Le crime d’empoisonnement à Londres au tournant du XXe siècle : une trahison au sein du cercle familial et aux yeux de la société

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20 Juin
2022

Clarisse Fauque

Résumé

Le crime d'empoisonnement est souvent considéré comme un acte vil et de sang froid. Depuis des siècles de nombreux stéréotypes gravitent autour de cet homicide. Toutefois, depuis l'antiquité en passant par le moyen âge ou encore l'époque moderne, le crime d'empoisonnement a bien changé à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle à Londres, les formes de poisons ont évolué en même temps que les innovations chimiques et les découvertes scientifiques, la médecine légale et la toxicologie se développent amoindrissant les chances pour que le criminel s'en sorte impunément, des législations pour la vente de substances toxique se mettent en place, les profils des victimes et les mobiles du crime de plus en plus pécuniers incarnent les changements sociaux de cette époque…
Au sein de cette société victorienne forte de ses valeurs morales, le criminel empoisonneur semble s'éloigner de ce cadre social rigide d'autant plus lorsqu'il appartient aux classes les respectables. Il devient un marginal et un traître au sein de la société et même de son propre foyer.

Détails

Chronologie : XIXe – XXe siècle
Lieux : Angleterre
Mots-clés : Poison – Crime – XIXe siècle – XXe siècle – Londres – Angleterre – société victorienne – femmes – classes sociales

Chronology: XIXth – XXth century
Location: England
Keywords: Poison – Crime – XIXth century – XXth century – London – England – Victorian society – Women – social classes

Plan

I – L'empoisonnement : un crime féminin ?

II – L'empoisonneur : un traitre à sa classe sociale et sa profession ?

III – Abuser de la confiance de la victime

Pour citer cet article

Référence électronique
Fauque Clarisse, “Le crime d'empoisonnement à Londres au tournant du XXe siècle : une  trahison au sein du cercle familial et aux yeux de la société", Revue de l’Association des Jeunes Chercheurs de l’Ouest [En ligne], n°2, 2022, mis en ligne le 20 juin 2022, consulté le 29 mars 2024 à 14h53, URL : https://ajco49.fr/2022/06/20/le-crime-dempoisonnement-a-londres-au-tournant-du-xxe-siecle-une-trahison-au-sein-du-cercle-familial-et-aux-yeux-de-la-societe

L'Auteur

Clarisse Fauque

Droits d'auteur

Tous droits réservés à l'Association des Jeunes Chercheurs de l'Ouest.
Les propos tenus dans les travaux publiés engagent la seule responsabilité de leurs auteurs.

            Le caractère exceptionnel de certains empoisonnements au cours de l’histoire[1] a fait qu’aujourd’hui encore, ce crime est soumis à de nombreux mythes et stéréotypes. Femmes empoisonneuses issues des hautes sphères du royaume, meurtres politiques ou stratégiques…
Le XIXe siècle connait également ses propres clichés : l’épouse et la mère empoisonneuse décimant sa famille pour quelques pounds, ou pour échapper à un mari violent[2]. On associe de plus en plus le crime d’empoisonnement à des mobiles d’ordre financier. Qu’en est-il vraiment à la fin du XIXe siècle et au début XXe siècle ?

            Pour comprendre le crime d’empoisonnement, il faut prendre conscience de son époque. Les évolutions scientifiques, médico-légales et toxicologiques ne cessent de progresser et diminuent les chances du criminel empoisonneur d’échapper à la justice. Cependant, ces innovations font également que de nouvelles formes de poison émergent dans la société. À partir du milieu du siècle, la mise en place de législations et de contrôles sur la vente et l’usage des substances toxiques ne sont pas non plus à négliger. Pourtant, certains produits dangereux demeurent encore très accessibles. Les conditions sociales, la place des femmes, le désespoir ou le regard de la société s’enchevêtrent aux crimes d’empoisonnement et les rendent d’autant plus complexes, mais pas nécessairement spectaculaires. Les minutes des procès de la Central Criminal Court de Londres[3], autrement connue sous le nom de l’Old Bailey, apportent une première réponse sur l’identité de l’empoisonneur, ses motivations, ses choix en termes de poison et même de victime. Le crime d’empoisonnement est-il bien une trahison au sein du cercle familial et au yeux de la société ? Quelle est l’identité de ce tueur de sang-froid et correspond-t-elle aux stéréotypes de l’époque ? Ce criminel empoisonneur est-il vraiment un expert dans l’art de tromper et d’abuser de la confiance d’autrui ?

            Pour répondre à ces interrogations et démystifier l’empoisonnement criminel à Londres entre 1870 et 1913, nous verrons si l’empoisonnement est un crime à catégoriser comme étant un acte féminin, et si par cet homicide, elles trahissent leur rôle dans la société et dans le foyer. Dans un deuxième temps, nous irons plus loin en nous demandant si l’empoisonneur n’est pas tout simplement un traitre à sa classe sociale et à sa profession. Enfin, nous finirons par de développer que ce criminel peut s’avérer sans pitié et abuser impunément de la confiance de ses victimes.

Baby farming à Brixton - The Illustrated Police News, Londres, Samedi 25 juin 1870, Page 1 (par Newspapers.com)

Fig. 1. Baby farming à Brixton - The Illustrated Police News, Londres, Samedi 25 juin 1870, Page 1 (par Newspapers.com)

I. L’empoisonnement : un crime féminin ?

            Le poison a souvent été considéré comme l’apanage des femmes. Cet archétype culturel de la femme empoisonneuse est déjà en place au XIXe siècle[4]. L’empoisonnement est ainsi devenu rapidement un crime d’ordre féminin[5]. La femme est associée au poison pour plusieurs raisons : la première est en lien avec sa facilité d’accès et d’utilisation, la deuxième avec la force physique, puisque le poison ne demande pas de force particulière ; et la dernière est que le poison va de pair avec la perception culturelle de la nature dissimulatrice de la femme[6], celle-ci étant sans aucun doute la raison la plus évocatrice. L’empoisonnement secret est un acte que les victoriens redoutent particulièrement. Il n’est pas concevable dans l’esprit de la société victorienne que la femme trahisse sa place et son rôle de maîtresse de foyer. Il existe véritablement une dualité de l’image des femmes au XIXe siècle. Elles ne sont pas supposées être des êtres vils. Pourtant, en raison de leur habitude de dissimuler leur corps, leur désir et leurs émotions, elles pourraient n’avoir aucun scrupule à feindre ou dissimuler leurs intentions. Ainsi, le poison correspond parfaitement à cette vision préétablie sur le potentiel trompeur de la femme[7]. Cette image de dissimulatrice est véritablement véhiculée à cette époque, comme peut le démontrer cet article du St James Magasine en 1865 :

            « L’empoisonnement a toujours été la méthode préférée des meurtres perpétrés par des femmes, et cela pour quelques raisons évidentes. Il n’y a nul besoin de force physique, d’une présence d’esprit inflexible, de faire face à sa victime ; ni de faire de bruit, ou de répandre le sang, c’est silencieux, peu démonstratif et, pour que qu’un meurtre puisse l’être, élégant[8]. »

            Otto Pollak attribue également l’utilisation prédominante du poison à la nature secrète de la femme. Dans une enquête, il établit qu’entre 1875 et 1880, 68% des empoisonneurs sont en réalité des empoisonneuses[9]. Alors qu’en est-il à Londres entre 1870 et 1913 ? La londonienne empoisonne, il n’y a aucun doute, mais elle ne représente pas la majorité des personnes accusées d’empoisonnement traduites en justice. Sur un échantillon de 42 personnes, 18 sont des femmes, ce qui représente 42,9% de l’ensemble des personnes poursuivies pour empoisonnement (Fig. 1). A l’inverse, 24 hommes sont jugés, ce qui se traduit logiquement en 57,1%. Lorsqu’on rentre plus dans le détail, on observe que le nombre de femmes et d’hommes qui sont jugés pour des homicides volontaires par empoisonnement est le même, soit 17. Concrètement, il n’y a pas plus d’empoisonneuses que d’empoisonneurs à Londres entre 1870 et 1913 pour les homicides volontaires. Les résultats pour les sous-catégories des homicides volontaires restent relativement similaires, mise à part pour les avortements et les infanticides. Le réel écart homme-femme se joue sur les homicides involontaires par empoisonnement.

