge financière de l'archevêché, pauvre au XVIIIe siècle[16]. Il est possible que l'archevêque ait contacté les Mères Supérieures des couvents des Ursulines de Rouen et du Havre pour les inciter à refuser le départ de l'une de leurs membres ou bien que ce soient les Mères Supérieures qui aient contacté l'archevêque dans ce but. Ils sont obligés de céder sur ordre du roi.
Cependant, d’un point de vue institutionnel, l'archevêque détient le pouvoir d'empêcher les Ursulines de partir, ce qui n'est pas le cas des Mères Supérieures[17]. Malgré tout, les Ursulines ont un besoin de reconnaissance et d'aide de la part de leur dirigeante. Les Mères Supérieurs s'opposent à leur départ à la fois pour des raisons pratiques, car il s'agit de sœurs indispensables au bon fonctionnement du couvent, mais aussi pour des raisons émotionnelles puisqu'elles entretiennent avec elles des relations amicales, voire familiales. L'idée de ne plus jamais voir l'une de leurs membres les poussent à décourager les religieuses missionnaires.
II. Une opposition familiale ou la peur de perdre une proche
Les familles, tout comme les couvents, s'opposent au départ. Ce refus fait souvent écho au rejet des familles lors de l'entrée des jeunes filles en religion. Celle-ci peut être vue comme un moyen, pour les femmes, de s'émanciper en quittant la tutelle directe de leur famille. Les parents auraient parfois préféré marier les filles à de bons partis plutôt que de les voir se consacrer à la religion, même si l'entrée au couvent représente une alternative respectable et abordable pour les familles qui souhaitent sauvegarder leur statut social tout en préservant leur patrimoine. Pour celles qui possèdent un capital financier peu élevé, cette solution peut permettre aux filles d'envisager de meilleures perspectives de progression sociale en évitant un mariage d'un rang social faible[18]. Cependant, même si cette option reste acceptable pour les parents, ceux-ci s’opposent souvent à l'entrée en religion. Les familles usent alors de stratagèmes en demandant l'aide des responsables ecclésiastiques ou d'autres soutiens[19].
Les biographies des Ursulines louisianaises montrent qu'elles se sentaient appelées à la vie de couvent et que nombre d'entre elles avaient rencontré des objections familiales à leur vocation[20]. Les lettres de Marie-Madeleine Hachard révèlent notamment les tensions silencieuses qui peuvent exister dans les familles vis-à-vis de la vocation religieuse, même dans les foyers pieux comme le sien[21]. Madeleine Mahieu rencontre des difficultés similaires pour entrer au couvent. Sa lettre circulaire en témoigne : « Sa mère s'opposa fortement à son entrée en Religion de sorte qu'elle fut obligée d'attendre la mort de cette dame. Alors se trouvant libre, elle exécuta son pieux dessein et embrassa la vie religieuse […] »[22]. Ceci prouve à quel point l'emprise de la famille est importante sur une jeune femme.
L'entrée en religion n'est pas la voie privilégiée par les familles. Les religieuses doivent donc se confronter à une phase initiale de protestations lors de leur profession religieuse. Il s'agit d'un premier signe d'émancipation puisque les jeunes filles s'éloignent parfois des volontés familiales. Malgré tout, il arrive que les familles conservent une forme d'emprise sur les couvents grâce au système de dots. En effet, lorsqu'une femme est mise au couvent, son père se doit de donner une dot à celui-ci. En les finançant, les pères ayant un statut social plutôt élevé se permettent de garder un contrôle, notamment dans la répartition des ressources monétaires[23].
Ces contestations peuvent également être liées à l'éloignement géographique que provoque la prise du voile. La traversée de l'Atlantique est aussi découragée par les familles. Le voyage étant dangereux et la nature louisianaise indomptée, il est probable qu'elles ne veuillent pas voir les religieuses migrer vers ces contrées lointaines. C'est notamment le cas de Marguerite Salaon. Les parents étant décédés au moment de son départ, son frère refuse de la voir partir : « Son dessein ne tarda pas à être découvert, et Mr son frère en ayant été averti, n'épargna rien pour rompre ses mesures. Larmes, reproches, menaces, tout fut employé pour la retenir. Si elle avoit à combattre au dehors, la guerre du dedans ne lui étoit pas moins pénible »[24]. On peut alors observer les différentes tactiques qu’utilise son frère pour l'empêcher de partir, notamment dans ses essais pour l’attendrir.
