From the Human Be-in to the Death of the Hippies : conséquences du Summer of Love et d’un San Francisco transformé en un phare à rejoindre pour une génération perdue dans la société américaine des Sixties.

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27 Fév
2025

Maxime Dulau

Résumé

Le San Francisco des Sixties voit un nouveau courant musical psychédélique marqué par la consommation de psychotropes, se mêler à une sexualité devant plus libre sous l’impulsion d’une jeunesse hippie et contestataire. Cependant, cette mouvance générationnelle et contre culturelle, tout d’abord locale au quartier du Haight-Ashbury, explose au niveau national à partir de 1967. Les groupes de rock de la baie deviennent des célébrités propageant l’attractivité d’une ville qui, via son activité culturelle, spirituelle et contestataire, devient un véritable phare à rejoindre pour une génération perdue dans la société américaine. Notre article explore ainsi les raisons et les conséquences d’un éveil générationnel transformant la ville de San Francisco et son quartier du Haight-Ashbury en un lieu de tous les possibles.

San Francisco in the Sixties witnessed the emergence of a new psychedelic sound shaped by the use of psychotropic drugs, alongside a sexuality freeing under the impulse of a hippie and revolted youth. Fueled by a generational awakening, this generational and countercultural movement, which began locally in the Haight-Ashbury district, erupted onto the national stage only in 1967. Bay area rock bands went from local hippie groups to stars spreading the attractivity of San Francisco. Through its cultural, spiritual, and rebellious activities, the city embodied the beacon role for a generation lost at sea in the American society. This article thus examines the causes and consequences of a generational awakening which transformed San Francisco and its Haight-Ashbury district into a place where dreams were meant to come true.

Détails

Chronologie : XXe siècle
Lieux : San Francisco
Mots-clés : Sixties New Left Contre-culture Mouvement Hippie San Francisco Presse Underground Psychédélisme Summer of Love Quartier du Haight-Ashbury Histoire de la jeunesse Histoire des États-Unis Rock’n’roll

Chronology: XXth century
Location: San Francisco
Keywords: Sixties – New Left – Counterculture – Hippie movement – San Francisco – Underground Press – Psychedelia – Summer of Love – Haight-Ashbury district – History of youth – History of the United States – Rock’n’roll

Plan

I – Human Be-in, la rencontre entre hippies et politicos via la presse underground.

II – « If you’re going to San Francisco,
Be sure to wear some flowers in your hair »

III – Une popularité accrue via la mouvance musicale psychédélique et une noyade idéologique amenant à l’enterrement du terme hippie.

Pour citer cet article

Référence électronique
Dulau Maxime, “From the Human Be-in to the Death of the Hippies : conséquences du Summer of Love et d’un San Francisco transformé en un phare à rejoindre pour une génération perdue dans la société américaine des Sixties.", Revue de l’Association des Jeunes Chercheurs de l’Ouest [En ligne], n°5, 2025, mis en ligne le 27 février 2025, consulté le 12 mars 2025 à 12h02, URL : https://ajco49.fr/2025/02/27/from-the-human-be-in-to-the-death-of-the-hippies-consequences-du-summer-of-love-et-dun-san-francisco-transforme-en-un-phare-a-rejoindre-pour-une-generation-perdue-dans-la-societe-americaine

L'Auteur

Maxime Dulau

Maxime Dulau débute une thèse en histoire contemporaine à l’Université Bordeaux Montaigne sous la direction de Dominique Pinsolle, avec le sujet suivant : « Les limites de la radicalité : les représentations féminines et sexuelles dans la presse underground et la mouvance hippie durant les années 1960 aux États-Unis. »
Ses recherches portent sur la presse underground et les mouvements contestataires des Sixties, avec un focus sur une histoire des représentations, principalement féminines et sexuelles. Avec différents articles et colloques, il explore aussi d’autres sujets, notamment en se penchant, à travers l’étude de la mouvance hippie et la culture musicale psychédélique, sur l’histoire de la jeunesse américaine des années 1960.

Droits d'auteur

Tous droits réservés à l'Association des Jeunes Chercheurs de l'Ouest.
Les propos tenus dans les travaux publiés engagent la seule responsabilité de leurs auteurs.

Fig. 1. Un groupe de jeunes dansant, au rythme d’instruments acoustiques lors du Human Be-in, sous les regards d’une assistance hétérogène. Photographie de Jim Marshall, 14 janvier 1967.[1]

            Bordée par la baie éponyme et l’océan Pacifique, San Francisco est une ville à part. Une ville à plusieurs faces, une ville de marins, une ville pittoresque, mais aussi une ville hédoniste, où la vie de bohème est la bienvenue, une ville festive et civilisée, vieille et encline à la révolution, ville de débauche et de fine arts[2].
            Cette multitude de facettes rend San Francisco propice aux mouvements artistiques. En effet, la ville, permissive par son éloignement de Washington D.C, a toujours renvoyé une certaine idée de la liberté. En effet, prisée par le Hollywood des Roaring Twenties y mélangeant fêtes outrageuses et scandales, San Francisco est depuis longtemps tiraillée entre son authenticité pittoresque et son hédonisme.
            Le quartier de North Beach est, durant la deuxième moitié des années 1950 et le début des années 1960, le quartier où la génération Beat s’installe. Mouvement littéraire rejetant le consumérisme économique, ce dernier, à travers différentes œuvres comme Howl de Allen Ginsberg ou Naked Lunch de William S. Burroughs, met en avant un hédonisme bohémien et célèbre le non-conformisme.
            Avec San Francisco comme destination finale de son roman Sur La Route, Jack Kerouac, autre figure du mouvement, fait de la ville le repère Beat. Ce nom, provenant du cercle d’ami de l’auteur, fait écho au courant artistique et politique qui se dessine autour de ce groupe. Puis le terme beatnik devient peu à peu utilisé pour décrire les personnes, majoritairement jeunes, ayant un attrait pour les codes et les pratiques de cette génération.
            Ensuite, au début des Sixties, San Francisco évolue, et sa jeunesse aussi. La population change, délaissant les tenues noires des beatniks pour s’habiller plus en couleur. Finie la morosité, la mode est désormais aux motifs colorés et aux habits de seconde main. Les jeunes, souvent issues d’universités avoisinantes, ne s’installent plus à North Beach, lui préférant le quartier du Haight-Ashbury et ses villas victoriennes, délaissées après la crise de 1929 et dont les loyers sont très accessibles. La musique se transforme aussi, le jazz beat est abandonné, et de nouveaux groupes mélangent folk, rock, expérimentations électriques et psychotropes. Alors que les Charlatans lancent véritablement un nouveau mouvement musical en s’exilant à Virginia City au Nevada, pour y passer un été 1965 mêlant rock, drogues et armes à feu, d’autres groupes émergent à San Francisco, et c’est une nouvelle scène musicale qui naît.[3] Celle-ci embrasse les idéaux de cette génération qui s’éveille et s’approprie San Francisco. Une jeunesse aux codes novateurs émerge dans le quartier du Haight-Ashbury. Drogues psychotropes, musiques psychédéliques, et sentiments de rejet de la société américaine deviennent des facteurs d’appartenance au Haight-Ashbury.[4] Une jeunesse hippie voit le jour, s’inscrivant dans une décennie marquée par les contestations juvéniles.
            La variété de cette jeunesse contestataire s’explique notamment car, hormis le quartier du Haight-Ashbury qui observe la mouvance hippie prendre forme, de l’autre côté de la baie, Berkeley voit, depuis l’automne 1964, sa jeunesse universitaire contester l’autorité académique. Via le Free Speech Movement, une génération d’étudiants politisés en faveur de la liberté d’expression émerge et s’intègre facilement dans les Sixties américaines, théâtre d’un élan contestataire qui voit grand nombre de mouvements critiquer les institutions étatiques.
            En effet, ces mouvements de contestations étudiants visent, à travers leurs actions, la hiérarchie académique et de fait l’État qui, en gérant ces universités et en condamnant ou réprimant les protestations, se dresse comme opposant à ces jeunes contestataires.
            De plus, cette critique du gouvernement est partagée par les mouvements pour les droits civiques des Afro-américains, et leurs combats contre un racisme institutionnel. Il ne s’agit pas ici d’une simple revendication contre un racisme isolé mais bel est bien une révolte contre un racisme instrumentalisé par l’État. C’est donc ce dernier en tant qu’institution qui est attaqué de ce point de vue.
            D’une manière similaire, lorsque les hippies souhaitent se détacher de la société, c’est encore le gouvernement, l’Establishment, qui est propulsé en ennemi, en corps sociétal malade dont le mouvement hippie veut se séparer spirituellement et par conséquent politiquement aussi. 