  Les femmes Les hommes Total
Total des homicides volontaires : 17 17 34
  • Homicides volontaires (« ordinaires »)
10 9 19
  • Meurtres et tentatives de suicides par empoisonnement
4 5 9
  • Avortements
1 3 4
  • Infanticides
2 2
Total des homicides involontaires : 1 7 8
  • Erreurs médicales
5 5
  • Accident sanitaire
1 1
  • Meurtres et tentatives de suicides par empoisonnement
1 1
  • Autres
1 1
Total 18 24 42

Fig. 2 : Rapport hommes-femmes pour les homicides par empoisonnement entre 1870 et 1913[10]

            L’origine de ce crime stéréotypé remonte des siècles auparavant avec des grandes empoisonneuses telles que Lucrèce Borgia. Cette image de la femme empoisonneuse est remise au goût du jour plus récemment avec l’affaire du Poison Panic. Cette vague d’empoisonnements meurtriers a eu lieu dans le comté de l’Essex dans les années 1840 et au début des années 1850. Ces empoisonnements sont perpétrés principalement par des femmes contre leurs maris et leurs enfants avec des motifs plus ou moins variés[11]. Comme l’affirme Judith Knelman c’est un mythe terrifiant de la Madone. Des dizaines de victimes d’empoisonnement sont à déplorer.

            Les femmes privilégient-elles réellement le poison comme arme du crime ? En valeurs absolues, elles sont aussi nombreuses que les hommes. En revanche, si nous les comparons à l’ensemble des femmes accusées de meurtres à cette époque, les résultats s’avèrent très différents. En effet, 577 femmes sont jugées devant les tribunaux de l’Old Bailey pour des crimes de sang entre 1870 et 1913. A Londres, à la même époque, il y a donc 18 empoisonneuses pour 577 femmes accusées de meurtre, ce qui donne un pourcentage de 3,1%. Nous sommes donc très loin de la majorité. En s’intéressant juste à la sous-catégorie des homicides volontaires, le pourcentage devient plus significatif, puisque les femmes accusées d’empoisonnement pour ce crime constituent 7,7%[12]. Les infanticides seuls ne représentent que 1,99% et les homicides involontaires 0,4%. Par conséquent, il est difficile d’admettre que le poison est l’arme du crime privilégiée des femmes à cette époque, lorsque les pourcentages sont tous en dessous de 10%, même si dans le cas des homicides volontaires, le pourcentage est légèrement plus important. Quand ces résultats sont comparés à ceux des hommes jugés à la Central Criminal Court sur la même période, le pourcentage des homicides par empoisonnement est de 1,6% (3% pour les homicides volontaires par empoisonnement et 0,8% pour les homicides involontaires par empoisonnement). Ce plus petit pourcentage s’explique par la surreprésentation de la gent masculine devant le juge, soit 1495 hommes. Les femmes ont donc tendance à être jugées plus souvent pour avoir choisi le poison comme arme du crime que les hommes. La différence est subtile mais s’explique par le fait que les femmes se retrouvent bien moins souvent devant les tribunaux que les hommes, et encore moins pour des homicides involontaires.

II. L’empoisonneur : un traitre à sa classe sociale et sa profession ?

            Les minutes des procès de l’Old Bailey sont une véritable mine d’information et rendent compte dans certains cas jusqu’au moindre détail de la situation économique et sociale des incriminés. La situation financière peut être au cœur de la procédure judicaire. Le plus souvent, l’indication du métier, et même du revenu par semaine, permettent de donner un renseignement sur la catégorie sociale de l’empoisonneur ; mais le statut social peut dépendre également du nombre de pièces du logement dans lequel vit le criminel, du quartier dans lequel il est situé et enfin si le logement lui appartient ou si c’est une location.

            Pour Katherine Watson, les empoisonneurs en Angleterre et au Pays de Galles entre 1750 et 1914 sont en grande majorité pauvres, et dans les meilleurs cas ils savent à peine lire et écrire, la plupart appartiennent donc aux classes les plus inférieures[13]. Celles-ci sont considérées comme des classes dangereuses et ne trouvent pas de meilleure solution que le poison pour échapper à leur situation intolérable (suicide, infanticide, meurtre de l’époux etc.)[14]. Pourtant, ce sont souvent les empoisonneurs issus des classes moyennes qui ont fait le plus parler d’eux à l’époque, puisqu’ils sont normalement considérés comme l’incarnation de la respectabilité, et que lors d’un tel crime, ils commettaient l’irréparable. C’est bien souvent sous le motif de maintenir une apparence de respectabilité que ces empoisonneurs trahissent leur classe. Leurs crimes deviennent alors des plus inattendus et choquants pour leur pairs[15]. Paradoxalement, ils attirent l’intérêt tout comme la répulsion du public. Toutefois, comme le souligne K. Watson, il est impossible d’estimer le nombre d’empoisonnements criminels qui a eu lieu dans les foyers des classes moyennes. Souvent, la famille ou les médecins ne peuvent envisager qu’un tel comportement ait pu se dérouler parmi leur classe et ces crimes ne sont jamais rapportés, voire suspectés[16].

            À Londres, entre 1870 et 1913, il existe des tendances parmi les classes sociales des empoisonneurs (Fig. .2). Sans grande surprise, aucun empoisonneur appartenant à la classe supérieure n’a été traduit en justice à cette époque. Cependant, un certain équilibre se dégage entre les classes moyennes et les milieux plus populaires, avec tout de même un nombre légèrement plus élevé pour les classes inférieures. Les empoisonneuses sont majoritairement issues des classes inférieures, soit 77,7% de ces criminelles, contre 25% pour les empoisonneurs londoniens. Ces derniers appartiennent donc plus souvent aux classes moyennes qui se divisent en trois grandes sous-parties et dépendent du revenu annuel[17] : la classe moyenne supérieure (upper middle class), la classe moyenne (middle-middle class) et enfin la classe moyenne inférieur (lower middle class). Ces résultats sont la conséquence directe de leur situation professionnelle.

            Les professions des empoisonneurs londoniens sont plutôt variées : ouvriers, fabricants, employés dans un commerce ou dans la finance, industriels, secteur médical ou au contraire sans emploi. Les empoisonneuses n’ont pas droit à autant de diversité. Elles travaillent en générale dans le domaine de la domesticité et dans des systèmes peu conventionnels du service d’adoption (le Baby Farming[18]) à moins qu’elles ne soient femmes au foyer et dépendent donc du revenu de leur époux.