Dans les lettres circulaires, nous pouvons observer que ce combat à l'encontre de la famille est valorisé. En effet, il est perçu comme vertueux de lutter contre ses sentiments, ce qui montre alors que la vocation religieuse est plus forte que toute autre chose. Cela correspond à la mise en récit des missionnaires. Ceux-ci font souvent circuler leurs récits de voyage pour motiver les autres religieux à partir évangéliser les populations. Ces écrits sont donc généralement alimentés de nombreux détails sur les circonstances, les méthodes et les fruits de leurs travaux pour inciter les populations à les prendre pour exemple[25]. Cette mise en récit est aussi accompagnée de descriptions sur tous les obstacles que rencontrent les religieux lors de leur mission[26]. L'exemple de Marguerite Judde est édifiant : « Sa nombreuse famille, qui résidoit dans la ville et dont elle étoit tendrement aimée s'opposa à son dessein. Mais notre chère Mère, […], fut fidèle à la voix qui l'appeloit et toutes les instances de ses parents pour l'en détourner, ne serviront qu'à faire éclater de plus en plus sa générosité et son courage »[27]. Dans la rhétorique des religieuses, ces obstacles qui provoquent des tourments intérieurs renforcent leur foi.
Même si les familles se dressent contre le choix des Ursulines de partir en Amérique, les parents n'ont, au fond, aucun réel pouvoir pour les en empêcher puisque les religieuses ont déjà quitté le foyer familial. Celles-ci ressentent surtout une absence de soutien moral de la part de leur famille au moment de quitter la France. Cependant, deux religieuses du convoi ont déjà un frère en Louisiane. Il serait intéressant de savoir si ces dernières ont rencontré des contestations lors de leur départ tout en ayant déjà un membre de leur famille sur place ou si cela les a poussées à partir. Malheureusement, leurs lettres circulaires ont disparu.
Il est toutefois nécessaire de prendre de la distance avec les récits des religieuses. En effet, dans leurs lettres circulaires, elles ont toutes la même histoire, dans laquelle elles affirment se battre contre leur famille pour pouvoir pleinement accomplir leur mission religieuse. Cependant, le cas de Marie-Madeleine Hachard et de sa famille semble ne pas se conformer tout à fait aux cadres habituels.
III. La famille de Marie-Madeleine Hachard, l'exemple d'une famille conservant un lien malgré l'éloignement géographique
Lors du voyage, la famille peut avoir un rôle de soutien ou d'adversaire[28]. La famille de Marie-Madeleine Hachard entre dans les deux cas de figure puisque elle veut l'empêcher de partir mais, plus tard, accepte et comprend sa volonté.
Le cas de la famille Hachard est un exemple édifiant de liens conservés malgré la migration. En dépit du refus initial des parents de Marie-Madeleine Hachard, ces derniers finissent par accepter qu'elle parte effectuer sa mission en Louisiane. Ils la soutiennent ensuite avec investissement en lui demandant de nombreuses informations sur son voyage. L'investissement paternel est par exemple perceptible par des détails décrits par Marie-Madeleine Hachard : « Vous me marquez, mon cher Pere, avoir acheté deux grands Cartes de l'état du Mississipi […] »[29]. Ce simple témoignage prouve le grand intérêt qu'éprouve le père de Marie-Madeleine Hachard pour la mission de sa fille. Ces lettres témoignent de ce lien très fort entre eux, ce qui rend la question de la migration encore plus intéressante. Pourquoi s'éloigner d'une famille aimante ?
Pour Marie-Madeleine Hachard, c'est uniquement Dieu et sa mission éducative qui peuvent l'amener à se séparer de sa famille, mais seulement de façon physique. Par le consentement que son père lui accorde, elle se sent redevable envers lui et répond donc à toutes ses exigences. C'est à sa demande qu'elle rédige une relation de voyage où elle lui détaille toutes les étapes de sa migration. Cependant, la reconnaissance est réciproque entre le père et la fille. En effet, celui-ci éprouve une grande fierté envers la mission qu'accomplit Marie-Madeleine Hachard comme le démontre le fait qu’il fait publier sa Relation de voyage à Rouen dès 1728. Il le fait dans le but de motiver d'autres jeunes filles à prendre exemple sur la novice, mais aussi par pure fierté parentale. Il fait ainsi connaître à la population l'idéal religieux féminin imaginé par les femmes elles-même[30].
Même si la mère de Marie-Madeleine Hachard est plutôt absente dans la Relation, sa lettre circulaire la mentionne à plusieurs reprises, notamment dans son rôle éducatif : « Sa mère, qui possédait une grande dose de piété, ne négligea rien pour donner l'éducation la plus chrétienne aux sept enfants que le Seigneur lui donna, et dont le plus grand nombre lui est consacré par les saints vœux de la religion »[31].
