Galdric Vidal
Résumé
Entre la deuxième moitié du XVIe siècle et la première moitié du XVIIe siècle, les comtés de Roussillon et de Cerdagne ont été parcourus de troubles politiques et religieux et qui ont amené aussi bien les communautés d’habitants, que l’Etat monarchique hispanique à adopter des mesures afin de pouvoir y faire face. Dans un tel contexte, il était facile pour la noblesse locale d’accaparer une grande partie du pouvoir militaire et politique qui lui avait été dévolu par le pouvoir central, tout en entretenant un climat de guerres privées et de course à la faveur royale. Cet article, issu d’une actuelle recherche de thèse en doctorat, entend porter un regard neuf sur la mise en défense de la frontière franco-hispanique durant la première modernité par le biais d’une analyse au ras-du-sol. Seront notamment analysés des enjeux politiques, mais aussi religieux et militaires qui pouvaient concomitamment se poser aux acteurs locaux devant faire face à cette guerre frontalière.
Détails
Chronologie : XVI – XVIIe siècle
Lieux : comtés de Roussillon et de Cerdagne
Mots-clés : Frontière – Noblesse – Communautés d’habitants – Guerre – Guerres privées – Troubles religieux et politiques – Première modernité – Comtés de Roussillon et de Cerdagne
Chronology: XVI – XVIIth century
Location: Roussillon and Cerdagne counties
Keywords: Borders – Nobility – Communities of inhabitants – War – Private wars – Religious and political unrest – Early modernity – Counties of Roussillon and Cerdagne
Plan
I – Quand la monarchie hispanique compte sur un réseau de fidélités établi à l’échelle locale pour tenir sa frontière et récompenser
1. Les alcaids : entre fidélité au roi et intérêts personnels
2. Une fidélité mise à rude épreuve en haut lieu mais finalement récompensée : l’affaire du gouverneur don Joan de Queralt (il reste encore des Joan/Juan à uniformiser)
II – Des communautés d’habitants confrontées à des menaces sur la zone frontalière (de la fin du XVIe siècle au début du XVIIe siècle)
1. L’intérêt défensif dans un contexte d’agitation politique et religieuse
Conclusion
Pour citer cet article
Référence électronique
Vidal Galdric, “Noblesse et communautés frontalières face à la guerre dans les comtés de Roussillon et de Cerdagne (des années 1560 aux années 1630-1640)", Revue de l’Association des Jeunes Chercheurs de l’Ouest [En ligne], n°4, 2024, mis en ligne le 20 mai 2024, consulté le 14 décembre 2024 à 21h33, URL : https://ajco49.fr/2024/05/20/noblesse-et-communautes-frontalieres-face-a-la-guerre-dans-les-comtes-de-roussillon-et-de-cerdagne-des-annees-1560-aux-annees-1630-1640
L'Auteur
Galdric Vidal
Diplômé d’un Master 2 Histoire, Civilisations et Patrimoine (parcours recherche en histoire moderne) obtenu à l’Université de Perpignan Via Domitia en 2021, il est actuellement doctorant en histoire moderne sous la direction de Patrice Poujade. Sa thèse s’intitule « La frontière, en défense et passage : les comtés de Roussillon et de Cerdagne à l’épreuve des stratégies d’Etat et des stratégies individuelles et collectives (des années 1560 aux années 1630-1640) ».
Droits d'auteur
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Entre les années 1560 et les années 1630-1640, les comtés de Roussillon et de Cerdagne connaissent des décennies difficiles en raison de troubles politiques et militaires successifs qui se déroulent dans le cadre de cette périphérie de la monarchie hispanique.
Possessions de la Couronne d’Aragon depuis l’époque médiévale, les comtés de Roussillon et de Cerdagne dépendent aussi administrativement du gouvernement de la Principauté de Catalogne qui en est le centre névralgique. C’est à Barcelone, capitale de la Principauté de Catalogne, que se trouve depuis le début du XVIe siècle, le siège d’une vice-royauté chargée d’administrer les affaires de la Couronne d’Aragon. À l’échelle locale, un gouverneur, lié non seulement à l’autorité du vice-roi mais aussi à celle du monarque, dirige les affaires civiles, judiciaires et militaires des deux comtés[1].