Homicides Volontaires Homicides Involontaires Total
F H Total F H Total
Classe supérieure
Classe moyenne supérieure 1 3 4 4
Classe moyenne intermédiaire 1 4 5 2 2 7
Classe moyenne inférieure 1 4 5 3 3 8
Milieu populaire 9 4 13 1 1 2 15
Milieu populaire (pauvreté – misère) 4 1 5 5
Inconnue 1 1 2 1 1 3

Fig. 3: Classes sociales des empoisonneurs entre 1870 et 1913, à Londres[19]

            Les professions médicales[20] sont l’apparat des hommes et c’est d’ailleurs le domaine professionnel qui réunit le plus d’empoisonneurs (9 au total sur 42[21]), ce qui semble corroborer la croyance populaire que les empoisonneurs sont des médecins. Cette thèse est véhiculée par une affaire qui a fait scandale en 1856. William Palmer, un médecin, issu de la classe moyenne, empoisonne son ami avec de la strychnine dans le but de récupérer l’argent de l’assurance vie. Charles Dickens le désigne même comme étant « le plus grand méchant qui ne s’est jamais tenu à l’Old Bailey[22] ». En effet, Palmer ne s’est pas contenté d’une seule victime, il est également suspecté d’avoir tué son frère, sa belle-mère et quatre de ses enfants. Il est l’un des premiers empoisonneurs en série à être médiatisé. Son procès devient la référence pour toutes les autres procédures judiciaires à l’encontre d’empoisonneur.

            Toutefois, en regardant de plus près, les chiffres des médecins empoisonneurs londoniens sont gonflés par les homicides involontaires et les avortements. Sans ces accusés, les médecins qui empoisonnent véritablement pour tuer ne sont plus qu’au nombre de trois. Ainsi, on peut difficilement parler du docteur-empoisonneur qui tue volontairement. Pourtant, il est intéressant de relever le nombre d’incriminés ayant des connaissances médicales, soit par des études ou encore par un ancien métier dans le milieu. Lorsque ces paramètres sont pris en compte, on peut dénombrer trois personnes de plus : l’un a été assistant-pharmacien pendant des années (mais est au chômage au moment du meurtre), un autre a fait des études pour devenir médecin et enfin une femme qui posséderait des « savoirs considérables » dans le domaine médical et son propre coffre de médecine[23]. Cependant, il ne faut pas pour autant sous-évaluer les connaissances des autres accusés. En effet, l’automédication est un fait plus que courant à cette époque, et ces savoirs peuvent être largement accessibles dans des livres et des brochures.

            Ainsi, si des profils pour les empoisonneuses semblent se dessiner (issues des milieux plus populaires, travaillant principalement dans la domesticité, le service d’adoption, et femmes au foyer), ils sont plus difficiles à distinguer pour les hommes accusés d’empoisonnement. Les profils sont plus variés, même s’il est vrai qu’une petite majorité semble appartenir aux classes plus respectables, il ne faut pas pour autant sous-estimer leur présence dans les milieux plus populaires. De plus, si certains sont désignés comme appartenant à la classe moyenne au moment de leur crime, ils n’étaient pas loin d’en être exclus, souvent pour des questions financières (quatre sont dans ce cas). Par ailleurs, à l’instar de la croyance populaire, les empoisonneurs tendent plus souvent à appartenir au milieu médical, car les accusés sont souvent plus coupables d’erreurs médicales que de réels homicides volontaires. Si l’empoisonneur n’est pas un véritable traitre à sa classe sociale, il le devient en revanche lorsqu’il abuse de la confiance de ses victimes.

III. Abuser de la confiance de la victime

            Les empoisonnements au hasard sont rares. Les victimes connaissent presque toujours leurs assassins. Katherine Watson décrit l’empoisonnement comme un crime largement d’opportunité, car l’empoisonneur doit être assez proche de sa victime pour lui administrer le poison[24] sans qu’elle ait de soupçons.

            Les victimes d’empoisonneurs londoniens entre 1870 et 1913 sont principalement des femmes (31,3%) et des enfants (64,1% et ceux en bas âge représentent 46,9%). L’empoisonneurs à Londres aurait donc un type de victime.

            Au moins 41 enfants de moins de 20 ans sont morts empoisonnés sur cette période. Plus de la moitié de ces jeunes victimes sont la conséquence de trois affaires : un homicide involontaire dû à un accident industriel et sanitaire[25] (13 enfants) et deux procès pour Baby Farmings (15 enfants). Ce trafic d’enfants pouvant être traduit littéralement par élevage de bébé, est monnaie assez courante à cette époque pour se débarrasser d’un enfant non désiré, mais elle n’est pas toujours synonyme d’entreprise criminelle[26]. A l’origine une femme s’engage à s’occuper d’enfants pendant une durée déterminée ou définitive. Les parents de l’enfant versent alors une somme forfaitaire ou hebdomadaire pour couvrir les frais du début. Ces mères adoptives sont censées les élever comme les leurs ou trouver par la suite une autre famille adoptive. Les Baby Farmers sont traduites en justice pour une dérive de ce commerce, peu scrupuleuses elles se débarrassent des enfants de différentes manières : maltraitance, malnutrition, administration de drogue s’avérant fatale, etc. Si ces dernières victimes ne connaissaient pas ou pas vraiment leurs empoisonneurs, ce n’est pas le cas de la majorité des autres empoisonnés.

            Pour les homicides volontaires par empoisonnement, le criminel et sa victime sont dans 36% issus du même cercle familial. Les empoisonneurs, plus que les empoisonneuses, ont tendance à tuer plus souvent des membres de leur famille, en particulier leur femme, voire leur maîtresse : 7 épouses et 2 maîtresses meurent à cause d’un poison contre 2 maris. Quant aux femmes, elles empoisonnent de manière plus fréquente leurs progénitures que les hommes, notamment leurs enfants illégitimes. En effet, les chiffres d’enfants légitimes empoisonnés sont les mêmes pour les criminels des deux sexes. En revanche, les femmes assassinent plus souvent leurs enfants nés hors mariage, 3 enfants contre 1 pour un homme. Cette situation s’explique logiquement par le fait que c’est la femme qui porte le fardeau de la relation extérieure aux liens du mariage, elle doit faire face seule aux conséquences. Les hommes, contrairement aux femmes, peuvent également empoisonner d’autres membres de leur famille comme leur beau-frère. C’est par exemple le cas de George Henri Lamson[27]. Il empoisonne son beau-frère hémiplégique âgé de 18 ans (Percy Malcolm John) pour récupérer sa part d’héritage. Percy allait hériter à sa majorité d’une importante somme d’argent suite à la mort de ses parents. L’affaire a fait couler beaucoup d’encre dans les journaux de l’époque car Lamson était médecin donc issu de la classe moyenne, mais il était également addict à la morphine et avait utilisé une forme de poison jusqu’alors inconnue par les scientifiques.

            Certains empoisonneurs n’ont pas de scrupule à jouer le rôle de l’infirmière au chevet de la victime en lui prodiguant l’attention et des soins pour son rétablissement. Alfred Leach, le médecin qualifié d’Edwin Bartlett (la victime) déclare au sujet d’Adelaide Bartlett: « D’après ce que j’ai vu, et ce que je peux en juger, elle s’occupait de lui avec une affection anxieuse. Je ne pouvais pas souhaiter une infirmière plus dévouée pour lui [28]».

            Plus éloigné du cercle familial, des empoisonneurs assassinent des voisins, des amis ou des personnes rencontrées dans le cadre professionnel (patients) ou pour le plaisir (prostituées). À l’inverse des hommes, les empoisonneuses n’hésitent pas à s’en prendre à des personnes qu’elles connaissent peu : Louisa Jane Taylor empoisonne la femme d’un ami de son défunt mari après qu’elle se soit installée chez eux[29]. D’autres n’ont pas de scrupule à tuer des personnes qu’elles n’ont jamais connu : Christiana Edmunds tue un enfant qu’elle n'a jamais rencontré[30].

            Le choix du poison, tout comme la manière de l’administrer, peuvent être révélateur de la complexité du crime d’empoisonnement. Ils peuvent montrer la détermination du criminel, son désespoir, son intelligence, son origine sociale mais également sa cruauté.