Dans l'extrait ci-dessus, il est indiqué que les frères et sœurs de Marie-Madeleine Hachard sont pour la plupart entrés dans les Ordres. Il est vrai que sur les sept enfants encore en vie lors du départ de l'Ursuline voyageuse, cinq d'entre eux se sont dédiés à la religion en étant postulants ou bien professés, comme le décrit Marie-Madeleine Hachard dans ses lettres. Dans les fratries, les rôles de l'aîné et des cadets sont étroitement fixés par la tradition. Le premier né a pour mission la reprise du patrimoine et de l'autorité tandis que le second est souvent destiné aux carrières militaires ou ecclésiastiques ou encore, pour les femmes, à un mariage prestigieux[32]. Il semble que la famille Hachard ne respecte pas réellement ces rôles. En effet, la sœur aînée s'est destinée à la religion à la place d'un riche mariage. Parmi les quatre sœurs restantes, deux sont en train de postuler pour entrer dans les Ordres et une autre est déjà pleinement professée.
Pour autant, cela ne veut pas dire que tous les membres de la famille Hachard la soutiennent puisque l'un de ses frères, malgré sa profession religieuse, s'oppose à son départ : la migration peut donc tisser un lien différent entre chaque membre de la famille[33]. Il est le seul membre de la famille à rester hostile face à cette mission louisianaise puisqu'il considère cette entreprise comme étant de la folie et ne croit pas en son succès[34]. Marie-Madeleine Hachard fait part à son père de la tristesse qu'elle éprouve face au silence de son frère qui ne prend pas la peine de lui écrire. Elle indique que ce voyage a provoqué une dispute entre eux : « Pour mon frere le Religieux, il ne m'a pas fait l'honneur de m'écrire, seroit-il faché contre moi, ou me croit-il fachée contre lui, il est que pour me détourner de mon dessein, il me dit avant mon départ bien des choses qui ne devoient pas me faire plaisir, mais j'ai regardé tout cela comme une marque de son amitié […] »[35]. Pour elle, le fait que son frère tente de la décourager est une preuve d'amour. Elle ne l'écoute pas et fait remarquer à son père : « […] quand on est assuré de faire la volonté de Dieu, on compte pour rien les discours des hommes […] »[36].
Si Marie-Madeleine Hachard garde un contact aussi important avec sa famille, cela est dû au fait qu'elle soit entrée dans les Ordres peu de temps avant son départ, mais aussi à son jeune âge de 23 ans. Avant cela, elle vivait toujours chez ses parents. Cependant, et nous l'avons vu, elle constitue une exception. Les religieuses que nous étudions ont besoin d'un soutien moral de la part de leurs proches mais elles ne l'obtiennent pas toujours. Elles ont alors le courage de s'affranchir de leur famille et de former de nouveaux liens.
IV. Le convoi des Ursulines, une nouvelle cellule familiale pour les religieuses
Même si les onze autres Ursulines du convoi sont découragées par leur entourage, elles s'affirment pour continuer leur mission religieuse, ce qui permet la création de liens d'affection forts entre elles[37]. Avant leur départ, elles possédaient déjà un ancrage religieux régional puissant. Ces femmes s'émancipent alors de leur foyer d'origine et donc des souhaits de ce dernier. De ce fait, elles forment une nouvelle cellule familiale, cette fois-ci religieuse, établie dans la migration et le voyage.
Certaines Ursulines partagent le même couvent avant leur départ, et de ce fait, se connaissent. Cela témoigne de l'existence d'un esprit de groupe qui motive plusieurs sœurs à partir ensemble. Celui-ci peut faire penser à une forme de sororité, car on peut voir au travers de cet esprit de groupe une certaine solidarité entre ces femmes se dédiant à leur mission religieuse louisianaise et leur donnant la force de braver les constations des membres de leur entourage proche. Bien plus qu'une simple solidarité féminine, la sororité renvoie à une solidarité entre sœurs, ce qui correspond alors à la mise en place d'une nouvelle famille pour les religieuses qui partent vers La Nouvelle-Orléans. Nous supposons que cette mission a pu créer un nouveau réseau religieux entre les Ursulines du Nord-Ouest de la France, puisqu'elles communiquent entre elles avant même de partir ensemble vers la Louisiane.