Toutefois, d’après l’historiographie catalane, il n’est pas rare de trouver une volonté émancipatrice de la part des élites de ces comtés. Ces derniers, bien que situés dans la mouvance de la Principauté de Catalogne, n’en demeurent pas moins indépendants sur le plan juridique. C’est d’ailleurs ce que rappelle la formule : « Principats i Comtats[2] », en venant symboliser la forme dite pactiste que recouvre la monarchie hispanique entre le début du XVIe siècle et la première moitié du XVIIe siècle[3]. Selon l’historien Jordi Buyreu Juan, le monarque hispanique ne dispose pas d’une liberté totale en Catalogne à cause des lois de la terre[4]. Cependant et comme il en sera question dans la suite de cet article, les liens entre le pouvoir central et les autorités locales n’en sont pas moins forts, qui plus est dans un contexte de tensions permanentes à la frontière entre la monarchie hispanique et le royaume de France[5]. À ce titre, une lettre datant de l’année 1547, soit quelques décennies avant le début de notre cadre d’étude et destinée au prince Philippe de Habsbourg, témoigne déjà de la situation géopolitique difficile des deux Comtés :
« Catalunia es tan frontiera por tierra y por mar que sola ella es el baluarte de toda España pues por ninguna otra parte pueden los enemigos ofenderla porque los Montes Pirineos y las Nievas la defienden. Solamente por Rossellón pueden a pie llano entrar así en invierno como en verano con exército y socorelle por mar y por tierra[6] ».
Apparaissant à première vue comme une monarchie décentralisée dans le courant du XVIe siècle, la monarchie hispanique repose sur un maillage administratif dont il convient de réévaluer le cadre et les prérogatives, notamment en matière de politique de défense locale.
À cet effet, seront reconstituées des trajectoires d’acteurs, mais aussi de certains groupes sociaux dont, principalement, celui de la « noblesse de frontière » afin de les replacer dans un contexte plus général. Ce contexte est avant tout celui du fait militaire mais aussi des réactions qu’il entraîne à plus ou moins grande échelle.
Seront ainsi détaillées des stratégies adoptées autant par l’État qui s’appuie sur un réseau d’élites locales, que par ces mêmes élites qui souhaitent tirer avantage de leur charge. En dernier lieu, il conviendra d’étudier l’organisation autonome de la mise en défense des communautés d’habitants frontalières pour faire face au sentiment d’inefficacité éprouvé envers les agents du pouvoir central à les protéger face aux incursions françaises et huguenotes.
Quand la monarchie hispanique compte sur un réseau de fidélités établi à l’échelle locale pour tenir sa frontière et récompenser
De la monarchie aux pouvoirs locaux, qu’ils soient seigneuriaux ou encore communaux, chacune des parties semble être liée à l’autre selon un principe contractuel tacite. Reposant sur des bases féodales dans le cas de la noblesse, mais aussi sur un ensemble de libertés communales, établies dès le Moyen Âge, dans le cas des communautés d’habitants, ce principe contractuel oblige chacune des parties de ce contrat à un engagement de soutien mutuel[7]. Ce soutien mutuel est à la base d’un contrat de confiance qui permet à la monarchie, de déléguer un certain nombre de prérogatives en échange de la défense de sa périphérie. C’est alors qu’à l’échelle locale, l’autorité royale est non seulement représentée par le gouverneur, mais aussi par des officiers royaux subalternes. Ces derniers doivent se montrer fidèles, dès leur nomination, à l’égard de la monarchie en échange de leur rémunération, sans quoi cette dernière peut décider de sanctions à leur encontre. En outre, en échange de la fidélité, les plus hautes autorités de la monarchie savent récompenser des individus en les nommant aux plus hautes charges de l’administration politique et militaire.
Les alcaids : entre fidélité au roi et intérêts personnels
Comptant parmi les officiers royaux subalternes du gouverneur des comtés de Roussillon et de Cerdagne, les alcaids correspondent aux châtelains et sont souvent qualifiés de gouverneurs de châteaux dans les textes. Ces personnages sont souvent des membres de la petite ou moyenne noblesse de la frontière.
Dès la fin du XIVe siècle, leur charge a été clairement définie, cette période étant celle d’une reprise en main des deux Comtés, par le pouvoir aragonais.
Ces personnages doivent accomplir leurs obligations militaires en résidant dans leurs châteaux, avec leurs familles, tout en veillant à l’état des fortifications, des armes et en assurant le bon approvisionnement de leur forteresse[8]. À l’origine et comme semblent le démontrer les lettres de provision des nouveaux alcaids, ces personnages sont dépendants de l’autorité du monarque mais celui-ci a délégué cette tâche au vice-roi d’Aragon qui est aussi son lieutenant et capitaine général. Cette délégation de tâche apparaît ainsi très distinctement, par exemple, dès le début de l’acte de provision d’un alcaid portant le nom de Joan de Vilanova, daté de 1586 et nommé châtelain de l’alcaydie de la « Porte Notre Dame », également appelée « Castillet » :
« Provisio alcaydie castri regÿ memorie Porte Beate Marie, ville [Perpiniani] vocati lo Castellet, in persona illustratis (?) don Jacobi de Vilanova.