            Or dans cette décennie de remises en question des outils institutionnels, la presse ne fait pas office d’exception. En effet, dans ces milieux jeunes et contestataires, de nouveaux journaux apparaissent. Nommés underground, ils retranscrivent les préoccupations d’une jeunesse politisée et avide de libertés. Que ces dernières soient d’expressions, sexuelles, politiques ou d’auto-déterminations, elles façonnent un mouvement et une génération.
            La presse underground se développe dans la deuxième moitié des années 1960, et se diversifie en différents courants, s’approchant tous plus ou moins de la mouvance générale de la New Left. John McMillian, historien spécialiste des Sixties et de leurs radicalités, la décrit comme étant un « mouvement peu organisé, majoritairement composé d’étudiants blancs, mettant en avant la démocratie participative, qui s’est battu pour les droits civiques et diverses réformes universitaires, et qui a protesté contre la guerre du Vietnam.[5] »
            Cette nouvelle gauche américaine porte en elle une multitude de mouvements, que ces derniers soient politiques, spirituels ou culturels, ils retranscrivent la pluralité contestataire des Sixties. Pour répondre aux besoins de cette génération représentée par une pléthore de différents courants, la presse underground embrasse l’hétérogénéité idéologique d’une jeunesse qui, via ses périodiques, exprime ses opinions. Toujours pour McMillian, « les journaux radicaux sont devenus le moyen par lequel les jeunes ont transmis leurs arguments, leurs idées sans filtre et ont popularisé leur rébellion[6]. »
            Ici, à travers ces mots, il explicite l’importance de la presse underground dans l’ébullition contestataire des Sixties. De la révolte estudiantine de Berkeley, aux hippies de San Francisco, en passant par les bohémiens du East Village à New York, de nombreux quartiers hip[7] voient fleurir en leurs seins des périodiques radicaux. En 1965 naissent donc le Berkeley Barb et l’East Village Other, et en 1966 le San Francisco Oracle. Ces derniers sont loin d’être les seuls journaux underground à voir le jour à cette période, mais ils explicitent la pluralité de la vague contestataire que sont en train de subir les États-Unis.
            Cette contre-culture, ici propre aux Sixties, provient de mouvements politiques, sociaux ou artistiques, s’opposant à l’aide d’une culture nouvelle et contestatrice, aux normes sociétales dominantes.
            Or cette submersion contre culturelle n’est, en décembre 1966, qu’à ses prémices. En effet à cette période, hippies du Haight-Ashbury et politicos (membres des effervescences politiques étudiantes) de Berkeley préparent un évènement censé rassembler le tout San Francisco contestataire. À travers ce Human Be-in, c’est un phénomène bien plus large qui est enclenché. Le 14 janvier débute, selon de nombreux historiens[8], le Summer of Love. Cet été 1967, long de presque sept mois, est bien plus qu’un simple amour estival entre différentes branches d’une génération qui embrase les Sixties américaines. Il dépasse le cadre californien d’un mouvement qui possédait jusque-là une réputation locale. De fait, notre article s’intéresse aux bouleversements subis par la mouvance hippie durant l’année 1967, et nous répondons à l’interrogation suivante :
            Dans quelles mesures le Summer of Love, en tant que symbole de la contre-culture, a-t-il contribué à la formation d’une identité générationnelle tout en semant les graines de sa propre dissolution ?
            C’est à travers cet axe d’une évolution à contre-courant que nous étudierons, dans un premier temps, les tenants et les aboutissants du Human Be-in, de sa préparation à sa tenue. Ensuite, dans un deuxième temps, nous nous pencherons sur San Francisco, et les conséquences d’un tel évènement sur la popularité et l’image de la ville. Enfin, dans un

Human Be-in, la rencontre entre hippies et politicos via la presse underground.

            Le Human Be-in, cet évènement ayant lieu au Golden Gate Park de San Francisco en janvier 1967, mêlant musiques, poésies, discussions politiques et spirituelles, est organisé par les deux principaux périodiques undergrounds de la baie de San Francisco que sont le Berkeley Barb et le San Francisco Oracle. L’évènement marque un rapprochement entre deux communautés. D’un côté les hippies du Haight-Ashbury, marqués par la culture naissante mêlant musiques, arts visuels, et usage de drogues psychotropes, et de l’autre les politicos de Berkeley, dont la révolte étudiante du Free Speech Movement de 1964 éveilla les consciences politiques. Bien qu’ayant leurs différences, les deux mouvances sont proches, que cela soit idéologiquement ou géographiquement (une vingtaine de kilomètres séparent Berkeley de Haight et Ashbury Streets). Lorsque le quartier hippie se développe, de nombreux étudiants s’y installent. Qu’ils viennent de l’université de San Francisco State ou de Berkeley, leur participation à la mouvance hippie est à prendre en compte.

Fig. 2. Croisement des rues Haight et Ashbury le 22 novembre 2022, photographié par Maxime Dulau[9].

            Auparavant, certains historiens ont fait une distinction claire entre hippies et politicos. Ceux-ci, souvent d’anciens membres des effervescences contestataires des Sixties, ont avancé l’idée d’une séparation entre activistes politiques et membres de la contreculture psychédélique. Cette démarcation provient de travaux menés principalement dans les années 1980, que cela soit par d’anciens de la New Left comme Todd Gitlin[10], ou par de vieux hippies comme Charles Perry[11]. D’un côté comme de l’autre, la méfiance et l’aversion poussent à définir hippies et politicos comme deux courants bien distincts. La principale distinction entre les deux groupes se pose souvent sur l’attitude qu’ils adoptent vis-à-vis de leur sentiment de rejet de la société américaine. Quand les hippies souhaitent vivre en dehors de cette dernière, en sortir complètement en la laissant derrière, les politicos veulent, quant à eux, la révolutionner et emmener chaque individu dans leur bouleversement sociétal. Les définitions les différenciant portent en elles une forme de vérité, mais elles ne sont que partielles. En effet, la baie de San Francisco, en abritant deux mouvements si proches idéologiquement, ne peut éviter la contagion des idées de l’un sur celles de l’autre. Les étudiants politisés de Berkeley fréquentent les concerts psychédéliques du Haight-Ashbury, et les hippies ayant quittés les bancs des facultés, les drop out, ont par définition été influencés par les idées révolutionnaires prônées par le Free Speech Movement de Berkeley. L’idée de deux générations, distinctes et séparées à San Francisco, ne fait que trop peu de sens. De plus, la réussite du Human Be-in (20 à 30 000 personnes y prenant part[12]) n’en est qu’une preuve supplémentaire. La population se rendant à l’évènement n’y va pas pour représenter telle ou telle mouvance, mais pour affirmer une unité générationnelle.
            Lorsque les deux périodiques undergrounds organisateurs de l’évènement font la promotion de l’évènement qu’ils nomment parfois Gathering of Tribes, cela se fait selon la manière et le style de chacun. Le San Francisco Oracle utilise sa une pour y afficher un des posters officiels de l’évènement. De son côté, le Berkeley Barb choisit un collage photo résumant assez bien l’idée de réunion des deux communautés. Avec des photographies de militants politiques de Berkeley, comme le désormais célèbre Mario Savio, ou bien des dessins représentant Allen Ginsberg, fameux poète Beatnik et gourou hippie, en buddha avec de multiple bras, le Barb et sa une illustrent l’hétérogénéité idéologique de l’évènement.

Fig. 3. À gauche, la une du Berkeley Barb[13] du 6 janvier 1967, et à droite, celle du San Francisco Oracle[14] du même mois.

            En observant la une du périodique du Haight-Ashbury, réalisée par l’artiste psychédélique Stanley Mouse, c’est l’imagerie hippie qui nous saute aux yeux. Cependant, ce qui interpelle, c’est l’innovation qu’offre la une du Barb. Moins colorée que celle de l’Oracle, et bien que conservant certains aspects classiques de la une de presse, cette dernière se rapproche d’un modèle plus psychédélique. Le titre ne respecte pas le titrage traditionnel du Barb, et le collage scinde les articles en deux, tout en empiétant sur l’entête. Cela marque ici une volonté affichée de réunir deux identités : celle rédactionnelle d’un journal underground, en y conservant des articles politiques en une, mais aussi une identité visuelle, qui elle, se rapproche plus de la mouvance hippie. Ce mélange identitaire représente parfaitement ce qu’est le Human Be-in et la une du Barb prouve la volonté de rapprochement que porte en elle la communauté politisée de Berkeley.
            Le rapprochement est donc organisé par les périodiques undergrounds et ce sont entre 20 000 et 30 000 personnes qui assistent à l’évènement en ce 14 janvier 1967. Compte tenu du caractère principalement local des mouvements hippies ou radicaux qui organisent ce Be-In, cela représente un chiffre assez conséquent.
            Charles Perry écrit : « Comme le Be-in l’avait annoncé de par son nom, l’évènement s’est défini par la présence de tous ces gens[15]. »
            À travers ces mots, il souhaite mettre en avant la nature unificatrice de l’évènement et le fait que la foule présente participe à la définition du Human Be-in, à en faire un réel point marquant pour cette génération. Sans les personnes y prenant part, l’évènement aurait pu rassembler toutes les figures emblématiques des deux mouvances qu’elle n’aurait pas eu un semblant d’importance.
            Car ici, l’évènement marque un tournant pour le mouvement qui à travers cette démonstration attire l’attention médiatique. La foule présente au Golden Gate Park ce 14 janvier colporte ensuite l’ambiance si particulière de San Francisco et du Haight-Ashbury, et c’est toute une génération qui voit en San Francisco la réponse à tous ses maux.
En effet, de nombreux jeunes américains, par défiance pour le système sociétal de leurs aînés, se tournent vers le Haight-Ashbury pour y trouver un eldorado.

« If you’re going to San Francisco,
Be sure to wear some flowers in your hair [16] »

            « Chers gens de l’Oracle. Ceci est un appel à l’aide[17]. »
            Avec ces mots s’ouvre la lettre d’une jeune New-Yorkaise à l’adresse du San Francisco Oracle. Cette prose épistolaire retransmet la détresse ressentie par une jeune femme qui ne se sent pas à sa place dans la Grosse Pomme. Ce mal-être est caractéristique de cette génération qui ne porte aucun intérêt aux modes de fonctionnement de la société américaine dont elle hérite.[18] Cette jeune fille, à travers sa lettre, ne décrit pas seulement son malheur, mais aussi celui de milliers de jeunes qui après avoir entendu parler du Haight-Ashbury et de sa communauté, ne rêvent plus que d’y vivre.
            Ce que cherche cette jeune femme, c’est simplement d’être à sa place, dans un quartier qui lui ressemble pour qu’elle puisse se sentir elle-même loin de Manhattan. Elle met cela à l’écrit en affirmant que « New York City est un endroit horrible. On ne peut pas imaginer à quel point le Lower East Side porte atteinte à la dignité humaine et à la liberté.[19]»
            Via cette lettre à l’Oracle, elle leur demande de l’aide. Ayant déjà lu le mensuel du Haight-Ashbury, elle l’identifie comme un repère, une bouée de sauvetage dans son océan de malheur. Le dernier paragraphe de sa lettre traduit le besoin réel d’assistance que ressent cette jeune femme.