            À l’inverse d’un coup de feu qui répand automatiquement le sang de la victime sur le sol, l’empoisonnement est souvent décrit comme un crime silencieux et non salissant. Cette idée est pourtant fausse. Avant de périr, la plupart du temps la victime souffre et peut pousser de cris de douleur effroyables.

            Si les effets de certains poisons peuvent se ressentir rapidement et devenir mortel en cinq minutes, ce n’est pas le cas de toutes les substances toxiques utilisées par les empoisonneurs londoniens dont l’agonie peut durer plusieurs heures, voire des jours.

            La strychnine a des effets très caractéristiques. Elle provoque des crises de convulsions entre cinq à dix minutes et la victime se tord de douleurs, la colonne vertébrale est tellement arquée que le corps repose sur la tête et les talons. En moyenne, la mort survient entre vingt et trente minutes à mourir.

            Pour d’autres poisons, vomissements, diarrhées, perte de conscience, brulure (acide), dilatation des pupilles, difficulté à respirer sont les symptômes les plus fréquents pour les poisons d’origine minérale et végétale. La différence avec les poisons narcotiques c’est qu’ils agissent sans douleur. Leurs effets sont un état de stupeur et de torpeur, des pupilles contractées, des pulsations lentes et une respiration bruyante. La victime, après avoir ingéré le poison, connait un moment d’excitation transitoire qui est rapidement remplacé par une tendance au sommeil, voire léthargique et comateuse. Alors que la victime est insensible, le poison agit sur le centre du cerveau et sur la circulation du sang vers le cœur et les poumons. Ils finissent par s’étouffer, les organes respiratoires sont entravés et la mort est due par asphyxie[31].

            Les plus répandus sont les empoisonnements aigus, c’est-à-dire que l’empoisonneur administre une seule mais importante à sa victime, et celle-ci lui est automatiquement fatale. A contrario, les empoisonnements chroniques exposent les victimes à une dose répétée mais minime d’un poison, qui les tuent à petit feu. Ce genre d’empoisonnement est relativement courant dans le cadre d’exposition ou d’administration accidentelle. Cependant, lorsqu’ils sont délibérés, ce sont sans aucun doute les crimes les plus cruels, car la mort est lente et l’agonie longue. Ils restent très minoritaires sur la période. Mary Ann Tregellis, la victime de Louisa Jane Taylor, est malade pendant trois mois. La dernière dose qui finit par lui être fatale, lui est administrée entre 1 mois et 15 jours avant qu’elle ne succombe à des effets du saturnisme[32]. La quantité de cette dernière dose a très certainement été bien plus importante que les précédentes. Mais, c’est surtout l’accumulation du poison dans le corps de la victime qui lui a été fatale. En effet, elle n’était plus de constitution à résister.

            Le crime d’empoisonnement est bien une trahison aux yeux de la société et au sein du cercle familial. La femme trahit son rôle de mère et d’épouse, les membres issus de la classe moyenne et les médecins leur statut social et leur profession. Pourtant, ces profils de criminels demeurent marginaux. Ce qui rend véritablement ces affaires si effroyables aux yeux de la société, c’est souvent la couverture médiatique qui s’en suit. Ces criminels ne respectent plus la morale et les valeurs victoriennes. Toutefois, la véritable trahison se fait à l’intérieur même du cercle intime. Souvent issus de la même famille ou se connaissant avant le crime, la relation existante entre la victime et son empoisonneur est brisée. L’insensibilité et le pragmatisme du criminel peuvent être mise en avant par son choix de poison et sa manière de l’administrer, ou au contraire son besoin d’épargner des souffrances ou alors d’en infliger. Quelles que soient les motivations de l’empoisonneur elles demeurent complexes et sont le symbole d’une trahison. Largement enfermé dans la sphère privée presque sacrée pour les victoriens, ce crime reste généralement dissimulé aux yeux de la société, voire de la loi. Par honte ou par calcul, le criminel empoisonneur peut mettre tout en œuvre pour cacher son acte, effacer les preuves ou pour tromper les enquêteurs et les scientifiques. Cependant, les nouvelles innovations scientifiques, le développement des sciences médico-légales et de la toxicologie laissent de moins en moins de chance à l’empoisonneur de s’en sortir impunément. Il devient paradoxalement un paria aux yeux de la société et en même un sujet à sensations que les britanniques se passionnent à lire dans les nouveaux journaux souvent illustrés et bas à prix.

[1] Affaires des poisons à la cour de Louis XIV ou encore l’empoisonneuse Lucretia Borgia par exemple.

[2] George ROBB, « Circe in Crinoline : Domestic Poisonings in Victorian England », Journal of Family History, vol. 22, n°2, 1997, p. 176-178.

[3] Les minutes des procès de la Central Criminal Court de 1674 à 1913 ont entièrement été numérisées par l’Université de Sheffield et sont désormais disponibles en ligne gratuitement, soit plus de 197 000 procès (https://www.oldbaileyonline.org/index.jsp). Elles ont été numérisées d’après les différentes éditions des minutes des procès de la Central Criminal Court qui sont arrivés jusqu’à nos jours. Les éditions originales sont conservées aux Archives Nationales de Kew (Richmond). Ces sources peuvent s’avérer très succinctes (nom prénom de l’accusé et de la victime, son crime) ou très détaillées (exemple : mode de vie de la victime ou l’accusé).
Mes recherches se sont limitées à la période de 1870 à 1913 plus de 1000 procès d’homicide volontaire et involontaire peuvent être recensés. Mais seuls 37 procès concernent les empoisonnements. Divisés en deux catégories : les homicides volontaires (29 procès) et les homicides involontaires (8 procès). Sur ces 37 procès, 42 personnes se retrouvent sur le banc des accusés, deux personnes peuvent être jugées en même temps lorsqu’il y a une double accusation.

[4] HELFIELD, Randa, « Female Poisoners of the Nineteenth Century: A Study of Gender Bias in the Application of the Law », Osgoode Hall Law Journal, vol. 28, n°1, 1990, p. 53‑101.
[5] George ROBB, op.cit, p. 177.

[6] Cheryl BLAKE PRICE « Poison, Sensation, and Secrets in “The Lifted Veil” », Victorian Review, vol. 36, n°1, 2010, p. 205.

[7] Idem

[8] Dr. J. SCOFFERN, “Secret Poisoning and Medical Etiquette", St. James Magazine, n° 14, 1865, p. 177 (traduction personnelle).

[9] Otto POLLAK, The criminality of women, New York, A.S. Barnes, 1961, p. 16.

[10] Données recensées dans les minutes des procès de la Central Criminal Court (Old Bailey Proceeding Online, abréviation OBPO). Tableau personnel.

[11] Judith KNELMAN, « The Amendment of the Sale of Arsenic Bill », Victorian Review, 1991, vol. 17, n°2, p. 1-10.

[12] Dans ce pourcentage, l’infanticide n’est pas inclus pour ne pas fausser les résultats. Le pourcentage des empoisonneuses pour tous infanticides et homicides volontaires confondus serait de 5,59%.

[13] Katherine D. WATSON, Poisoned lives: english poisoners and their victims, Londres et New York, Hambledon and London, 2004, p. 50.
[14] Idid.

[15] Idid.

[16] Idid.

[17] Monica CHARLOT et Roland MARX, la société victorienne, Paris, A. Colin, 1997, p. 48.

[18] Philippe Chassaigne, « Un aspect peu connu de l’abandon d’enfants dans l’Angleterre victorienne : le baby farming », Annales de Démographie Historique, n°1, 1992, p. 187-197.

[19] Tableau personnel d’après les sources de l’OBPO

[20] Les professions médicales incluent les médecins (MD), les dentistes, les ophtalmologues ainsi que les chemists (équivaut approximativement à l’ancêtre des pharmaciens actuels), les assistants-chemists et les herboristes.
[21] Les autres professions sont peu représentées contrairement au domaine médical.