Don Carlos de Aragon, duque de Terranova […], virrey, lurgarteniente y capitan general en el principado de Catalunya y condados de Rosellon y Cerdanya […][9] ».
L’alcaydie est une châtellenie, qui fait office de subdivision territoriale de la monarchie et participe, en tant que telle, à son maillage administratif. Ces châtelains, véritables hommes du roi, se voient également attribués, pour certains d’entre eux, des fonctions de sous-viguiers[10]. Ils sont aussi gagés sur les finances du domaine royal, dont a la charge le procureur royal des Comtés.
Par ailleurs, dès la fin du XVe siècle, l’entretien des forteresses royales de la frontière Nord- Est, constitue un tel enjeu pour faire face à une éventuelle incursion venant du royaume de France, que la monarchie hispanique a jugé nécessaire la création d’un office de « Maître des Œuvres du Roi ». Cet officier royal agit en tant que lieutenant du procureur royal et est chargé de la visite des différents points de défense royaux de la frontière afin d’établir un rapport sur les éventuels travaux à effectuer. Ces travaux peuvent tout aussi bien être des réparations, comme des améliorations à apporter sur les défenses d’un site.
Il s’agit alors, pour la monarchie, de pouvoir compter sur un personnel technique compétent qui vient suppléer à la fois le procureur royal, ainsi que le gouverneur des Comtés à cette charge et d’appuyer, sur place, les alcaids. La compétence est aussi un des critères de nomination des nouveaux alcaids car pour ces derniers, il convient d’avoir une expérience militaire. Le cas de Gaspard de Tort, seigneur de Tresserre et de Villemolaque en est tout à fait révélateur puisque ce dernier combat aux Pays-Bas, durant la deuxième moitié du XVIe siècle et repousse des attaques françaises, en Roussillon, durant la première moitié du XVIIe siècle. Il est ensuite nommé alcaid de la Porte Notre-Dame de Perpignan, le 16 février 1616[11].
Mais au-delà de ce seul critère, celui de la fidélité au roi semble être primordial. Chacune des lettres de provision, ensuite recopiées sur les registres de la Procuration royale des comtés de Roussillon et de Cerdagne, oblige le personnage désigné, à prêter hommage au roi, en joignant ses mains à celles d’un délégué de la capitainerie générale de la principauté de Catalogne qui en recueille les termes : « […] que guarda el dicho castillo y no le entregara a [enemigos] de su [magestad] que assi conviene a su real servicio […] »[12]. Ces délégués de la capitainerie générale, autrement dénommés « lieutenants du capitaine général des comtés de Roussillon et de Cerdagne », sont aussi connus sous le nom de Portantveus ou Porte-voix du gouverneur général. Cette charge correspond à celle de gouverneur des comtés de Roussillon et de Cerdagne. Il est dès lors possible, à partir de cette charge, de voir à quel point s’est mise en place une mécanique administrative descendante au sein de la monarchie hispanique, dans le courant du XVIe siècle.
De fait le roi, par le biais de son vice-roi, n’a plus qu’un rôle d’approbation de cette nomination comme le démontre l’acte de provision de l’alcaid Dalmau Dez Callar à la châtellenie de Puyvalador en 1598 : « […] [L]e nombro para lo suso dicho [servicio ?] hasta que su [magestad] o el [senyor] duque de Feria en su nombre provean y manden otra cosa. […][13] ».
Cette mécanique permet en réalité au pouvoir central, de décentraliser son autorité afin d’accorder une large place au sein de l’administration royale des Comtés à des membres de la noblesse locale. Celle-ci s’observe de manière plus précise en observant le cas des alcaids. Ces derniers exercent une fonction de gouverneurs, mais à plus petite échelle que le gouverneur des Comtés. Cette échelle correspond à celle du ressort de la châtellenie qui leur est confiée et dont l’importance varie selon qu’il s’agisse du chef-lieu d’une sous-viguerie ou bien d’une châtellenie qui n’est pas immédiatement frontalière et donc de moindre importance sur le plan stratégique.