            Si quelqu’un a lu jusqu’ici – s’il vous plaît est ce que quelqu’un pourrait, voudrait, prendre le temps de m’écrire et de me dire les bonnes choses pour que je ne sois pas effrayée de venir à San Francisco. S’il vous plaît… quelque chose de concret – un nom, une adresse – quelque chose à rallier. J’ai besoin de direction et je pense que j’aurais même beaucoup à offrir si quelqu’un voulait bien m’aider… ou même mieux, avait besoin de mon aide. Merci.[20]

            Ici, elle transmet son souhait de partir, de traverser le pays pour débarquer à San Francisco. Mais un tel voyage l’effraie et cette lettre, qui porte en elle tout son mal-être, se conclu par une demande d’aide pour pouvoir venir au Haight-Ashbury avec un minimum de repères, de certitudes. Cette vision de San Francisco comme d’un lieu où la morosité n’existe pas et où chaque jeune peut trouver le bonheur est très diffuse dans l’imaginaire de la jeunesse des Sixties. Cela marque l’importance des évènements comme le Human Be-in, qui de par leur réussite, deviennent des vitrines d’un San Francisco parfait et idéalisé.

Fig. 4. Photo d’une jeune fille à San Francisco par Gene Anthony, en 1966.[21]

            À l’image de cette adolescente photographiée à San Francisco dont on ignore le nom, de nombreux jeunes se définissent d’abord par leur appartenance à la mouvance hippie, et rejoignent le Haight-Ashbury et San Francisco à la suite du Human Be-in. Le quartier était, à ses prémices, constitué de jeunes indépendants et majeurs. Mais avec la popularité qu’obtient le mouvement, sa notoriété nationale attire une jeunesse adolescente qui s’empare de la mouvance et qui ne se sent plus à l’aise dans la société américaine.
            Ils sont nombreux à voir en San Francisco un idéal sociétal, construit selon leurs souhaits mais surtout par leurs pairs. Le Human Be-in et les expérimentations psychédéliques ou musicales font de la baie une destination idéalisée par de nombreux adolescents. Ces derniers, en s’imaginant une vie plus libre, créent une attente et construisent pour San Francisco une réputation d’eldorado. En bâtissant cela pour la ville, ils idéalisent quelque chose qu’ils n’ont alors pas vu de leurs propres yeux. Cela amène une fuite vers la Californie du nord et la baie à l’été 1967.
            La ville est érigée en paradis par cette jeunesse. Bien que partageant avec de nombreux hippies la même exaspération vis-à-vis de la société de leurs aînés, nous pouvons cependant nous interroger sur l’appartenance de ces jeunes à la mouvance telle qu’elle se définit avant le Summer of Love. Sans même mettre en avant l’aspect idéologique du mouvement, basé sur un abandon total des carcans sociétaux à travers la fameuse maxime « Turn on, Tune in, Drop out[22] » de Timothy Leary, la question quantitative de la mouvance est à prendre en compte. Avec une entraide locale et une volonté de vivre en dehors des normes sociétales, l’idéal de vie hippie n’est à la base pas fait pour un grand nombre.[23] Or, durant l’été 1967, c’est un raz-de-marée humain qui s’abat sur le Haight-Ashbury, avec environ 75 000 jeunes le visitant et y vivant lors de ce Summer of Love.[24]
            De plus, cet idéal est mis en avant grâce à des outils de communications qui sont propres à la mouvance contre culturelle. Cela se fait via la presse underground qui a pour but « d’amener les nouvelles des rébellions de la jeunesse jusqu’aux villes et campus américains, et d’aider à créer un mouvement de masse[25]. »
            Par ailleurs, le succès musical de San Francisco et de sa scène psychédélique, partageant le goût de la mouvance pour les drogues, le sexe et évidemment le rock’n’roll, amène une culture hippie à se développer et toucher, musicalement, de nombreuses personnes. La ville sur la baie devient l’épicentre d’un tremblement de terre culturel. En plus de l’écho du Human Be-in, de nombreux artistes, originaires ou non de San Francisco, érigent la ville en lieu de pèlerinage. Eric Burdon et son groupe britannique The Animals, expriment cela en chanson :

            « Save all your bread and fly Translove Airways to San Francisco, USA, then maybe you’ll understand the song. It’ll be worth it, if not for the sake of the song, but for the sake of your own peace of mind.[26] »

            Avec leur titre San Franciscan Nights, le quatuor de Newcastle pousse encore l’idéalisation de la ville et l’impact positif que peut avoir celle-ci sur la jeunesse. Cette chanson, sans être l’unique raison de l’exode vers la baie, participe à la création d’une imagerie collective et joue son rôle dans l’avènement du Haight-Ashbury en lieu de tous les possibles, en phare à rejoindre pour une génération perdue dans l’océan sociétal américain.

Une popularité accrue via la mouvance musicale psychédélique et une noyade idéologique amenant à l’enterrement du terme hippie.

            Hormis les paroles de chanson, les groupes issus de la baie jouent un rôle prépondérant dans le succès de San Francisco. Ces derniers, de par leurs succès participent à la reconnaissance de la ville. Dans le Haight-Ashbury, ils participent à la vie communautaire, sont proches de la foule, et pourraient être considérés comme des hippies devenus artistes. Ils se droguent avec leur public, ils vivent en communauté, et aucun statut particulier ne leur est accordé. Cependant, cette idylle que vivent les musiciens de la baie, ne fonctionne qu’avec une notoriété locale. Or à l’été 1967, tout change. Le festival de Monterey amène un gros coup de projecteurs sur la scène musicale psychédélique de San Francisco, et marque une rupture dans l’attention médiatique qu’obtiennent les groupes de la baie. Ce dernier fait office de détonateur dans l’explosion des carrières de nombreux artistes de la baie. L’East Village Other, journal underground new-yorkais, consacre un article au festival, y décrivant les nombreuses performances.

            « Samedi fut le jour du son de San Francisco. Dans l’après-midi, plusieurs des groupes de S.F ont joué, incluant Country Joe, Canned Heat, The Quicksilver Messenger Service et la première apparence de Big Brother and the Holding Company ; Janis Joplin et le groupe ont chanté si bien qu’ils ont été rappelés une nouvelle fois cette nuit-là ;[27] »

            Cet article, provenant d’un périodique underground new-yorkais, appuie et retranscrit le gain nouveau de notoriété qui frappe la scène musicale psychédélique. Les groupes de San Francisco font résonner leur son unique, et c’est tout un pays qui est frappé par cette vague, du Haight-Ashbury jusqu’à Manhattan. La popularité des groupes change leur rapport au public, qui est dorénavant national. Cela amène la fin d’une popularité locale et de l’idylle hippie. Les formations quittent progressivement les villas victoriennes partagées du Haight-Ashbury, et c’est symboliquement qu’ils délaissent l’innocence du quartier hippie au profit de Los Angeles et ses stars. Dans le premier numéro du magazine Rolling Stones, on apprend que le Jefferson Airplane, mythique groupe de la scène psychédélique, enregistre un album dans la cité des anges à l’automne 1967.
            Quand ils ne sont pas dans les studios, ils restent dans un manoir rose fabuleux, qu’ils louent 5000$ le mois. […] C’est un petit paradis dans les collines au-dessus d’Hollywood. Peut-être que le bronzage et les guitares ne vont pas bien ensemble.[28]

            Ici, le changement de cadre est explicité par la radicalité de l’évolution. Le temps des ballrooms, et des dance-concerts est fini. Le temps du partage entre artistes et public n’est plus, et c’est une scène qui perd sa particularité et sa proximité avec la mouvance hippie.
            Les groupes de musique de la baie gagnent en popularité et leur célébrité dépasse le cadre de San Francisco. De l’argent entre en jeu, et le début de la fin s’enclenche pour la mouvance hippie. En effet, malgré la tenue du festival de Monterey où les artistes ne sont pas rémunérés, ce dernier représente le moment où les groupes de la baie cessent d’être des hippies. En se tournant vers la célébrité et en devenant des rock stars, ils abandonnent la foule, le public. Ils abandonnent les idéaux qui faisaient du Haight-Ashbury un havre de paix dans l’Amérique des années 1960. De nouveau, le premier numéro du magazine Rolling Stone dépeint assez bien ce sentiment de fin de cycle qui frappe le mouvement à la fin de l’été 1967. Le magazine titre :
            « Le coût cher de la musique et de l’amour : où est l’argent de Monterey[29] ? »
            Dans une enquête sur le financement du festival, le magazine écrit chaque ligne en enterrant, sans en avoir l’intention, un peu plus le mouvement. Car en faisant de l’argent le sujet principal, on observe ici un détachement des idéaux hippies, qui pousse les membres originels à organiser un enterrement, symbolique, où le défunt se trouve être le terme hippie lui-même.
            « Hippies : une mort lors d’une après-midi ensoleillée[30]. »
            Ce titre fait suite à un évènement, le Death of the Hip. Lassé par la popularité du mouvement, l’utilisation à tort et à travers du terme hippie et de la commercialisation qui s’empare du quartier, de nombreux membres de la communauté organisent un enterrement pour les hippies. Le Berkeley Barb titre : « Mort du Hip : Naissance des hommes libres. »

Fig. 5. Une du Berkeley Barb, publié à l’automne 1967.[31]

            Cet évènement révélateur d’un mouvement qui se sent s’essouffler, non pas dans le nombre mais dans les idées, met en avant la sensation d’une perte idéologique par les hippies présents au Haight-Ashbury avant le Summer of Love. L’évènement est organisé sous l’impulsion de personnes provenant de différentes institutions mythiques du quartier, comme la Free Medical Clinic, le Free Store ou l’Oracle.
            « Il y avait un consensus que l’image dépeinte par les médias attirait plein de jeunes non satisfaits vers le Haight – des gens qui, dans la plupart des cas, n’ont pas fait l’engagement personnel de lâcher prise (drop out)[32]. »
            On observe à travers ces mots qu’il s’agit ici d’un réel sentiment d’abandon des valeurs fondatrices du mouvement de la part de ses membres originels. Cela pousse la communauté du Haight-Ashbury à agir, face à une sensation de perte d’identité.