[22] Charles DICKENS, Old lamps for new ones, and other sketches and essays hitherto uncollected, New York, New Amsterdam book company, 1897, p. 29.

[23] OBPO, avril 1886, procès d’Adelaide Bartlett et George Dyson (t18860405-466) : voir le témoignage de George Dyson

[24] Katherine D. WATSON, Poisoned Lives […] op.cit, p. 46.

[25] OBPO, août 1878, procès d’Henry George King (t18780806-672).

[26] Philippe CHASSAIGNE, « Un aspect peu connu […] », p. 188.

[27] OBPO (www.oldbaileyonline.org), février 1882, procès George Henry Lamson (t18820227-367).

[28] OBPO, avril 1886, procès d’Adelaide Bartlett et George Dyson (t18860405-466).

[29] OBPO, décembre 1882, procès de Louisa Jane Taylor (t18821211-156).
[30] The Illustrated Police News, 20 janvier 1872, p. 4.

[31] OBPO, janvier 1903, procès d’Annie Walters et Amelia Sach (t19030112-174).

[32] OBPO, décembre 1882, procès de Louisa Jane Taylor (t18821211-156).

            Le caractère exceptionnel de certains empoisonnements au cours de l’histoire[1] a fait qu’aujourd’hui encore, ce crime est soumis à de nombreux mythes et stéréotypes. Femmes empoisonneuses issues des hautes sphères du royaume, meurtres politiques ou stratégiques…
Le XIXe siècle connait également ses propres clichés : l’épouse et la mère empoisonneuse décimant sa famille pour quelques pounds, ou pour échapper à un mari violent[2]. On associe de plus en plus le crime d’empoisonnement à des mobiles d’ordre financier. Qu’en est-il vraiment à la fin du XIXe siècle et au début XXe siècle ?

            Pour comprendre le crime d’empoisonnement, il faut prendre conscience de son époque. Les évolutions scientifiques, médico-légales et toxicologiques ne cessent de progresser et diminuent les chances du criminel empoisonneur d’échapper à la justice. Cependant, ces innovations font également que de nouvelles formes de poison émergent dans la société. À partir du milieu du siècle, la mise en place de législations et de contrôles sur la vente et l’usage des substances toxiques ne sont pas non plus à négliger. Pourtant, certains produits dangereux demeurent encore très accessibles. Les conditions sociales, la place des femmes, le désespoir ou le regard de la société s’enchevêtrent aux crimes d’empoisonnement et les rendent d’autant plus complexes, mais pas nécessairement spectaculaires. Les minutes des procès de la Central Criminal Court de Londres[3], autrement connue sous le nom de l’Old Bailey, apportent une première réponse sur l’identité de l’empoisonneur, ses motivations, ses choix en termes de poison et même de victime. Le crime d’empoisonnement est-il bien une trahison au sein du cercle familial et au yeux de la société ? Quelle est l’identité de ce tueur de sang-froid et correspond-t-elle aux stéréotypes de l’époque ? Ce criminel empoisonneur est-il vraiment un expert dans l’art de tromper et d’abuser de la confiance d’autrui ?

            Pour répondre à ces interrogations et démystifier l’empoisonnement criminel à Londres entre 1870 et 1913, nous verrons si l’empoisonnement est un crime à catégoriser comme étant un acte féminin, et si par cet homicide, elles trahissent leur rôle dans la société et dans le foyer. Dans un deuxième temps, nous irons plus loin en nous demandant si l’empoisonneur n’est pas tout simplement un traitre à sa classe sociale et à sa profession. Enfin, nous finirons par de développer que ce criminel peut s’avérer sans pitié et abuser impunément de la confiance de ses victimes.

Baby farming à Brixton - The Illustrated Police News, Londres, Samedi 25 juin 1870, Page 1 (par Newspapers.com)

Fig. 1. Baby farming à Brixton - The Illustrated Police News, Londres, Samedi 25 juin 1870, Page 1 (par Newspapers.com)

I. L’empoisonnement : un crime féminin ?

            Le poison a souvent été considéré comme l’apanage des femmes. Cet archétype culturel de la femme empoisonneuse est déjà en place au XIXe siècle[4]. L’empoisonnement est ainsi devenu rapidement un crime d’ordre féminin[5]. La femme est associée au poison pour plusieurs raisons : la première est en lien avec sa facilité d’accès et d’utilisation, la deuxième avec la force physique, puisque le poison ne demande pas de force particulière ; et la dernière est que le poison va de pair avec la perception culturelle de la nature dissimulatrice de la femme[6], celle-ci étant sans aucun doute la raison la plus évocatrice. L’empoisonnement secret est un acte que les victoriens redoutent particulièrement. Il n’est pas concevable dans l’esprit de la société victorienne que la femme trahisse sa place et son rôle de maîtresse de foyer. Il existe véritablement une dualité de l’image des femmes au XIXe siècle. Elles ne sont pas supposées être des êtres vils. Pourtant, en raison de leur habitude de dissimuler leur corps, leur désir et leurs émotions, elles pourraient n’avoir aucun scrupule à feindre ou dissimuler leurs intentions. Ainsi, le poison correspond parfaitement à cette vision préétablie sur le potentiel trompeur de la femme[7]. Cette image de dissimulatrice est véritablement véhiculée à cette époque, comme peut le démontrer cet article du St James Magasine en 1865 :

            « L’empoisonnement a toujours été la méthode préférée des meurtres perpétrés par des femmes, et cela pour quelques raisons évidentes. Il n’y a nul besoin de force physique, d’une présence d’esprit inflexible, de faire face à sa victime ; ni de faire de bruit, ou de répandre le sang, c’est silencieux, peu démonstratif et, pour que qu’un meurtre puisse l’être, élégant[8]. »

            Otto Pollak attribue également l’utilisation prédominante du poison à la nature secrète de la femme. Dans une enquête, il établit qu’entre 1875 et 1880, 68% des empoisonneurs sont en réalité des empoisonneuses[9]. Alors qu’en est-il à Londres entre 1870 et 1913 ? La londonienne empoisonne, il n’y a aucun doute, mais elle ne représente pas la majorité des personnes accusées d’empoisonnement traduites en justice. Sur un échantillon de 42 personnes, 18 sont des femmes, ce qui représente 42,9% de l’ensemble des personnes poursuivies pour empoisonnement (Fig. 1). A l’inverse, 24 hommes sont jugés, ce qui se traduit logiquement en 57,1%. Lorsqu’on rentre plus dans le détail, on observe que le nombre de femmes et d’hommes qui sont jugés pour des homicides volontaires par empoisonnement est le même, soit 17. Concrètement, il n’y a pas plus d’empoisonneuses que d’empoisonneurs à Londres entre 1870 et 1913 pour les homicides volontaires. Les résultats pour les sous-catégories des homicides volontaires restent relativement similaires, mise à part pour les avortements et les infanticides. Le réel écart homme-femme se joue sur les homicides involontaires par empoisonnement.

  Les femmes Les hommes Total
Total des homicides volontaires : 17 17 34
  • Homicides volontaires (« ordinaires »)
10 9 19
  • Meurtres et tentatives de suicides par empoisonnement
4 5 9
  • Avortements
1 3 4
  • Infanticides
2 2
Total des homicides involontaires : 1 7 8
  • Erreurs médicales
5 5
  • Accident sanitaire
1 1
  • Meurtres et tentatives de suicides par empoisonnement
1 1
  • Autres
1 1
Total 18 24 42

Fig. 2 : Rapport hommes-femmes pour les homicides par empoisonnement entre 1870 et 1913[10]

            L’origine de ce crime stéréotypé remonte des siècles auparavant avec des grandes empoisonneuses telles que Lucrèce Borgia. Cette image de la femme empoisonneuse est remise au goût du jour plus récemment avec l’affaire du Poison Panic. Cette vague d’empoisonnements meurtriers a eu lieu dans le comté de l’Essex dans les années 1840 et au début des années 1850. Ces empoisonnements sont perpétrés principalement par des femmes contre leurs maris et leurs enfants avec des motifs plus ou moins variés[11]. Comme l’affirme Judith Knelman c’est un mythe terrifiant de la Madone. Des dizaines de victimes d’empoisonnement sont à déplorer.