Enfin, les actes de provision des châtelains de Puyvalador, dans cette deuxième moitié du XVIe siècle permettent d’analyser une pratique récurrente de la noblesse de frontière, à savoir, le maintien sur des générations à une même charge, de membres d’une même famille. Parallèlement à la mise en place de cette stratégie familiale, se déploie aussi celle de la course à l’obtention d’une telle charge. C’est ce dont témoigne l’acte de provision de Pierre de Terreros qui fait mention d’un certain « Jacobi de Terreros », décédé et laissant sa charge vacante. S’agit-il du père et de son fils ? L’état actuel de nos recherches ne permet pas de l’affirmer mais le Dictionnaire des biographies roussillonnaises de Jean Capeille cite plusieurs membres de la famille de Terreros qui se sont succédés à l’alcaydie de Puyvalador depuis le début du XVIe siècle. Il est néanmoins possible de constater une interruption de plusieurs décennies entre Fortuné de Terreros, nommé à cette charge à partir de 1507 et ce, jusqu’à une date inconnue. Il s’agit du premier membre de cette famille à exercer cette charge. Par la suite, d’autres alcaids appartenant à la même famille se succèdent sans interruption entre le règne de Charles Quint et celui de Philippe III. Pendant l’intermède suivant l’exercice de l’alcaydie par Fortuné de Terreros, d’autres membres de la noblesse locale ont également exercé cette charge comme, par exemple, Don Pedro de Castro[14]. Cette patrimonialisation d’un office royal, majeur pour la défense des Comtés, met aussi en exergue un véritable cursus honorum, au sommet duquel se trouve l’exercice de la charge de gouverneur des comtés de Roussillon et de Cerdagne voire celle de gouverneur de la principauté de Catalogne. À titre d’exemple, Ramon d’Oms, nouvellement nommé superintendant des arsenaux royaux de Barcelone en 1598, est dans l’obligation d’abandonner sa charge d’alcaid du château d’Elne du fait de l’exercice de sa nouvelle charge. Selon un document issu de la chancellerie royale du Conseil d’Aragon, le duc de Feria, vice-roi, a mentionné dans une lettre du 9 décembre 1597, que les obligations de Ramon d’Oms aux arsenaux royaux de Barcelone l’empêchent d’accomplir de manière efficiente la garde de la forteresse d’Elne[15].
Ainsi, l’étude de la charge d’alcaid a permis de voir à quel point celle-ci représente non seulement un intérêt pour la monarchie hispanique de pouvoir compter sur des agents fidèles et compétents sur sa frontière pyrénéenne, mais aussi un intérêt pour les membres de la noblesse locale de s’élever aux plus hautes charges de l’administration politique et militaire.
En dernier lieu, le cas du gouverneur des comtés de Roussillon et de Cerdagne, don Joan de Queralt permet de voir à quel point ces personnages, membres de l’élite locale, sont certes puissants, mais ont aussi besoin de la confiance des plus hautes autorités de la Couronne d’Aragon pour s’élever socialement et atteindre le plus haut niveau de leur carrière. Cette confiance est toutefois facilement mise à mal dans ce contexte de troubles politiques et religieux qui correspond à la deuxième moitié du XVIe siècle.
Une fidélité mise à rude épreuve en haut lieu mais finalement récompensée : l’affaire du gouverneur don Joan de Queralt
En 1602, alors même que des soupçons de traitrise ont durant quelque temps, entaché sa réputation et l’ont conduit à être révoqué par le Conseil royal d’Aragon, le gouverneur des comtés de Roussillon et de Cerdagne, don Joan de Queralt, accède au sommet du cursus honorum administratif et militaire de la Principauté de Catalogne en occupant la charge de gouverneur de Catalogne. Cela étant, un complot fomenté à son encontre, quelques années auparavant, a failli lui coûter sa carrière politique.
En effet, c’est un 28 juin 1598, à l’occasion de fin de la guerre entre la France et l’Espagne, à la suite des guerres de Religion, qu’un habitant de la ville d’Alet, située dans le royaume de France, vient se confesser dans la sacristie du cloître des Carmes de Perpignan[16]. Ce dernier se prénomme François Semaler et les informations qu’il livre à ce moment précis sont de la plus haute importance car elles mettent au jour un complot qui a été fomenté contre le gouverneur des comtés de Roussillon et de Cerdagne, don Joan de Queralt, quelques années plus tôt[17]. En effet, il semblerait que cet important personnage ait été injustement accusé par le seigneur de Mosset d’avoir facilité l’entrée des Français sur sa seigneurie, mais aussi, d’avoir commis d’autres graves crimes tels que le passage de chevaux entre l’Espagne et la France. Cette fausse accusation, véritable machination politique était en réalité destinée à déstabiliser le gouverneur des Comtés. Parmi les personnages impliqués dans celle-ci, apparaissent des personnages de haut rang comme Fernand de Tolède, fils naturel du troisième duc d’Albe, Ferdinand Alvare de Tolède. Au moment de la fausse accusation délivrée par le seigneur de Mosset contre Queralt, Fernand de Tolède est « capitaine général », c’est-à-dire, commandant de toutes les forces militaires présentes sur le territoire de la principauté de Catalogne et des comtés de Roussillon et de Cerdagne depuis le début du XVIe siècle. À partir de 1512, cette charge se confond par ailleurs avec celle de vice-roi ou de lieutenant général de Catalogne[18].