Une fois parties, cet esprit de groupe continue à se développer au sein du convoi, en particulier auprès d'une figure de proue : Marie Tranchepain, la Mère Supérieure de ce nouveau couvent. En effet, celle-ci s'impose comme la vraie meneuse de ce groupe d'Ursulines partant vers la Louisiane. Cela n'est pas étonnant étant donné son poste de Mère Supérieure, cependant, elle le dépasse puisqu'elle prend les devants et est active au sein de cette mission en s'imposant même parmi les hommes ecclésiastiques et responsables de la Compagnie des Indes qui l'encadrent[38]. Elle suscite l'admiration des sœurs qui l'accompagnent malgré son passé de huguenote. Cette admiration est particulièrement présente dans la Relation de Marie-Madeleine Hachard. Quand les Ursulines se croient perdues lors d'une tempête pendant leur voyage, elles se mettent toutes aux pieds de leur Supérieure pour prier[39]. Cette admiration est réciproque. En effet, celle-ci éprouve une grande fierté à l'égard des Ursulines qui l'accompagnent, en raison de leur courage et leur volonté[40].
Marie Tranchepain fait partie des personnes les plus âgées du convoi. Elle est donc une référence, un exemple et un véritable soutien pour les plus jeunes. On peut donc la voir comme une figure maternelle pour les jeunes Ursulines, confirmant alors la création de cette nouvelle cellule familiale. D'ailleurs, lors de l'arrivée d'une nouvelle pensionnaire au sein de leur couvent en France, les Ursulines ont pour habitude de se placer en mères de substitution[41]. Marie Tranchepain ne fait pas exception ici.
Ainsi, nous l'avons vu, la migration de ces religieuses modifie leurs rapports sociaux puisque celle-ci entraîne parfois des tensions et recompositions relationnelles. Leurs proches familiaux et conventuels s'opposent souvent à leur départ, usant fréquemment de prétextes médicaux ou de chantage affectif. Les religieuses semblent pourtant avoir besoin du soutien de leur entourage pour cette mission. La famille Hachard témoigne d'ailleurs du maintien possible des relations familiales malgré la séparation géographique. L'éloignement de leurs proches provoque alors un nouvel ancrage à la fois spirituel et familial au sein du convoi organisé autour de la figure maternelle et dirigeante de Marie Tranchepain.
Cependant, les volontés d'émancipation qui poussent ces Ursulines à s'éloigner de leur entourage peuvent être remises en question puisque elles ont presque toutes la même histoire, ce qui fait d'ailleurs écho aux récits de femmes évangélisatrices antérieures bravant tous les obstacles qu'elles rencontrent pour accomplir leur mission guidée par Dieu[42]. Cela est donc à mettre en lien avec la mise en scène de la femme missionnaire. Marie Tranchepain témoigne de la différence entre leurs rêves et la réalité dans ce passage d'une lettre écrite à l'abbé Raguet, responsable religieux de la Compagnie des Indes, le 17 août 1728 : « […] nous n’avons point quitté la liberté de confiance dont nous jouissions En France pour venir nous mettre en Esclavages icy [sic] »[43]. Ainsi, le paradis missionnaire louisianais qu'espérait la Mère Supérieure ne semble pas être si idéal et émancipateur que cela.
[1] Hachard Marie-Madeleine, Extrait de Relation du voyage des dames religieuses ursulines de Rouën, a la Nouvelle-Orléans, parties de France le 22 février 1727 et arrivez à la Louisienne le 23 juillet de la même année, Antoine le Prevots, Rouen, 1728, p. 33.
[2] Deslandres Dominique, Croire et faire croire. Les missions françaises au XVIIe siècle, Fayard, Paris, 2003.
[3] Clark Emily, Masterless mistresses, The New Orleans Ursulines and the Development of a New World Society, 1727-1834, The University of North Carolina Press, Chapel Hill, 2007, p. 19.
[4] Zemon davis Natalie, Juive, catholique, protestante. Trois femmes en marge au XVIIe siècle, Seuil, Paris, 1997.
[5] Clark Emily, Masterless mistresses…, op. cit., p. 46.
[6] Clark Emily, Masterless mistresses…, op. cit., p. 45.
[7] Ibid.
[8] Annaert Philippe, « Monde clos des cloîtres et société urbaine à l'époque moderne : les monastères d'ursulines dans les Pays-Bas méridionaux et la France du Nord », Histoire, économie et société, n°3, 2005, p. 329 à 341.
[9] Tranchepain Marie, Relation du voyage des premières Ursulines à la Nouvelle Orléans et de leur établissement en cette ville, Presse Cramoisy de Jean-Marie Shea, Nouvelle York, 1859.