Fig. 6. San Francisco durant le « Death of the Hip », où un cercueil se balade sur Haight Street le 6 octobre 1967. Photographie par Gene Anthony.[33]

            L’enterrement a lieu en plein Haight-Ashbury, comme pour symboliser une perte idéologique provenant de l’intérieur du mouvement. En effet, de par ses idéaux et sa construction solidaire, la mouvance hippie telle qu’elle a émergé de San Francisco a pour but l’élévation collective, mais sans une recherche de l’expansion par le plus grand nombre.[34] Cette idée est, dès 1966, explicité par Timothy Leary, gourou du LSD et du spiritualisme hippie dans les pages de l’Oracle :

            « Nous ne venons pas à San Francisco pour chercher à convertir. La nôtre n’est pas une religion de masse vendue par correspondance. De nouveau, en étant très orthodoxes, nous avons réalisé que le groupe religieux ne doit jamais dépasser le nombre de personnes se connaissant, vénérant ensemble, et vivant ensemble.[35] »

            Ici, Leary appuie sur ce qui fait naître de nombreuses communes hippies à travers les États-Unis. L’idée défendue est celle selon laquelle la plénitude advient uniquement par la vie en communauté, faible numériquement, mais proche spirituellement. En s’appuyant sur l’aspect religieux de la communauté, il y décrit l’entièreté de cette dernière. Ce n’est pas la conversion de masse qui est cherchée, mais l’épanouissement de l’individu, qui à la fin aboutira à l’épanouissement du plus grand nombre. Or de nombreux jeunes, lassés par la société américaine se sont mis à chercher un sens en se rendant à San Francisco, quand la mouvance, elle, encourage à la recherche du bonheur en petit comité.

            Nous observons donc ici une des premières limites à l’idéologie hippie qui marque la mouvance. Avant le Summer of Love, San Francisco observe un bouleversement générationnel qui n’est cependant que local. La sortie du cadre californien des idéaux prônés par les habitants du Haight-Ashbury, n’obtient pas l’effet escompté. Au lieu de s’exporter, le style de vie hippie importe de nombreux jeunes à San Francisco. Le quartier n’étant pas prêt pour cette submersion, c’est la mouvance elle-même qui, de par son caractère privilégiant le petit nombre, ne survit pas à la vague de jeunes rejoignant le Haight-Ashbury à l’été 1967.
            La perte du sens idéologique provient donc de l’incompatibilité de la mouvance avec la masse, qui amène avec elle l’abandon de sa branche culturelle. En effet, les groupes de la baie, en acceptant la célébrité, et l’argent qui l’accompagne, arrêtent de s’ériger en poètes et troubadours hippies, pour devenir des rock stars. Le public les appréciant devient plus nombreux, et une célébrité locale se transforme en une reconnaissance nationale.
            En reniant, probablement involontairement, les valeurs faisant de San Francisco un lieu unique, les groupes balaient l’idée de communauté qui les liait avec l’idéal hippie. Cette rupture entre culture et mouvance accentue la nécessité d’un enterrement symbolique pour les membres originels du Haight-Ashbury, car si tout le monde se définit comme hip, alors plus personne ne l’est. La volonté d’une vie en marge de la société est incompatible avec un développement rapide, et surtout interne à la société américaine, dont la mouvance souhaite se séparer. En ne réussissant pas sa mise en marge vis-à-vis de la société, et en attirant une foule importante dans sa ville, le mouvement échoue. Sans renier le sentiment d’appartenance à la cause des jeunes se ruant vers le Haight-Ashbury, c’est le mouvement lui-même qui voit ses valeurs se diluer, en ne pouvant plus fonctionner de la manière dont il le souhaite. Les distributions de nourriture gratuites sont plus difficilement réalisables lorsque la ville est peuplée de 75 000 jeunes hippies en recherche d’une expérience de solidarité. La proximité des membres du Haight-Ashbury ne peut persister quand une telle vague humaine frappe le quartier hippie. Les valeurs ne meurent pas, mais deviennent inapplicables à San Francisco et au Haight-Ashbury.
            Ce ne sont donc pas les idéaux hippies qui se font enterrer, mais le terme qui, lui, a perdu son sens à San Francisco. Avec la « naissance des Free Men », le but est d’encourager la continuité des valeurs. Mais le Haight-Ashbury n’étant plus le lieu adéquat, de nombreuses personnes quittent le quartier pour s’installer dans des communes (terme que nous traduisons des travaux de Timothy Miller[36]) à la campagne, suivant des principes de vies plus ou moins proches de la communauté qui avait fleuri à San Francisco.[37] C’est donc un second exode qui pousse de nombreux hippies hors du Haight-Ashbury. Malgré une mouvance ne disparaissant pas brutalement après l’enterrement d’octobre 1967, notamment grâce à une presse underground propageant ses idées jusqu’à la fin des Sixties, nous pouvons cependant nous interroger sur l’identité hippie post-1967.
            Même si le mouvement n’est pas mort subitement après le Death of the Hip, l’évènement reste annonciateur d’une fin correctement prédite. En effet, après avoir atteint le paroxysme de sa popularité à Woodstock en 1969, le mouvement dépérit et l’on se rend compte du caractère prémonitoire de cet enterrement. Le chant du cygne que fut le festival marque l’apothéose populaire de la mouvance contre-culturelle. Après ce dernier, le mouvement perd ses idoles. Hendrix, Joplin ou encore Morrison qui, après avoir cédé aux appels de la célébrité, rejoignent le tristement célèbre « club des 27 »[38] et emportent d’une certaine manière une part de la mouvance avec eux. D’autres artistes continuent d’alimenter la flamme psychédélique, mais ces disparitions n’aident pas un mouvement qui s’essouffle fortement.
            Au mois de décembre 1969, Altamont, le festival des Rolling Stones où des tensions entre une foule droguée difficilement contrôlable et des Hells Angels alcoolisés amènent un de ces derniers à commettre un meurtre, est un exemple fort de cette fin de cycle.
            En effet, si la jeunesse américaine et la New Left ne tournent pas immédiatement le dos aux idéaux de libérations spirituelles ou sexuelles que prône la mouvance du Haight-Ashbury, nous sommes en droit de nous demander si, après 1967, les évènements contre culturels relèvent encore du caractère hippie, selon le sens qui était le sien avant le Summer of Love

[1] Amelia Davis, Jim Marshall : Show me the picture, Chronicle Books, San Francisco 2019, p. 152.

[2] Palace of Fine Arts est un monument historique de San Francisco, en français littéralement le Palais des Beaux-Arts.

[3] Gene Sculatti, Davin Seay, San Francisco Nights : The Psychedelic Music Trip 1965-1968, St. Martin’s Press, New York, 1985, p. 39.

[4] Nathanael Meener, The role of psychoactive drugs in the conception, performance, and appreciation of Sixties psychedelic music in Califonia and the Southwest., Boston University, 2015, p. 86.

[5] John McMillian, « You Didn’t Have to Be There », in John McMillian, Paul Buhle (dir), The New Left Revisited, Temple University Press, Philadelphie, 2003, p. 5.

[6] John McMillian, Smoking Typewriters, Oxford Univerity Press, Oxford, 2011, p. 189.

[7] Hip : branché, à la mode.

[8] Charles Perry (1984), Gene Anthony (1995), Barry Miles (1997), Barney Hoskyns (1997).

[9] Maxime Dulau, La mouvance hippie à travers la culture et la presse underground des Sixties en Californie entre 1964 et 1968. Université Bordeaux Montaigne, 2023, p. 49.

[10] Todd Gitlin, The Sixties, Years of Hope, Days of Rage, Bantam Books, New York, 1987, p. 204.
[11] Charles Perry, The Haight-Ashbury a history, Wenner Books, New York, 2005, p. 160.

[12] Andrew J. Diamond, Romain Huret, Caroline Rolland-Diamond, Révoltes et utopies : la contre-culture américaine des années 1960, Paris, Éditions Fahrenheit Books, 2012, p. 76.

[13] Berkeley Barb, Vol.4, N°1, Issue 73, 6 janvier 1967, p. 1.

[14] San Francisco Oracle, Vol.1, N°5, janvier 1967, p. 1.

[15] Charles Perry, The Haight-Ashbury a history, Wenner Books, New York, 2005, p. 80.

[16] Scott McKenzie, « San Francisco (be sure to wear flowers in your hair » The Voice of Scott Mckenzie, Ode 103, 1967.
« Si vous allez à San Francisco, soyez sûrs d’avoir des fleurs dans vos cheveux. »
[17] Gene Anthony, The summer of love : Haight-Ashbury at its highest, Last Gap, San Francisco, 1995, p. 44.

[18] Joan Didion, Slouching Towards Bethlehem, New York, Farrar Straus and Giroux, 1990, p. 119.

[19] Gene Anthony, The summer of love : Haight-Ashbury at its highest, op. cit., p. 44.

[20] Ibid, p. 44.

[21] Ibid, p. 45.

[22] Expression qui pourrait être traduite, non sans des modifications pour en conserver le sens, de la manière suivante : « Expérimente, connecte-toi aux autres, et lâche prise. ».

[23] Andrew J. Diamond, Romain Huret, Caroline Rolland-Diamond, Révoltes et utopies : la contre-culture américaine des années 1960, Paris, Éditions Fahrenheit Books, 2012, p. 77.
[24] Charles Perry, The Haight-Ashbury a history, Wenner Books, New York, 2005, p. 149.