Cependant, Ferdinand de Tolède n’est pas qu’un simple bureaucrate, puisque ce personnage a aussi fait carrière dans les ordres religieux militaires et plus particulièrement dans celui de Saint-Jean-de-Jérusalem en tant que prieur et notamment du royaume de Castille[19]. Il peut donc être facile pour un personnage de cette envergure politique et religieuse, de tisser des liens avec l’Inquisition, une institution très active sur la frange pyrénéenne de la monarchie hispanique[20]. Par ailleurs, le lieu où a été recueillie la confession de François Semaler n’est pas anodin puisque le cloître en question se trouve être le siège de l’Inquisition dans les comtés de Roussillon et de Cerdagne[21]. Comme l’a indiqué l’historien André Escarra, il semble que les Carmes, tout comme les Dominicains, aient joué un rôle traditionnel dans l’Inquisition[22]. Quant au texte, celui-ci mentionne le passage de chevaux d’un côté à l’autre de la frontière. À cette époque, il s’agit une activité de contrebande car ce trafic peut permettre à l’ennemi « huguenot » ou « français » de bénéficier de moyens pour combattre. De plus, les Cortes de Mónzon ont qualifié ce crime de crime de lèse-majesté depuis 1565. À ce titre, cette activité, d’après Bartholomé Bennassar, est sévèrement réprimée par l’Inquisition qui poursuit la politique menée par la monarchie hispanique pour contrer l’ennemi français, le plus souvent accusé d’hérésie sur cette marge frontalière[23].
Par ailleurs, d’autres personnages de haut rang sont cités dans la confession de François Semaler, notamment don Diego de Robledo, ainsi que don Garau de Cruïlles, seigneur de Mosset. Ce dernier personnage est important car, de par sa charge, il est lui aussi au centre de l’affaire. Située dans le Conflent, sa seigneurie est régulièrement aux prises avec les huguenots ainsi qu’avec les Français. Au cours de cette période de guerres de Religion, il n’est pas toujours aisé de déterminer, pour les Espagnols, de quel ennemi il s’agit véritablement à chaque incursion. Il peut en effet s’agir de « seigneurs de la frontière » qui mènent souvent lors de ces troubles, des opérations de razzias[24]. Il n’en demeure pas moins, toutefois, que ces mêmes « seigneurs de la frontière » peuvent faire appel à des mercenaires gascons, comme le rappelle Patrice Poujade en évoquant la composition des bandes de brigands pyrénéens ou de bandolers[25].
En dernier lieu, dans ce contexte de guerres privées qui sont de véritables luttes de clans seigneuriaux, il est facile pour un parti de souhaiter discréditer son adversaire aux yeux des autorités et, pourquoi pas, au plus haut sommet de l’État, en bénéficiant de l’appui de personnages puissants afin d’accaparer une position avantageuse. Les deux familles seigneuriales impliquées, celle de Queralt et de Cruïlles i de Santa Pau, se sont retrouvées mêlées aux affaires de la seigneurie de Mosset et à celle du gouvernement des comtés de Roussillon et de Cerdagne depuis au moins le XIVe siècle. Une jalousie inextinguible entre ces deux familles serait-elle née de cette situation ? Le doute peut-en être permis, sans qu’il soit pour l’instant possible de faire remonter à la surface les réelles motivations de don Garau de Cruïlles. Aurait-il été motivé par la soif de pouvoir et par la convoitise de l’exercice de la charge de gouverneur des Comtés ?
Nous l’avons vu à travers cette affaire, la fidélité des agents de la monarchie, en temps de troubles politiques et religieux dans les comtés de Roussillon et de Cerdagne durant la première modernité, peut être mise à mal par l’ambition, qui est un moteur de nombreux grands personnages pour tirer avantage de leur position sur la marge frontalière de la monarchie hispanique. Cela étant ces personnages ne sont pas non plus dénués d’un sens de l’intérêt public, notamment, quand il s’agit de défendre les habitants de leur seigneurie, regroupés en communautés afin de défendre leurs intérêts.