            Les femmes privilégient-elles réellement le poison comme arme du crime ? En valeurs absolues, elles sont aussi nombreuses que les hommes. En revanche, si nous les comparons à l’ensemble des femmes accusées de meurtres à cette époque, les résultats s’avèrent très différents. En effet, 577 femmes sont jugées devant les tribunaux de l’Old Bailey pour des crimes de sang entre 1870 et 1913. A Londres, à la même époque, il y a donc 18 empoisonneuses pour 577 femmes accusées de meurtre, ce qui donne un pourcentage de 3,1%. Nous sommes donc très loin de la majorité. En s’intéressant juste à la sous-catégorie des homicides volontaires, le pourcentage devient plus significatif, puisque les femmes accusées d’empoisonnement pour ce crime constituent 7,7%[12]. Les infanticides seuls ne représentent que 1,99% et les homicides involontaires 0,4%. Par conséquent, il est difficile d’admettre que le poison est l’arme du crime privilégiée des femmes à cette époque, lorsque les pourcentages sont tous en dessous de 10%, même si dans le cas des homicides volontaires, le pourcentage est légèrement plus important. Quand ces résultats sont comparés à ceux des hommes jugés à la Central Criminal Court sur la même période, le pourcentage des homicides par empoisonnement est de 1,6% (3% pour les homicides volontaires par empoisonnement et 0,8% pour les homicides involontaires par empoisonnement). Ce plus petit pourcentage s’explique par la surreprésentation de la gent masculine devant le juge, soit 1495 hommes. Les femmes ont donc tendance à être jugées plus souvent pour avoir choisi le poison comme arme du crime que les hommes. La différence est subtile mais s’explique par le fait que les femmes se retrouvent bien moins souvent devant les tribunaux que les hommes, et encore moins pour des homicides involontaires.

II. L’empoisonneur : un traitre à sa classe sociale et sa profession ?

            Les minutes des procès de l’Old Bailey sont une véritable mine d’information et rendent compte dans certains cas jusqu’au moindre détail de la situation économique et sociale des incriminés. La situation financière peut être au cœur de la procédure judicaire. Le plus souvent, l’indication du métier, et même du revenu par semaine, permettent de donner un renseignement sur la catégorie sociale de l’empoisonneur ; mais le statut social peut dépendre également du nombre de pièces du logement dans lequel vit le criminel, du quartier dans lequel il est situé et enfin si le logement lui appartient ou si c’est une location.

            Pour Katherine Watson, les empoisonneurs en Angleterre et au Pays de Galles entre 1750 et 1914 sont en grande majorité pauvres, et dans les meilleurs cas ils savent à peine lire et écrire, la plupart appartiennent donc aux classes les plus inférieures[13]. Celles-ci sont considérées comme des classes dangereuses et ne trouvent pas de meilleure solution que le poison pour échapper à leur situation intolérable (suicide, infanticide, meurtre de l’époux etc.)[14]. Pourtant, ce sont souvent les empoisonneurs issus des classes moyennes qui ont fait le plus parler d’eux à l’époque, puisqu’ils sont normalement considérés comme l’incarnation de la respectabilité, et que lors d’un tel crime, ils commettaient l’irréparable. C’est bien souvent sous le motif de maintenir une apparence de respectabilité que ces empoisonneurs trahissent leur classe. Leurs crimes deviennent alors des plus inattendus et choquants pour leur pairs[15]. Paradoxalement, ils attirent l’intérêt tout comme la répulsion du public. Toutefois, comme le souligne K. Watson, il est impossible d’estimer le nombre d’empoisonnements criminels qui a eu lieu dans les foyers des classes moyennes. Souvent, la famille ou les médecins ne peuvent envisager qu’un tel comportement ait pu se dérouler parmi leur classe et ces crimes ne sont jamais rapportés, voire suspectés[16].

            À Londres, entre 1870 et 1913, il existe des tendances parmi les classes sociales des empoisonneurs (Fig. .2). Sans grande surprise, aucun empoisonneur appartenant à la classe supérieure n’a été traduit en justice à cette époque. Cependant, un certain équilibre se dégage entre les classes moyennes et les milieux plus populaires, avec tout de même un nombre légèrement plus élevé pour les classes inférieures. Les empoisonneuses sont majoritairement issues des classes inférieures, soit 77,7% de ces criminelles, contre 25% pour les empoisonneurs londoniens. Ces derniers appartiennent donc plus souvent aux classes moyennes qui se divisent en trois grandes sous-parties et dépendent du revenu annuel[17] : la classe moyenne supérieure (upper middle class), la classe moyenne (middle-middle class) et enfin la classe moyenne inférieur (lower middle class). Ces résultats sont la conséquence directe de leur situation professionnelle.

            Les professions des empoisonneurs londoniens sont plutôt variées : ouvriers, fabricants, employés dans un commerce ou dans la finance, industriels, secteur médical ou au contraire sans emploi. Les empoisonneuses n’ont pas droit à autant de diversité. Elles travaillent en générale dans le domaine de la domesticité et dans des systèmes peu conventionnels du service d’adoption (le Baby Farming[18]) à moins qu’elles ne soient femmes au foyer et dépendent donc du revenu de leur époux.

Homicides Volontaires Homicides Involontaires Total
F H Total F H Total
Classe supérieure
Classe moyenne supérieure 1 3 4 4
Classe moyenne intermédiaire 1 4 5 2 2 7
Classe moyenne inférieure 1 4 5 3 3 8
Milieu populaire 9 4 13 1 1 2 15
Milieu populaire (pauvreté – misère) 4 1 5 5
Inconnue 1 1 2 1 1 3

Fig. 3 : Classes sociales des empoisonneurs entre 1870 et 1913, à Londres[19]

            Les professions médicales[20] sont l’apparat des hommes et c’est d’ailleurs le domaine professionnel qui réunit le plus d’empoisonneurs (9 au total sur 42[21]), ce qui semble corroborer la croyance populaire que les empoisonneurs sont des médecins. Cette thèse est véhiculée par une affaire qui a fait scandale en 1856. William Palmer, un médecin, issu de la classe moyenne, empoisonne son ami avec de la strychnine dans le but de récupérer l’argent de l’assurance vie. Charles Dickens le désigne même comme étant « le plus grand méchant qui ne s’est jamais tenu à l’Old Bailey[22] ». En effet, Palmer ne s’est pas contenté d’une seule victime, il est également suspecté d’avoir tué son frère, sa belle-mère et quatre de ses enfants. Il est l’un des premiers empoisonneurs en série à être médiatisé. Son procès devient la référence pour toutes les autres procédures judiciaires à l’encontre d’empoisonneur.