[25] John McMillian, Smoking Typewriters, op. cit., p. 188.

[26] Eric Burdon & The Animals, « San Francisan Nights », Wind of Change, MGM, 1967.
« Économisez votre argent et prenez le premier vol vers l’amour de San Francisco, alors peut être vous comprendrez la chanson. Cela vaudra la peine, si ce n’est pas pour la chanson, ce le sera pour votre propre tranquillité d’esprit. »

[27] Sam Silver, « Monterey Pop Festival », East Village Other, Vol.2, Issue 16, 15-30 juillet 1967, p. 6.

[28] Auteur inconnu, « Airpline high, but no new LP release », Rolling Stone, Vol.1, N°1, 9 novembre 1967, p. 1.

[29] Michael Lyndon, « The high cost of music and love : where’s the money from Monterey ? », Rolling Stone, Vol.1, N°1, 9 novembre 1967, p. 1.

[30] Ralph Gleason, « Hippies : Death on a sunny afternoon », Rolling Stone, Vol.1, N°1, 9 novembre 1967, p. 11.

[31] Berkeley Barb, Vol 5, N°110, 29 septembre – 5 octobre 1967, p. 1.

[32] Auteur inconnu, « Death of the Hip, Birth of the Free », Berkeley Barb, Vol.5, N°110, 29 septembre – 5 octobre 1967, p. 3.

[33] Gene Anthony, The summer of love : Haight-Ashbury at its highest, op. cit., p. 44.

[34] Maxime Dulau, La mouvance hippie à travers la culture et la presse underground des Sixties en Californie entre 1964 et 1968. Université Bordeaux Montaigne, 2023, p. 107.

[35] Timothy Leary, « Timothy Leary’s Press Conference », San Francisco Oracle, Vol 1, N°4, 16 décembre 1966, p. 2.

[36] Timothy Miller, The 60’s communes, Hippies and Beyond, Syracuse Press, New York, 1999.

[37] Ibid, p. 67.

[38] Il s’agit du surnom donné à un ensemble de célébrités musicales du rock et du blues étant mortes à 27 ans.

Fig. 1. Un groupe de jeunes dansant, au rythme d’instruments acoustiques lors du Human Be-in, sous les regards d’une assistance hétérogène. Photographie de Jim Marshall, 14 janvier 1967.[1]

            Bordée par la baie éponyme et l’océan Pacifique, San Francisco est une ville à part. Une ville à plusieurs faces, une ville de marins, une ville pittoresque, mais aussi une ville hédoniste, où la vie de bohème est la bienvenue, une ville festive et civilisée, vieille et encline à la révolution, ville de débauche et de fine arts[2].
            Cette multitude de facettes rend San Francisco propice aux mouvements artistiques. En effet, la ville, permissive par son éloignement de Washington D.C, a toujours renvoyé une certaine idée de la liberté. En effet, prisée par le Hollywood des Roaring Twenties y mélangeant fêtes outrageuses et scandales, San Francisco est depuis longtemps tiraillée entre son authenticité pittoresque et son hédonisme.
            Le quartier de North Beach est, durant la deuxième moitié des années 1950 et le début des années 1960, le quartier où la génération Beat s’installe. Mouvement littéraire rejetant le consumérisme économique, ce dernier, à travers différentes œuvres comme Howl de Allen Ginsberg ou Naked Lunch de William S. Burroughs, met en avant un hédonisme bohémien et célèbre le non-conformisme.
            Avec San Francisco comme destination finale de son roman Sur La Route, Jack Kerouac, autre figure du mouvement, fait de la ville le repère Beat. Ce nom, provenant du cercle d’ami de l’auteur, fait écho au courant artistique et politique qui se dessine autour de ce groupe. Puis le terme beatnik devient peu à peu utilisé pour décrire les personnes, majoritairement jeunes, ayant un attrait pour les codes et les pratiques de cette génération.
            Ensuite, au début des Sixties, San Francisco évolue, et sa jeunesse aussi. La population change, délaissant les tenues noires des beatniks pour s’habiller plus en couleur. Finie la morosité, la mode est désormais aux motifs colorés et aux habits de seconde main. Les jeunes, souvent issues d’universités avoisinantes, ne s’installent plus à North Beach, lui préférant le quartier du Haight-Ashbury et ses villas victoriennes, délaissées après la crise de 1929 et dont les loyers sont très accessibles. La musique se transforme aussi, le jazz beat est abandonné, et de nouveaux groupes mélangent folk, rock, expérimentations électriques et psychotropes. Alors que les Charlatans lancent véritablement un nouveau mouvement musical en s’exilant à Virginia City au Nevada, pour y passer un été 1965 mêlant rock, drogues et armes à feu, d’autres groupes émergent à San Francisco, et c’est une nouvelle scène musicale qui naît.[3] Celle-ci embrasse les idéaux de cette génération qui s’éveille et s’approprie San Francisco. Une jeunesse aux codes novateurs émerge dans le quartier du Haight-Ashbury. Drogues psychotropes, musiques psychédéliques, et sentiments de rejet de la société américaine deviennent des facteurs d’appartenance au Haight-Ashbury.[4] Une jeunesse hippie voit le jour, s’inscrivant dans une décennie marquée par les contestations juvéniles.
            La variété de cette jeunesse contestataire s’explique notamment car, hormis le quartier du Haight-Ashbury qui observe la mouvance hippie prendre forme, de l’autre côté de la baie, Berkeley voit, depuis l’automne 1964, sa jeunesse universitaire contester l’autorité académique. Via le Free Speech Movement, une génération d’étudiants politisés en faveur de la liberté d’expression émerge et s’intègre facilement dans les Sixties américaines, théâtre d’un élan contestataire qui voit grand nombre de mouvements critiquer les institutions étatiques.
            En effet, ces mouvements de contestations étudiants visent, à travers leurs actions, la hiérarchie académique et de fait l’État qui, en gérant ces universités et en condamnant ou réprimant les protestations, se dresse comme opposant à ces jeunes contestataires.
            De plus, cette critique du gouvernement est partagée par les mouvements pour les droits civiques des Afro-américains, et leurs combats contre un racisme institutionnel. Il ne s’agit pas ici d’une simple revendication contre un racisme isolé mais bel est bien une révolte contre un racisme instrumentalisé par l’État. C’est donc ce dernier en tant qu’institution qui est attaqué de ce point de vue.
            D’une manière similaire, lorsque les hippies souhaitent se détacher de la société, c’est encore le gouvernement, l’Establishment, qui est propulsé en ennemi, en corps sociétal malade dont le mouvement hippie veut se séparer spirituellement et par conséquent politiquement aussi. 

            Or dans cette décennie de remises en question des outils institutionnels, la presse ne fait pas office d’exception. En effet, dans ces milieux jeunes et contestataires, de nouveaux journaux apparaissent. Nommés underground, ils retranscrivent les préoccupations d’une jeunesse politisée et avide de libertés. Que ces dernières soient d’expressions, sexuelles, politiques ou d’auto-déterminations, elles façonnent un mouvement et une génération.
            La presse underground se développe dans la deuxième moitié des années 1960, et se diversifie en différents courants, s’approchant tous plus ou moins de la mouvance générale de la New Left. John McMillian, historien spécialiste des Sixties et de leurs radicalités, la décrit comme étant un « mouvement peu organisé, majoritairement composé d’étudiants blancs, mettant en avant la démocratie participative, qui s’est battu pour les droits civiques et diverses réformes universitaires, et qui a protesté contre la guerre du Vietnam.[5] »
            Cette nouvelle gauche américaine porte en elle une multitude de mouvements, que ces derniers soient politiques, spirituels ou culturels, ils retranscrivent la pluralité contestataire des Sixties. Pour répondre aux besoins de cette génération représentée par une pléthore de différents courants, la presse underground embrasse l’hétérogénéité idéologique d’une jeunesse qui, via ses périodiques, exprime ses opinions. Toujours pour McMillian, « les journaux radicaux sont devenus le moyen par lequel les jeunes ont transmis leurs arguments, leurs idées sans filtre et ont popularisé leur rébellion[6]. »
            Ici, à travers ces mots, il explicite l’importance de la presse underground dans l’ébullition contestataire des Sixties. De la révolte estudiantine de Berkeley, aux hippies de San Francisco, en passant par les bohémiens du East Village à New York, de nombreux quartiers hip[7] voient fleurir en leurs seins des périodiques radicaux. En 1965 naissent donc le Berkeley Barb et l’East Village Other, et en 1966 le San Francisco Oracle. Ces derniers sont loin d’être les seuls journaux underground à voir le jour à cette période, mais ils explicitent la pluralité de la vague contestataire que sont en train de subir les États-Unis.
            Cette contre-culture, ici propre aux Sixties, provient de mouvements politiques, sociaux ou artistiques, s’opposant à l’aide d’une culture nouvelle et contestatrice, aux normes sociétales dominantes.
            Or cette submersion contre culturelle n’est, en décembre 1966, qu’à ses prémices. En effet à cette période, hippies du Haight-Ashbury et politicos (membres des effervescences politiques étudiantes) de Berkeley préparent un évènement censé rassembler le tout San Francisco contestataire. À travers ce Human Be-in, c’est un phénomène bien plus large qui est enclenché. Le 14 janvier débute, selon de nombreux historiens[8], le Summer of Love. Cet été 1967, long de presque sept mois, est bien plus qu’un simple amour estival entre différentes branches d’une génération qui embrase les Sixties américaines. Il dépasse le cadre californien d’un mouvement qui possédait jusque-là une réputation locale. De fait, notre article s’intéresse aux bouleversements subis par la mouvance hippie durant l’année 1967, et nous répondons à l’interrogation suivante :
            Dans quelles mesures le Summer of Love, en tant que symbole de la contre-culture, a-t-il contribué à la formation d’une identité générationnelle tout en semant les graines de sa propre dissolution ?
C’est à travers cet axe d’une évolution à contre-courant que nous étudierons, dans un premier temps, les tenants et les aboutissants du Human Be-in, de sa préparation à sa tenue. Ensuite, dans un deuxième temps, nous nous pencherons sur San Francisco, et les conséquences d’un tel évènement sur la popularité et l’image de la ville. Enfin, dans un

Human Be-in, la rencontre entre hippies et politicos via la presse underground.