Des communautés d’habitants confrontées à des menaces sur la zone frontalière (de la fin du XVIe siècle au début du XVIIe siècle)
Les menaces pèsent sur les communautés d’habitants, le long de la ligne frontière résultant du traité de Corbeil de 1258 départageant les possessions aragonaises du monarque hispanique d’avec celles du roi de France en Languedoc. Elles se remarquent par leur récurrence au cours de cette période de troubles religieux et politiques. Qu’il s’agisse d’incursions menées par des capitaines de guerre huguenots ou de « seigneurs de la frontière » français, la préoccupation majeure de ces communautés reste leur mise en défense.
L’intérêt défensif dans un contexte d’agitation politique et religieuse
Comme le précise l’historien Patrice Poujade, dans un article publié en 2002 : « Dire que la guerre est un fait constant pour les sociétés de l’Ancien Régime, qui la considéraient comme un des trois grands fléaux menaçant l’existence des populations, est un truisme[26] ». De par leur situation ainsi que par le contexte géopolitique de l’époque, les habitants des communautés frontalières sont exposés aux ravages des conflits, qu’il s’agisse de conflits entre belligérants, comme de conflits privés. Pour faire face, les autorités locales, notamment les « petits seigneurs » tels que les barons, ont pu être à l’initiative d’armements « privés » dans le ressort de leur seigneurie. C’est ce que démontre l’exemple du baron de Mosset, don Garau de Cruïlles i de Santa Pau, qui en 1580, alors que la région du Conflent est à feu et à sang en raison des attaques huguenotes, arme les prêtres de sa bourgade, de pedrenyals qui sont des sortes d’arquebuses courtes, facilement transportables et dissimulables sous une cape de berger. Toutefois, même s’il ne faut pas se laisser abuser par les accusations d’hérésie que recevaient facilement les Français passant la frontière en raison de l’essor du protestantisme qu’a connu le royaume de France au cours du XVIe siècle, il n’en demeure pas moins que certaines régions, notamment dans le Sud et assez proches de la frontière hispanique, constituaient de véritables bases huguenotes[27].
En souhaitant mener une étude cartographique de la présence huguenote entre le royaume de France et les comtés de Roussillon et de Cerdagne, il est possible d’observer que le territoire huguenot constitue une bande territoriale qui court du comté de Foix, en passant par le pays d’Olmes. Ce dernier pays est une possession de la famille de Lévis-Mirepoix et dont l’un de leur membre est un des principaux chefs de guerre protestant, Jean-Claude de Lévis, sire d’Audou et dont le bastion est établi à Bélesta. Ce territoire permet ensuite la jonction avec le diocèse d’Alet qui est fréquemment menacé par des incursions huguenotes d’origine fuxéenne. Une base huguenote est aussi établie au niveau du territoire de Bugarach sur une période qui semble s’étaler entre 1572 et 1586[28]. Plus au Sud, de l’autre côté de la frontière le Conflent, qui est l’un des pays qui composent les comtés de Roussillon et de Cerdagne, est en première ligne face aux incursions huguenotes[29]. Les principaux axes de pénétration des Français, comme des Huguenots sont alors, le plus souvent, des cols de montagne tels que celui de Jau et qui permet de relier Mosset à Counozouls, du côté français ; le col de Puymorens, permettant de faire la liaison entre la Cerdagne et le comté de Foix ; le col de Saint-Louis, permettant de relier le Bas-Languedoc et le Roussillon et enfin, les Corbières à travers une étroite voie littorale séparant la forteresse de Salses avec un château à Fitou, du côté français.
Fig. 1. Carte géopolitique des comtés de Roussillon et de Cerdagne (deuxième moitié du XVIe siècle - 1659) © Galdric Vidal.
Terres seigneuriales, mais aussi églises et prieurés isolés sont souvent incendiés et pillés par les huguenots qui franchissent aisément les cols de montagne. À ce titre, les défenses du prieuré de Serrabone restent encore une énigme que la présente recherche menée dans la thèse de doctorat a pour objet, parmi d’autres, de résoudre. Bien que situé dans les Aspres, une région naturelle qui ne se situe pas sur la ligne frontière avec le royaume de France, le prieuré dispose néanmoins d’une mise en défense singulière. Celui-ci se démarque par une massive tour-clocher, pourvue d’une meurtrière mais également de ce qui semble être une bouche à feu, peut-être pour l’emploi d’un petit canon de style fauconneau[30]. Un orifice similaire peut- être constaté à l’église paroissiale de Mosset[31].