            Toutefois, en regardant de plus près, les chiffres des médecins empoisonneurs londoniens sont gonflés par les homicides involontaires et les avortements. Sans ces accusés, les médecins qui empoisonnent véritablement pour tuer ne sont plus qu’au nombre de trois. Ainsi, on peut difficilement parler du docteur-empoisonneur qui tue volontairement. Pourtant, il est intéressant de relever le nombre d’incriminés ayant des connaissances médicales, soit par des études ou encore par un ancien métier dans le milieu. Lorsque ces paramètres sont pris en compte, on peut dénombrer trois personnes de plus : l’un a été assistant-pharmacien pendant des années (mais est au chômage au moment du meurtre), un autre a fait des études pour devenir médecin et enfin une femme qui posséderait des « savoirs considérables » dans le domaine médical et son propre coffre de médecine[23]. Cependant, il ne faut pas pour autant sous-évaluer les connaissances des autres accusés. En effet, l’automédication est un fait plus que courant à cette époque, et ces savoirs peuvent être largement accessibles dans des livres et des brochures.

            Ainsi, si des profils pour les empoisonneuses semblent se dessiner (issues des milieux plus populaires, travaillant principalement dans la domesticité, le service d’adoption, et femmes au foyer), ils sont plus difficiles à distinguer pour les hommes accusés d’empoisonnement. Les profils sont plus variés, même s’il est vrai qu’une petite majorité semble appartenir aux classes plus respectables, il ne faut pas pour autant sous-estimer leur présence dans les milieux plus populaires. De plus, si certains sont désignés comme appartenant à la classe moyenne au moment de leur crime, ils n’étaient pas loin d’en être exclus, souvent pour des questions financières (quatre sont dans ce cas). Par ailleurs, à l’instar de la croyance populaire, les empoisonneurs tendent plus souvent à appartenir au milieu médical, car les accusés sont souvent plus coupables d’erreurs médicales que de réels homicides volontaires. Si l’empoisonneur n’est pas un véritable traitre à sa classe sociale, il le devient en revanche lorsqu’il abuse de la confiance de ses victimes.

III. Abuser de la confiance de la victime

            Les empoisonnements au hasard sont rares. Les victimes connaissent presque toujours leurs assassins. Katherine Watson décrit l’empoisonnement comme un crime largement d’opportunité, car l’empoisonneur doit être assez proche de sa victime pour lui administrer le poison[24] sans qu’elle ait de soupçons.

            Les victimes d’empoisonneurs londoniens entre 1870 et 1913 sont principalement des femmes (31,3%) et des enfants (64,1% et ceux en bas âge représentent 46,9%). L’empoisonneurs à Londres aurait donc un type de victime.

            Au moins 41 enfants de moins de 20 ans sont morts empoisonnés sur cette période. Plus de la moitié de ces jeunes victimes sont la conséquence de trois affaires : un homicide involontaire dû à un accident industriel et sanitaire[25] (13 enfants) et deux procès pour Baby Farmings (15 enfants). Ce trafic d’enfants pouvant être traduit littéralement par élevage de bébé, est monnaie assez courante à cette époque pour se débarrasser d’un enfant non désiré, mais elle n’est pas toujours synonyme d’entreprise criminelle[26]. A l’origine une femme s’engage à s’occuper d’enfants pendant une durée déterminée ou définitive. Les parents de l’enfant versent alors une somme forfaitaire ou hebdomadaire pour couvrir les frais du début. Ces mères adoptives sont censées les élever comme les leurs ou trouver par la suite une autre famille adoptive. Les Baby Farmers sont traduites en justice pour une dérive de ce commerce, peu scrupuleuses elles se débarrassent des enfants de différentes manières : maltraitance, malnutrition, administration de drogue s’avérant fatale, etc. Si ces dernières victimes ne connaissaient pas ou pas vraiment leurs empoisonneurs, ce n’est pas le cas de la majorité des autres empoisonnés.

            Pour les homicides volontaires par empoisonnement, le criminel et sa victime sont dans 36% issus du même cercle familial. Les empoisonneurs, plus que les empoisonneuses, ont tendance à tuer plus souvent des membres de leur famille, en particulier leur femme, voire leur maîtresse : 7 épouses et 2 maîtresses meurent à cause d’un poison contre 2 maris. Quant aux femmes, elles empoisonnent de manière plus fréquente leurs progénitures que les hommes, notamment leurs enfants illégitimes. En effet, les chiffres d’enfants légitimes empoisonnés sont les mêmes pour les criminels des deux sexes. En revanche, les femmes assassinent plus souvent leurs enfants nés hors mariage, 3 enfants contre 1 pour un homme. Cette situation s’explique logiquement par le fait que c’est la femme qui porte le fardeau de la relation extérieure aux liens du mariage, elle doit faire face seule aux conséquences. Les hommes, contrairement aux femmes, peuvent également empoisonner d’autres membres de leur famille comme leur beau-frère. C’est par exemple le cas de George Henri Lamson[27]. Il empoisonne son beau-frère hémiplégique âgé de 18 ans (Percy Malcolm John) pour récupérer sa part d’héritage. Percy allait hériter à sa majorité d’une importante somme d’argent suite à la mort de ses parents. L’affaire a fait couler beaucoup d’encre dans les journaux de l’époque car Lamson était médecin donc issu de la classe moyenne, mais il était également addict à la morphine et avait utilisé une forme de poison jusqu’alors inconnue par les scientifiques.

            Certains empoisonneurs n’ont pas de scrupule à jouer le rôle de l’infirmière au chevet de la victime en lui prodiguant l’attention et des soins pour son rétablissement. Alfred Leach, le médecin qualifié d’Edwin Bartlett (la victime) déclare au sujet d’Adelaide Bartlett: « D’après ce que j’ai vu, et ce que je peux en juger, elle s’occupait de lui avec une affection anxieuse. Je ne pouvais pas souhaiter une infirmière plus dévouée pour lui [28]».

            Plus éloigné du cercle familial, des empoisonneurs assassinent des voisins, des amis ou des personnes rencontrées dans le cadre professionnel (patients) ou pour le plaisir (prostituées). À l’inverse des hommes, les empoisonneuses n’hésitent pas à s’en prendre à des personnes qu’elles connaissent peu : Louisa Jane Taylor empoisonne la femme d’un ami de son défunt mari après qu’elle se soit installée chez eux[29]. D’autres n’ont pas de scrupule à tuer des personnes qu’elles n’ont jamais connu : Christiana Edmunds tue un enfant qu’elle n'a jamais rencontré[30].

            Le choix du poison, tout comme la manière de l’administrer, peuvent être révélateur de la complexité du crime d’empoisonnement. Ils peuvent montrer la détermination du criminel, son désespoir, son intelligence, son origine sociale mais également sa cruauté.

            À l’inverse d’un coup de feu qui répand automatiquement le sang de la victime sur le sol, l’empoisonnement est souvent décrit comme un crime silencieux et non salissant. Cette idée est pourtant fausse. Avant de périr, la plupart du temps la victime souffre et peut pousser de cris de douleur effroyables.

            Si les effets de certains poisons peuvent se ressentir rapidement et devenir mortel en cinq minutes, ce n’est pas le cas de toutes les substances toxiques utilisées par les empoisonneurs londoniens dont l’agonie peut durer plusieurs heures, voire des jours.

            La strychnine a des effets très caractéristiques. Elle provoque des crises de convulsions entre cinq à dix minutes et la victime se tord de douleurs, la colonne vertébrale est tellement arquée que le corps repose sur la tête et les talons. En moyenne, la mort survient entre vingt et trente minutes à mourir.

            Pour d’autres poisons, vomissements, diarrhées, perte de conscience, brulure (acide), dilatation des pupilles, difficulté à respirer sont les symptômes les plus fréquents pour les poisons d’origine minérale et végétale. La différence avec les poisons narcotiques c’est qu’ils agissent sans douleur. Leurs effets sont un état de stupeur et de torpeur, des pupilles contractées, des pulsations lentes et une respiration bruyante. La victime, après avoir ingéré le poison, connait un moment d’excitation transitoire qui est rapidement remplacé par une tendance au sommeil, voire léthargique et comateuse. Alors que la victime est insensible, le poison agit sur le centre du cerveau et sur la circulation du sang vers le cœur et les poumons. Ils finissent par s’étouffer, les organes respiratoires sont entravés et la mort est due par asphyxie[31].