            Le Human Be-in, cet évènement ayant lieu au Golden Gate Park de San Francisco en janvier 1967, mêlant musiques, poésies, discussions politiques et spirituelles, est organisé par les deux principaux périodiques undergrounds de la baie de San Francisco que sont le Berkeley Barb et le San Francisco Oracle. L’évènement marque un rapprochement entre deux communautés. D’un côté les hippies du Haight-Ashbury, marqués par la culture naissante mêlant musiques, arts visuels, et usage de drogues psychotropes, et de l’autre les politicos de Berkeley, dont la révolte étudiante du Free Speech Movement de 1964 éveilla les consciences politiques. Bien qu’ayant leurs différences, les deux mouvances sont proches, que cela soit idéologiquement ou géographiquement (une vingtaine de kilomètres séparent Berkeley de Haight et Ashbury Streets). Lorsque le quartier hippie se développe, de nombreux étudiants s’y installent. Qu’ils viennent de l’université de San Francisco State ou de Berkeley, leur participation à la mouvance hippie est à prendre en compte.

Fig. 2. Croisement des rues Haight et Ashbury le 22 novembre 2022, photographié par Maxime Dulau[9].

            Auparavant, certains historiens ont fait une distinction claire entre hippies et politicos. Ceux-ci, souvent d’anciens membres des effervescences contestataires des Sixties, ont avancé l’idée d’une séparation entre activistes politiques et membres de la contreculture psychédélique. Cette démarcation provient de travaux menés principalement dans les années 1980, que cela soit par d’anciens de la New Left comme Todd Gitlin[10], ou par de vieux hippies comme Charles Perry[11]. D’un côté comme de l’autre, la méfiance et l’aversion poussent à définir hippies et politicos comme deux courants bien distincts. La principale distinction entre les deux groupes se pose souvent sur l’attitude qu’ils adoptent vis-à-vis de leur sentiment de rejet de la société américaine. Quand les hippies souhaitent vivre en dehors de cette dernière, en sortir complètement en la laissant derrière, les politicos veulent, quant à eux, la révolutionner et emmener chaque individu dans leur bouleversement sociétal. Les définitions les différenciant portent en elles une forme de vérité, mais elles ne sont que partielles. En effet, la baie de San Francisco, en abritant deux mouvements si proches idéologiquement, ne peut éviter la contagion des idées de l’un sur celles de l’autre. Les étudiants politisés de Berkeley fréquentent les concerts psychédéliques du Haight-Ashbury, et les hippies ayant quittés les bancs des facultés, les drop out, ont par définition été influencés par les idées révolutionnaires prônées par le Free Speech Movement de Berkeley. L’idée de deux générations, distinctes et séparées à San Francisco, ne fait que trop peu de sens. De plus, la réussite du Human Be-in (20 à 30 000 personnes y prenant part[12]) n’en est qu’une preuve supplémentaire. La population se rendant à l’évènement n’y va pas pour représenter telle ou telle mouvance, mais pour affirmer une unité générationnelle.
            Lorsque les deux périodiques undergrounds organisateurs de l’évènement font la promotion de l’évènement qu’ils nomment parfois Gathering of Tribes, cela se fait selon la manière et le style de chacun. Le San Francisco Oracle utilise sa une pour y afficher un des posters officiels de l’évènement. De son côté, le Berkeley Barb choisit un collage photo résumant assez bien l’idée de réunion des deux communautés. Avec des photographies de militants politiques de Berkeley, comme le désormais célèbre Mario Savio, ou bien des dessins représentant Allen Ginsberg, fameux poète Beatnik et gourou hippie, en buddha avec de multiple bras, le Barb et sa une illustrent l’hétérogénéité idéologique de l’évènement.

Fig. 3. À gauche, la une du Berkeley Barb[13] du 6 janvier 1967, et à droite, celle du San Francisco Oracle[14] du même mois.

            En observant la une du périodique du Haight-Ashbury, réalisée par l’artiste psychédélique Stanley Mouse, c’est l’imagerie hippie qui nous saute aux yeux. Cependant, ce qui interpelle, c’est l’innovation qu’offre la une du Barb. Moins colorée que celle de l’Oracle, et bien que conservant certains aspects classiques de la une de presse, cette dernière se rapproche d’un modèle plus psychédélique. Le titre ne respecte pas le titrage traditionnel du Barb, et le collage scinde les articles en deux, tout en empiétant sur l’entête. Cela marque ici une volonté affichée de réunir deux identités : celle rédactionnelle d’un journal underground, en y conservant des articles politiques en une, mais aussi une identité visuelle, qui elle, se rapproche plus de la mouvance hippie. Ce mélange identitaire représente parfaitement ce qu’est le Human Be-in et la une du Barb prouve la volonté de rapprochement que porte en elle la communauté politisée de Berkeley.
            Le rapprochement est donc organisé par les périodiques undergrounds et ce sont entre 20 000 et 30 000 personnes qui assistent à l’évènement en ce 14 janvier 1967. Compte tenu du caractère principalement local des mouvements hippies ou radicaux qui organisent ce Be-In, cela représente un chiffre assez conséquent.
            Charles Perry écrit : « Comme le Be-in l’avait annoncé de par son nom, l’évènement s’est défini par la présence de tous ces gens[15]. »
            À travers ces mots, il souhaite mettre en avant la nature unificatrice de l’évènement et le fait que la foule présente participe à la définition du Human Be-in, à en faire un réel point marquant pour cette génération. Sans les personnes y prenant part, l’évènement aurait pu rassembler toutes les figures emblématiques des deux mouvances qu’elle n’aurait pas eu un semblant d’importance.
            Car ici, l’évènement marque un tournant pour le mouvement qui à travers cette démonstration attire l’attention médiatique. La foule présente au Golden Gate Park ce 14 janvier colporte ensuite l’ambiance si particulière de San Francisco et du Haight-Ashbury, et c’est toute une génération qui voit en San Francisco la réponse à tous ses maux.
            En effet, de nombreux jeunes américains, par défiance pour le système sociétal de leurs aînés, se tournent vers le Haight-Ashbury pour y trouver un eldorado.

« If you’re going to San Francisco,
Be sure to wear some flowers in your hair [16] »

            « Chers gens de l’Oracle. Ceci est un appel à l’aide[17]. »
            Avec ces mots s’ouvre la lettre d’une jeune New-Yorkaise à l’adresse du San Francisco Oracle. Cette prose épistolaire retransmet la détresse ressentie par une jeune femme qui ne se sent pas à sa place dans la Grosse Pomme. Ce mal-être est caractéristique de cette génération qui ne porte aucun intérêt aux modes de fonctionnement de la société américaine dont elle hérite.[18] Cette jeune fille, à travers sa lettre, ne décrit pas seulement son malheur, mais aussi celui de milliers de jeunes qui après avoir entendu parler du Haight-Ashbury et de sa communauté, ne rêvent plus que d’y vivre.
            Ce que cherche cette jeune femme, c’est simplement d’être à sa place, dans un quartier qui lui ressemble pour qu’elle puisse se sentir elle-même loin de Manhattan. Elle met cela à l’écrit en affirmant que « New York City est un endroit horrible. On ne peut pas imaginer à quel point le Lower East Side porte atteinte à la dignité humaine et à la liberté.[19]»
            Via cette lettre à l’Oracle, elle leur demande de l’aide. Ayant déjà lu le mensuel du Haight-Ashbury, elle l’identifie comme un repère, une bouée de sauvetage dans son océan de malheur. Le dernier paragraphe de sa lettre traduit le besoin réel d’assistance que ressent cette jeune femme.

            Si quelqu’un a lu jusqu’ici – s’il vous plaît est ce que quelqu’un pourrait, voudrait, prendre le temps de m’écrire et de me dire les bonnes choses pour que je ne sois pas effrayée de venir à San Francisco. S’il vous plaît… quelque chose de concret – un nom, une adresse – quelque chose à rallier. J’ai besoin de direction et je pense que j’aurais même beaucoup à offrir si quelqu’un voulait bien m’aider… ou même mieux, avait besoin de mon aide. Merci.[20]

            Ici, elle transmet son souhait de partir, de traverser le pays pour débarquer à San Francisco. Mais un tel voyage l’effraie et cette lettre, qui porte en elle tout son mal-être, se conclu par une demande d’aide pour pouvoir venir au Haight-Ashbury avec un minimum de repères, de certitudes. Cette vision de San Francisco comme d’un lieu où la morosité n’existe pas et où chaque jeune peut trouver le bonheur est très diffuse dans l’imaginaire de la jeunesse des Sixties. Cela marque l’importance des évènements comme le Human Be-in, qui de par leur réussite, deviennent des vitrines d’un San Francisco parfait et idéalisé.