De fait, même si l’existence de ces bouches à feu reste encore à l’état d’hypothèse, une chose peut être confirmée grâce à la lecture de l’historiographie existante. En effet, les Aspres et le Conflent ont connu de nombreuses incursions huguenotes. Ainsi, en 1580, des huguenots venus du comté de Foix, attaquent le bourg de Bouleternère et la même année, pillent l’église de Domanova. Ils manquent aussi de s’emparer de la ville de Vinça en 1592[32]. La région connaît donc une insécurité chronique et aussi bien les lieux situés à l’écart que les communautés d’habitants sont concernés par ces attaques. Cette forme de petite guerre, aussi bien pratiquée par les bandes huguenotes que par les quadrilles ou bandes de bandolers vise aussi bien à voler du bétail qu’à faire des otages pouvant être rançonnés[33].
Pour faire face à la menace, aussi bien les autorités royales, que, parfois, des membres de l’élite communale, se soucient de militariser la population en l’organisant en milice armée, autrement dénommée Sometent. Ils construisent en outre des lieux de défense qui peuvent servir de lieux de refuge à la population locale. Cela est le cas à Los Masos, un petit hameau situé un peu à l’écart avant d’arriver à Prades. Le 7 mai 1561, un acte est effectivement passé devant Gabriel Vilar, lieutenant du procureur royal des comtés de Roussillon et de Cerdagne qui accorde à Jean Navarre, le droit de faire édifier une tour de défense[34].
Enfin, le Sometent qui est une milice d’autodéfense, consiste en la réunion, au son du tocsin, des habitants en âge de porter les armes, de 14 à 60 ans et issus des villages et villes situés dans un territoire donné face à un éventuel agresseur. Cela est le cas, le 25 juillet 1594, lorsque don Joan de Llupià est nommé par le capitaine-général de Catalogne comme chef de guerre des habitants de Castelnou et des autres lieux du ressort de la seigneurie, afin de repousser l’ennemi huguenot. Ordre est alors donné à ce personnage, issu d’une prestigieuse lignée de procureurs royaux des Comtés, que ces habitants « s’arment d’arquebuses, arbalètes et autres armes efficaces […] et qu’ils aillent aux lieux et parties pour garder et défendre la [dite] terre et de l’offense des ennemis […][35] ».
Nous venons de le voir, la mise en défense des communautés frontalières, dans un contexte de troubles qui est celui de la fin du XVIe siècle et qui s’étend jusqu’à la première moitié du XVIIe siècle, semble être l’affaire de chacun. Enjeu pour les autorités monarchiques qui souhaitent endiguer les incursions huguenotes ou françaises, celle-ci est aussi une priorité pour les autorités locales, qu’elles soient seigneuriales ou communautaires, afin de faire face à l’ennemi.
Conclusion
Cet article a permis d’insister sur l’importance qu’ont jouée les élites locales dans la diffusion de l’autorité royale au sein d’une marge frontalière que constituent les comtés de Roussillon et de Cerdagne en exerçant des charges leur permettant d’en être de véritables relais. Pour autant, bien que la monarchie ait pu compter sur leur fidélité, il lui a aussi fallu composer avec leurs intérêts. Bien sûr, la monarchie, par le biais de l’Inquisition, disposait d’un instrument de contrôle efficace à la fois pour faire face à l’hérésie à sa frontière, mais également pour s’assurer que les élites locales, même au plus haut de leur carrière, n’aillent trop loin dans d’éventuels actes de contrebande. Mais c’est aussi là tout le problème, notamment lorsque des agents fidèles se font injustement accuser de crimes de lèse-majesté. Dans cette périphérie de la monarchie hispanique, il est en effet aisé pour des individus ambitieux, de vouloir discréditer leur adversaire, en bénéficiant du soutien de puissants personnages grâce à leur réseau de clientèle. Le clientélisme est d’ailleurs au cœur des enjeux de pouvoir au cours de cette première modernité au sein des comtés de Roussillon et de Cerdagne, tout comme la patrimonialisation des offices royaux, afin de conforter sa famille à d’intéressantes charges de l’administration royale. Pour finir, le contexte de troubles politiques et religieux qui saisit toute cette bande frontalière entre royaume de France et monarchie hispanique, préoccupe au plus haut point les communautés d’habitants qui sont néanmoins intégrées dans des réseaux de solidarités afin de pouvoir les mettre en défense. Les acteurs locaux, qu’il s’agisse de seigneurs locaux ou de membres de l’élite communale, y jouent ainsi un rôle primordial.