[10] Hachard Marie-Madeleine, Extrait de Relation du voyage des dames religieuses ursulines de Rouën…, op. cit.
[11] Clark Emily, Voices from an Early American Convent: Marie Madeleine Hachard and the New Orleans Ursulines 1727-1760, Louisiana State University Press, Baton Rouge, 2009.
[12] De Chantal Gueudré Mère Marie, Histoire de l'Ordre des Ursulines en France, Les monastères d'Ursulines sous l'Ancien Régime, 1612-1788, Paris, Editions Saint-Paul, 1957, p. 217.
[13] Tranchepain Marie, Relation du voyage des premières Ursulines…, op. cit., p. 51.
[14] De son nom de profession, Sœur saint François-Xavier.
[15] Ibid, p. 41.
[16] Annaert Philippe, op. cit.
[17] ANOM, COL C13 A 10, L'archevêque de Rouen à l'administration d'Etienne Périer de Salver, gouverneur de 1726 à 1733. Lettre du 4 septembre 1726, f°28 à 29.
[18] Clark Emily, Masterless mistresses…, op. cit., p. 197.
[19] De Chantal Gueudré Mère Marie, Histoire de l'Ordre des Ursulines de France, De l'institut séculier à l'ordre monastique, Editions Saint-Paul, Paris, p. 177.
[20] Clark Emily, Masterless mistresses…, op. cit., p. 197.
[21] Hachard Marie-Madeleine, Extrait de Relation du voyage des dames religieuses ursulines de Rouën…, op. cit., p. 39.
[22] Tranchepain Marie, Relation du voyage des premières Ursulines…, op. cit., p. 40.
[23] Clark Emily, Masterless mistresses…, op. cit., p. 197.
[24] Ibid, p. 50.
[25] Deslandres Dominique, Croire et faire croire…, op. cit., p. 75.
[26] Ibid, p. 300.
[27] Tranchepain Marie, Relation du voyage des premières Ursulines…, op. cit., p. 46.
[28] Guerry Linda et Thebaud Françoise, « Femmes et genre en migration », Clio, Femmes, Genre, Histoire, n°51, 2021, p. 19-32.
[29] Hachard Marie-Madeleine, Extrait de Relation du voyage des dames religieuses ursulines de Rouën…, op. cit, p. 42.
[30] Clark Emily, Voices from an Early American Convent…, op. cit.
[31] Ibid.
[32] Fine Agnès, Klapisch-Zuber Christiane et Lett Didier, « Liens et affects familiaux », site Clio. Femmes, Genre, Histoire, le 31 décembre 2013. URL : http://journals.openedition.org/clio/10215 [consulté le 07/04/2021].
[33] Ibid.
[34] Hachard Marie-Madeleine, Extrait de Relation du voyage des dames religieuses ursulines de Rouën…, op. cit., p. 35.
[35] Ibid.
[36] Ibid.
[37] Ibid, p. 44.
[38] Clark Emily, Voices from an Early American Convent…, op. cit.
[39] Hachard Marie-Madeleine, Extrait de Relation du voyage des dames religieuses ursulines de Rouën…, op. cit., p. 77.
[40] Tranchepain Marie, Relation du voyage des premières Ursulines…, op. cit., p. 24.
[41] Rapley Elisabeth, Les Dévotes. Les femmes et l'Eglise en France au XVIIe siècle, Paris, Bellarmin, 1994, p. 10.
[42] Deslandres Dominique, Croire et faire croire…, op. cit., p. 300.
[43] ANOM, COL C13 A 11, Correspondance de Tranchepain de saint Augustin, supérieure des Ursulines de La Nouvelle-Orléans à l'administration d'Etienne Périer de Salver, gouverneur de 1726 à 1733. Lettre du 17 août 1728, f. 279.
Bibliographie
Annaert Philippe, « Monde clos des cloîtres et société urbaine à l'époque moderne : les monastères d'ursulines dans les Pays-Bas méridionaux et la France du Nord », Histoire, économie et société, n°3, 2005, p. 329 à 341.
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Sauboua Salomé, De la France à la Louisiane, la migration des Ursulines fondatrices du couvent de La Nouvelle-Orléans au XVIIIe siècle, mémoire de recherche en Histoire, sous la direction de ADANE Virginie, Université de Nantes, soutenu en septembre 2021.
Zemon davis Natalie, Juive, catholique, protestante. Trois femmes en marge au XVIIe siècle, Paris, Seuil, 1997.