Fig. 4. Photo d’une jeune fille à San Francisco par Gene Anthony, en 1966.[21]

            À l’image de cette adolescente photographiée à San Francisco dont on ignore le nom, de nombreux jeunes se définissent d’abord par leur appartenance à la mouvance hippie, et rejoignent le Haight-Ashbury et San Francisco à la suite du Human Be-in. Le quartier était, à ses prémices, constitué de jeunes indépendants et majeurs. Mais avec la popularité qu’obtient le mouvement, sa notoriété nationale attire une jeunesse adolescente qui s’empare de la mouvance et qui ne se sent plus à l’aise dans la société américaine.
            Ils sont nombreux à voir en San Francisco un idéal sociétal, construit selon leurs souhaits mais surtout par leurs pairs. Le Human Be-in et les expérimentations psychédéliques ou musicales font de la baie une destination idéalisée par de nombreux adolescents. Ces derniers, en s’imaginant une vie plus libre, créent une attente et construisent pour San Francisco une réputation d’eldorado. En bâtissant cela pour la ville, ils idéalisent quelque chose qu’ils n’ont alors pas vu de leurs propres yeux. Cela amène une fuite vers la Californie du nord et la baie à l’été 1967.
            La ville est érigée en paradis par cette jeunesse. Bien que partageant avec de nombreux hippies la même exaspération vis-à-vis de la société de leurs aînés, nous pouvons cependant nous interroger sur l’appartenance de ces jeunes à la mouvance telle qu’elle se définit avant le Summer of Love. Sans même mettre en avant l’aspect idéologique du mouvement, basé sur un abandon total des carcans sociétaux à travers la fameuse maxime « Turn on, Tune in, Drop out[22] » de Timothy Leary, la question quantitative de la mouvance est à prendre en compte. Avec une entraide locale et une volonté de vivre en dehors des normes sociétales, l’idéal de vie hippie n’est à la base pas fait pour un grand nombre.[23] Or, durant l’été 1967, c’est un raz-de-marée humain qui s’abat sur le Haight-Ashbury, avec environ 75 000 jeunes le visitant et y vivant lors de ce Summer of Love.[24]
            De plus, cet idéal est mis en avant grâce à des outils de communications qui sont propres à la mouvance contre culturelle. Cela se fait via la presse underground qui a pour but « d’amener les nouvelles des rébellions de la jeunesse jusqu’aux villes et campus américains, et d’aider à créer un mouvement de masse[25]. »
            Par ailleurs, le succès musical de San Francisco et de sa scène psychédélique, partageant le goût de la mouvance pour les drogues, le sexe et évidemment le rock’n’roll, amène une culture hippie à se développer et toucher, musicalement, de nombreuses personnes. La ville sur la baie devient l’épicentre d’un tremblement de terre culturel. En plus de l’écho du Human Be-in, de nombreux artistes, originaires ou non de San Francisco, érigent la ville en lieu de pèlerinage. Eric Burdon et son groupe britannique The Animals, expriment cela en chanson :

            « Save all your bread and fly Translove Airways to San Francisco, USA, then maybe you’ll understand the song. It’ll be worth it, if not for the sake of the song, but for the sake of your own peace of mind.[26] »

            Avec leur titre San Franciscan Nights, le quatuor de Newcastle pousse encore l’idéalisation de la ville et l’impact positif que peut avoir celle-ci sur la jeunesse. Cette chanson, sans être l’unique raison de l’exode vers la baie, participe à la création d’une imagerie collective et joue son rôle dans l’avènement du Haight-Ashbury en lieu de tous les possibles, en phare à rejoindre pour une génération perdue dans l’océan sociétal américain.

Une popularité accrue via la mouvance musicale psychédélique et une noyade idéologique amenant à l’enterrement du terme hippie.

            Hormis les paroles de chanson, les groupes issus de la baie jouent un rôle prépondérant dans le succès de San Francisco. Ces derniers, de par leurs succès participent à la reconnaissance de la ville. Dans le Haight-Ashbury, ils participent à la vie communautaire, sont proches de la foule, et pourraient être considérés comme des hippies devenus artistes. Ils se droguent avec leur public, ils vivent en communauté, et aucun statut particulier ne leur est accordé. Cependant, cette idylle que vivent les musiciens de la baie, ne fonctionne qu’avec une notoriété locale. Or à l’été 1967, tout change. Le festival de Monterey amène un gros coup de projecteurs sur la scène musicale psychédélique de San Francisco, et marque une rupture dans l’attention médiatique qu’obtiennent les groupes de la baie. Ce dernier fait office de détonateur dans l’explosion des carrières de nombreux artistes de la baie. L’East Village Other, journal underground new-yorkais, consacre un article au festival, y décrivant les nombreuses performances.

            « Samedi fut le jour du son de San Francisco. Dans l’après-midi, plusieurs des groupes de S.F ont joué, incluant Country Joe, Canned Heat, The Quicksilver Messenger Service et la première apparence de Big Brother and the Holding Company ; Janis Joplin et le groupe ont chanté si bien qu’ils ont été rappelés une nouvelle fois cette nuit-là ;[27] »

            Cet article, provenant d’un périodique underground new-yorkais, appuie et retranscrit le gain nouveau de notoriété qui frappe la scène musicale psychédélique. Les groupes de San Francisco font résonner leur son unique, et c’est tout un pays qui est frappé par cette vague, du Haight-Ashbury jusqu’à Manhattan. La popularité des groupes change leur rapport au public, qui est dorénavant national. Cela amène la fin d’une popularité locale et de l’idylle hippie. Les formations quittent progressivement les villas victoriennes partagées du Haight-Ashbury, et c’est symboliquement qu’ils délaissent l’innocence du quartier hippie au profit de Los Angeles et ses stars. Dans le premier numéro du magazine Rolling Stones, on apprend que le Jefferson Airplane, mythique groupe de la scène psychédélique, enregistre un album dans la cité des anges à l’automne 1967.
            Quand ils ne sont pas dans les studios, ils restent dans un manoir rose fabuleux, qu’ils louent 5000$ le mois. […] C’est un petit paradis dans les collines au-dessus d’Hollywood. Peut-être que le bronzage et les guitares ne vont pas bien ensemble.[28]

            Ici, le changement de cadre est explicité par la radicalité de l’évolution. Le temps des ballrooms, et des dance-concerts est fini. Le temps du partage entre artistes et public n’est plus, et c’est une scène qui perd sa particularité et sa proximité avec la mouvance hippie.
            Les groupes de musique de la baie gagnent en popularité et leur célébrité dépasse le cadre de San Francisco. De l’argent entre en jeu, et le début de la fin s’enclenche pour la mouvance hippie. En effet, malgré la tenue du festival de Monterey où les artistes ne sont pas rémunérés, ce dernier représente le moment où les groupes de la baie cessent d’être des hippies. En se tournant vers la célébrité et en devenant des rock stars, ils abandonnent la foule, le public. Ils abandonnent les idéaux qui faisaient du Haight-Ashbury un havre de paix dans l’Amérique des années 1960. De nouveau, le premier numéro du magazine Rolling Stone dépeint assez bien ce sentiment de fin de cycle qui frappe le mouvement à la fin de l’été 1967. Le magazine titre :
            « Le coût cher de la musique et de l’amour : où est l’argent de Monterey[29] ? »
            Dans une enquête sur le financement du festival, le magazine écrit chaque ligne en enterrant, sans en avoir l’intention, un peu plus le mouvement. Car en faisant de l’argent le sujet principal, on observe ici un détachement des idéaux hippies, qui pousse les membres originels à organiser un enterrement, symbolique, où le défunt se trouve être le terme hippie lui-même.
            « Hippies : une mort lors d’une après-midi ensoleillée[30]. »
            Ce titre fait suite à un évènement, le Death of the Hip. Lassé par la popularité du mouvement, l’utilisation à tort et à travers du terme hippie et de la commercialisation qui s’empare du quartier, de nombreux membres de la communauté organisent un enterrement pour les hippies. Le Berkeley Barb titre : « Mort du Hip : Naissance des hommes libres. »

Fig. 5. Une du Berkeley Barb, publié à l’automne 1967.[31]

            Cet évènement révélateur d’un mouvement qui se sent s’essouffler, non pas dans le nombre mais dans les idées, met en avant la sensation d’une perte idéologique par les hippies présents au Haight-Ashbury avant le Summer of Love. L’évènement est organisé sous l’impulsion de personnes provenant de différentes institutions mythiques du quartier, comme la Free Medical Clinic, le Free Store ou l’Oracle.
            « Il y avait un consensus que l’image dépeinte par les médias attirait plein de jeunes non satisfaits vers le Haight – des gens qui, dans la plupart des cas, n’ont pas fait l’engagement personnel de lâcher prise (drop out)[32]. »
            On observe à travers ces mots qu’il s’agit ici d’un réel sentiment d’abandon des valeurs fondatrices du mouvement de la part de ses membres originels. Cela pousse la communauté du Haight-Ashbury à agir, face à une sensation de perte d’identité.

Fig. 6. San Francisco durant le « Death of the Hip », où un cercueil se balade sur Haight Street le 6 octobre 1967. Photographie par Gene Anthony.[33]

            L’enterrement a lieu en plein Haight-Ashbury, comme pour symboliser une perte idéologique provenant de l’intérieur du mouvement. En effet, de par ses idéaux et sa construction solidaire, la mouvance hippie telle qu’elle a émergé de San Francisco a pour but l’élévation collective, mais sans une recherche de l’expansion par le plus grand nombre.[34] Cette idée est, dès 1966, explicité par Timothy Leary, gourou du LSD et du spiritualisme hippie dans les pages de l’Oracle :

            « Nous ne venons pas à San Francisco pour chercher à convertir. La nôtre n’est pas une religion de masse vendue par correspondance. De nouveau, en étant très orthodoxes, nous avons réalisé que le groupe religieux ne doit jamais dépasser le nombre de personnes se connaissant, vénérant ensemble, et vivant ensemble.[35] »

            Ici, Leary appuie sur ce qui fait naître de nombreuses communes hippies à travers les États-Unis. L’idée défendue est celle selon laquelle la plénitude advient uniquement par la vie en communauté, faible numériquement, mais proche spirituellement. En s’appuyant sur l’aspect religieux de la communauté, il y décrit l’entièreté de cette dernière. Ce n’est pas la conversion de masse qui est cherchée, mais l’épanouissement de l’individu, qui à la fin aboutira à l’épanouissement du plus grand nombre. Or de nombreux jeunes, lassés par la société américaine se sont mis à chercher un sens en se rendant à San Francisco, quand la mouvance, elle, encourage à la recherche du bonheur en petit comité.