            Les plus répandus sont les empoisonnements aigus, c’est-à-dire que l’empoisonneur administre une seule mais importante à sa victime, et celle-ci lui est automatiquement fatale. A contrario, les empoisonnements chroniques exposent les victimes à une dose répétée mais minime d’un poison, qui les tuent à petit feu. Ce genre d’empoisonnement est relativement courant dans le cadre d’exposition ou d’administration accidentelle. Cependant, lorsqu’ils sont délibérés, ce sont sans aucun doute les crimes les plus cruels, car la mort est lente et l’agonie longue. Ils restent très minoritaires sur la période. Mary Ann Tregellis, la victime de Louisa Jane Taylor, est malade pendant trois mois. La dernière dose qui finit par lui être fatale, lui est administrée entre 1 mois et 15 jours avant qu’elle ne succombe à des effets du saturnisme[32]. La quantité de cette dernière dose a très certainement été bien plus importante que les précédentes. Mais, c’est surtout l’accumulation du poison dans le corps de la victime qui lui a été fatale. En effet, elle n’était plus de constitution à résister.

            Le crime d’empoisonnement est bien une trahison aux yeux de la société et au sein du cercle familial. La femme trahit son rôle de mère et d’épouse, les membres issus de la classe moyenne et les médecins leur statut social et leur profession. Pourtant, ces profils de criminels demeurent marginaux. Ce qui rend véritablement ces affaires si effroyables aux yeux de la société, c’est souvent la couverture médiatique qui s’en suit. Ces criminels ne respectent plus la morale et les valeurs victoriennes. Toutefois, la véritable trahison se fait à l’intérieur même du cercle intime. Souvent issus de la même famille ou se connaissant avant le crime, la relation existante entre la victime et son empoisonneur est brisée. L’insensibilité et le pragmatisme du criminel peuvent être mise en avant par son choix de poison et sa manière de l’administrer, ou au contraire son besoin d’épargner des souffrances ou alors d’en infliger. Quelles que soient les motivations de l’empoisonneur elles demeurent complexes et sont le symbole d’une trahison. Largement enfermé dans la sphère privée presque sacrée pour les victoriens, ce crime reste généralement dissimulé aux yeux de la société, voire de la loi. Par honte ou par calcul, le criminel empoisonneur peut mettre tout en œuvre pour cacher son acte, effacer les preuves ou pour tromper les enquêteurs et les scientifiques. Cependant, les nouvelles innovations scientifiques, le développement des sciences médico-légales et de la toxicologie laissent de moins en moins de chance à l’empoisonneur de s’en sortir impunément. Il devient paradoxalement un paria aux yeux de la société et en même un sujet à sensations que les britanniques se passionnent à lire dans les nouveaux journaux souvent illustrés et bas à prix.

[1] Affaires des poisons à la cour de Louis XIV ou encore l’empoisonneuse Lucretia Borgia par exemple.

[2] George ROBB, « Circe in Crinoline : Domestic Poisonings in Victorian England », Journal of Family History, vol. 22, n°2, 1997, p. 176-178.

[3] Les minutes des procès de la Central Criminal Court de 1674 à 1913 ont entièrement été numérisées par l’Université de Sheffield et sont désormais disponibles en ligne gratuitement, soit plus de 197 000 procès (https://www.oldbaileyonline.org/index.jsp). Elles ont été numérisées d’après les différentes éditions des minutes des procès de la Central Criminal Court qui sont arrivés jusqu’à nos jours. Les éditions originales sont conservées aux Archives Nationales de Kew (Richmond). Ces sources peuvent s’avérer très succinctes (nom prénom de l’accusé et de la victime, son crime) ou très détaillées (exemple : mode de vie de la victime ou l’accusé).
Mes recherches se sont limitées à la période de 1870 à 1913 plus de 1000 procès d’homicide volontaire et involontaire peuvent être recensés. Mais seuls 37 procès concernent les empoisonnements. Divisés en deux catégories : les homicides volontaires (29 procès) et les homicides involontaires (8 procès). Sur ces 37 procès, 42 personnes se retrouvent sur le banc des accusés, deux personnes peuvent être jugées en même temps lorsqu’il y a une double accusation.

[4] HELFIELD, Randa, « Female Poisoners of the Nineteenth Century: A Study of Gender Bias in the Application of the Law », Osgoode Hall Law Journal, vol. 28, n°1, 1990, p. 53‑101.

[5] George ROBB, op.cit, p. 177.

[6] Cheryl BLAKE PRICE « Poison, Sensation, and Secrets in “The Lifted Veil” », Victorian Review, vol. 36, n°1, 2010, p. 205.

[7] Idem

[8] Dr. J. SCOFFERN, “Secret Poisoning and Medical Etiquette", St. James Magazine, n° 14, 1865, p. 177 (traduction personnelle).

[9] Otto POLLAK, The criminality of women, New York, A.S. Barnes, 1961, p. 16.

[10] Données recensées dans les minutes des procès de la Central Criminal Court (Old Bailey Proceeding Online, abréviation OBPO). Tableau personnel.

[11] Judith KNELMAN, « The Amendment of the Sale of Arsenic Bill », Victorian Review, 1991, vol. 17, n°2, p. 1-10.

[12] Dans ce pourcentage, l’infanticide n’est pas inclus pour ne pas fausser les résultats. Le pourcentage des empoisonneuses pour tous infanticides et homicides volontaires confondus serait de 5,59%.

[13] Katherine D. WATSON, Poisoned lives: english poisoners and their victims, Londres et New York, Hambledon and London, 2004, p. 50.

[14] Idid.

[15] Idid.

[16] Idid.

[17] Monica CHARLOT et Roland MARX, la société victorienne, Paris, A. Colin, 1997, p. 48.

[18] Philippe Chassaigne, « Un aspect peu connu de l’abandon d’enfants dans l’Angleterre victorienne : le baby farming », Annales de Démographie Historique, n°1, 1992, p. 187-197.

[19] Tableau personnel d’après les sources de l’OBPO

[20] Les professions médicales incluent les médecins (MD), les dentistes, les ophtalmologues ainsi que les chemists (équivaut approximativement à l’ancêtre des pharmaciens actuels), les assistants-chemists et les herboristes.

[21] Les autres professions sont peu représentées contrairement au domaine médical.

[22] Charles DICKENS, Old lamps for new ones, and other sketches and essays hitherto uncollected, New York, New Amsterdam book company, 1897, p. 29.

[23] OBPO, avril 1886, procès d’Adelaide Bartlett et George Dyson (t18860405-466) : voir le témoignage de George Dyson

[24] Katherine D. WATSON, Poisoned Lives […] op.cit, p. 46.

[25] OBPO, août 1878, procès d’Henry George King (t18780806-672).

[26] Philippe CHASSAIGNE, « Un aspect peu connu […] », p. 188.

[27] OBPO (www.oldbaileyonline.org), février 1882, procès George Henry Lamson (t18820227-367).

[28] OBPO, avril 1886, procès d’Adelaide Bartlett et George Dyson (t18860405-466).

[29] OBPO, décembre 1882, procès de Louisa Jane Taylor (t18821211-156).

[30] The Illustrated Police News, 20 janvier 1872, p. 4.

[31] OBPO, janvier 1903, procès d’Annie Walters et Amelia Sach (t19030112-174).

[32] OBPO, décembre 1882, procès de Louisa Jane Taylor (t18821211-156).

Bibliographie

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