            Nous observons donc ici une des premières limites à l’idéologie hippie qui marque la mouvance. Avant le Summer of Love, San Francisco observe un bouleversement générationnel qui n’est cependant que local. La sortie du cadre californien des idéaux prônés par les habitants du Haight-Ashbury, n’obtient pas l’effet escompté. Au lieu de s’exporter, le style de vie hippie importe de nombreux jeunes à San Francisco. Le quartier n’étant pas prêt pour cette submersion, c’est la mouvance elle-même qui, de par son caractère privilégiant le petit nombre, ne survit pas à la vague de jeunes rejoignant le Haight-Ashbury à l’été 1967.
            La perte du sens idéologique provient donc de l’incompatibilité de la mouvance avec la masse, qui amène avec elle l’abandon de sa branche culturelle. En effet, les groupes de la baie, en acceptant la célébrité, et l’argent qui l’accompagne, arrêtent de s’ériger en poètes et troubadours hippies, pour devenir des rock stars. Le public les appréciant devient plus nombreux, et une célébrité locale se transforme en une reconnaissance nationale.
            En reniant, probablement involontairement, les valeurs faisant de San Francisco un lieu unique, les groupes balaient l’idée de communauté qui les liait avec l’idéal hippie. Cette rupture entre culture et mouvance accentue la nécessité d’un enterrement symbolique pour les membres originels du Haight-Ashbury, car si tout le monde se définit comme hip, alors plus personne ne l’est. La volonté d’une vie en marge de la société est incompatible avec un développement rapide, et surtout interne à la société américaine, dont la mouvance souhaite se séparer. En ne réussissant pas sa mise en marge vis-à-vis de la société, et en attirant une foule importante dans sa ville, le mouvement échoue. Sans renier le sentiment d’appartenance à la cause des jeunes se ruant vers le Haight-Ashbury, c’est le mouvement lui-même qui voit ses valeurs se diluer, en ne pouvant plus fonctionner de la manière dont il le souhaite. Les distributions de nourriture gratuites sont plus difficilement réalisables lorsque la ville est peuplée de 75 000 jeunes hippies en recherche d’une expérience de solidarité. La proximité des membres du Haight-Ashbury ne peut persister quand une telle vague humaine frappe le quartier hippie. Les valeurs ne meurent pas, mais deviennent inapplicables à San Francisco et au Haight-Ashbury.
            Ce ne sont donc pas les idéaux hippies qui se font enterrer, mais le terme qui, lui, a perdu son sens à San Francisco. Avec la « naissance des Free Men », le but est d’encourager la continuité des valeurs. Mais le Haight-Ashbury n’étant plus le lieu adéquat, de nombreuses personnes quittent le quartier pour s’installer dans des communes (terme que nous traduisons des travaux de Timothy Miller[36]) à la campagne, suivant des principes de vies plus ou moins proches de la communauté qui avait fleuri à San Francisco.[37] C’est donc un second exode qui pousse de nombreux hippies hors du Haight-Ashbury. Malgré une mouvance ne disparaissant pas brutalement après l’enterrement d’octobre 1967, notamment grâce à une presse underground propageant ses idées jusqu’à la fin des Sixties, nous pouvons cependant nous interroger sur l’identité hippie post-1967.
            Même si le mouvement n’est pas mort subitement après le Death of the Hip, l’évènement reste annonciateur d’une fin correctement prédite. En effet, après avoir atteint le paroxysme de sa popularité à Woodstock en 1969, le mouvement dépérit et l’on se rend compte du caractère prémonitoire de cet enterrement. Le chant du cygne que fut le festival marque l’apothéose populaire de la mouvance contre-culturelle. Après ce dernier, le mouvement perd ses idoles. Hendrix, Joplin ou encore Morrison qui, après avoir cédé aux appels de la célébrité, rejoignent le tristement célèbre « club des 27 »[38] et emportent d’une certaine manière une part de la mouvance avec eux. D’autres artistes continuent d’alimenter la flamme psychédélique, mais ces disparitions n’aident pas un mouvement qui s’essouffle fortement.
            Au mois de décembre 1969, Altamont, le festival des Rolling Stones où des tensions entre une foule droguée difficilement contrôlable et des Hells Angels alcoolisés amènent un de ces derniers à commettre un meurtre, est un exemple fort de cette fin de cycle.
            En effet, si la jeunesse américaine et la New Left ne tournent pas immédiatement le dos aux idéaux de libérations spirituelles ou sexuelles que prône la mouvance du Haight-Ashbury, nous sommes en droit de nous demander si, après 1967, les évènements contre culturels relèvent encore du caractère hippie, selon le sens qui était le sien avant le Summer of Love

[1] Amelia Davis, Jim Marshall : Show me the picture, Chronicle Books, San Francisco 2019, p. 152.

[2] Palace of Fine Arts est un monument historique de San Francisco, en français littéralement le Palais des Beaux-Arts.

[3] Gene Sculatti, Davin Seay, San Francisco Nights : The Psychedelic Music Trip 1965-1968, St. Martin’s Press, New York, 1985, p. 39.

[4] Nathanael Meener, The role of psychoactive drugs in the conception, performance, and appreciation of Sixties psychedelic music in Califonia and the Southwest., Boston University, 2015, p. 86.

[5] John McMillian, « You Didn’t Have to Be There », in John McMillian, Paul Buhle (dir), The New Left Revisited, Temple University Press, Philadelphie, 2003, p. 5.

[6] John McMillian, Smoking Typewriters, Oxford Univerity Press, Oxford, 2011, p. 189.

[7] Hip : branché, à la mode.

[8] Charles Perry (1984), Gene Anthony (1995), Barry Miles (1997), Barney Hoskyns (1997).

[9] Maxime Dulau, La mouvance hippie à travers la culture et la presse underground des Sixties en Californie entre 1964 et 1968. Université Bordeaux Montaigne, 2023, p. 49.

[10] Todd Gitlin, The Sixties, Years of Hope, Days of Rage, Bantam Books, New York, 1987, p. 204.

[11] Charles Perry, The Haight-Ashbury a history, Wenner Books, New York, 2005, p. 160.

[12] Andrew J. Diamond, Romain Huret, Caroline Rolland-Diamond, Révoltes et utopies : la contre-culture américaine des années 1960, Paris, Éditions Fahrenheit Books, 2012, p. 76.

[13] Berkeley Barb, Vol.4, N°1, Issue 73, 6 janvier 1967, p. 1.

[14] San Francisco Oracle, Vol.1, N°5, janvier 1967, p. 1.

[15] Charles Perry, The Haight-Ashbury a history, Wenner Books, New York, 2005, p. 80.

[16] Scott McKenzie, « San Francisco (be sure to wear flowers in your hair » The Voice of Scott Mckenzie, Ode 103, 1967.
« Si vous allez à San Francisco, soyez sûrs d’avoir des fleurs dans vos cheveux. »

[17] Gene Anthony, The summer of love : Haight-Ashbury at its highest, Last Gap, San Francisco, 1995, p. 44.

[18] Joan Didion, Slouching Towards Bethlehem, New York, Farrar Straus and Giroux, 1990, p. 119.

[19] Gene Anthony, The summer of love : Haight-Ashbury at its highest, op. cit., p. 44.

[20] Ibid, p. 44.

[21] Ibid, p. 45.

[22] Expression qui pourrait être traduite, non sans des modifications pour en conserver le sens, de la manière suivante : « Expérimente, connecte-toi aux autres, et lâche prise. ».

[23] Andrew J. Diamond, Romain Huret, Caroline Rolland-Diamond, Révoltes et utopies : la contre-culture américaine des années 1960, Paris, Éditions Fahrenheit Books, 2012, p. 77.

[24] Charles Perry, The Haight-Ashbury a history, Wenner Books, New York, 2005, p. 149.

[25] John McMillian, Smoking Typewriters, op. cit., p. 188.

[26] Eric Burdon & The Animals, « San Francisan Nights », Wind of Change, MGM, 1967.
« Économisez votre argent et prenez le premier vol vers l’amour de San Francisco, alors peut être vous comprendrez la chanson. Cela vaudra la peine, si ce n’est pas pour la chanson, ce le sera pour votre propre tranquillité d’esprit. »

[27] Sam Silver, « Monterey Pop Festival », East Village Other, Vol.2, Issue 16, 15-30 juillet 1967, p. 6.

[28] Auteur inconnu, « Airpline high, but no new LP release », Rolling Stone, Vol.1, N°1, 9 novembre 1967, p. 1.

[29] Michael Lyndon, « The high cost of music and love : where’s the money from Monterey ? », Rolling Stone, Vol.1, N°1, 9 novembre 1967, p. 1.

[30] Ralph Gleason, « Hippies : Death on a sunny afternoon », Rolling Stone, Vol.1, N°1, 9 novembre 1967, p. 11.

[31] Berkeley Barb, Vol 5, N°110, 29 septembre – 5 octobre 1967, p. 1.

[32] Auteur inconnu, « Death of the Hip, Birth of the Free », Berkeley Barb, Vol.5, N°110, 29 septembre – 5 octobre 1967, p. 3.

[33] Gene Anthony, The summer of love : Haight-Ashbury at its highest, op. cit., p. 44.

[34] Maxime Dulau, La mouvance hippie à travers la culture et la presse underground des Sixties en Californie entre 1964 et 1968. Université Bordeaux Montaigne, 2023, p. 107.

[35] Timothy Leary, « Timothy Leary’s Press Conference », San Francisco Oracle, Vol 1, N°4, 16 décembre 1966, p. 2.

[36] Timothy Miller, The 60’s communes, Hippies and Beyond, Syracuse Press, New York, 1999.

[37] Ibid, p. 67.

[38] Il s’agit du surnom donné à un ensemble de célébrités musicales du rock et du blues étant mortes à 27 ans.

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