[1] BUYREU Juan Jordi, Institucions i conflictes a la Catalunya moderna, Rafael Dalmau, Barcelona, 2005, p. 185-191.
[2] SALES Núria, De Tuïr a Catarroja : Estudis sobre institucions catalanes i de la Corona d’Aragó (segles XV-XVIII), Afers, Catarroja i Barcelona, 2002, p. 44. Citée par JORDÀ FERNÁNDEZ Antoni, « Memorials en defensa de la unitat del principat de Catalunya i els comtats de Rosselló i Cerdanya (s. XVII) », Revista de Dret Històric Català, 2016, vol. 14, p. 32.
[3] La forme dite pactiste de la monarchie hispanique signifie qu’il existe un contrat associant le monarque à ses sujets. Néanmoins, en cas de manquement à ses devoirs comme celui du non-respect des privilèges et des particularismes locaux, l’autorité monarchique ne se verrait pas attribuer le respect qui lui est normalement dû, par le peuple. Voir à ce sujet, PAILLERET Laura, Le domaine des seigneurs de Monclar en Roussillon, mémoire de Master 1 sous la direction de Patrice Poujade, Perpignan, Université de Perpignan, 2021, p. 18.
[4] BUYREU Juan Jordi, Institucions…, op. cit., p. 185.
[5] Les sources consultées dans le cadre de la présente thèse de doctorat en cours et menée sous la direction de Patrice Poujade, l’ont été dans un but d’étude comparatiste entre les deux côtés de la frontière. Le présent article, ne livre qu’un échantillon de sources représentatives et permettant de répondre à la problématique posée par le sujet. Ici, ne seront mentionnées que des sources hispaniques puisque les incursions frontalières ont surtout été observées depuis le côté hispanique de la frontière. Ces sources se trouvent principalement conservées aux Archives départementales des Pyrénées-Orientales (ADPO) et notamment dans la sous-série des registres de la Procuration royale des comtés de Roussillon et de Cerdagne (sous-série 1B). Au cours de la période étudiée, cette institution est chargée de l’administration des biens fonciers de la monarchie hispanique se trouvant dans les Comtés, mais aussi de l’administration des châtellenies royales, en appui des châtelains et comme nous l’évoquerons par ailleurs dans cet article.
[6] « La Catalogne est autant une frontière par terre que par mer [et] qu’elle seule est le bastion de toute [l’]Espagne mais par aucune autre partie les ennemis ne peuvent [y entrer] parce que les Monts Pyrénéens et les Neiges la défendent. [C’est] seulement par le Roussillon qu’ils peuvent à pied [entrer dans] la plaine aussi bien en hiver qu’en été avec une armée et être secourus par la mer et par la terre ». A.G.S. (Archivo General de Simancas), Estado, 1. 301, fol. 126. Cité par BUYREU JUAN Jordi, ibid., p. 389.
[7] L’historien Christian Wingler parle d’un « contrat tacite » par lequel le devoir d’obéissance des vassaux dépend du respect des libertés et institutions particulières de chaque province de la monarchie hispanique. Cf. WINDLER Christian, « De la neutralité à la relation tributaire : la Franche-Comté, le duché de Bourgogne et le royaume de France aux XVIe et XVIIe siècles », in CHANET Jean-François et WINDLER Christian (dir.), Les ressources des faibles. Neutralités, sauvegardes, accommodements en temps de guerre (XVIe-XVIIIe siècle), Presses universitaires de Rennes, Rennes, 2010, p. 178.
[8] SAGUER Romain, « Consolidation ou disparition des frontières ? Les comtés de Roussillon et de Cerdagne après la chute de la couronne de Majorque (seconde moitié du XIVe siècle) », Frontières spatiales, frontières sociales au Moyen Âge. Congrès de la SHMESP (Perpignan, 21-22 mai 2020), Société des historiens médiévistes de l’enseignement supérieur public, Éditions de la Sorbonne, Paris, 2021, p. 195-210. Les châteaux royaux sont qualifiés de forteresses par le pouvoir royal.
[9] ADPO, 1 B 375 « Provision de l’alcaydie du château royal [pour mémoire ?] de la Porte Notre Dame, [de] la ville de Perpignan, appelée le Castillet, en la personne de l’illustre (?) don Jean de Vilanova. Don Charles d’Aragon, duc de Terranova […], vice-roi, lieutenant et capitaine général dans la Principauté de Catalogne et comtés de Roussillon et Cerdagne […] ». Par l’acte ici transcrit et traduit, don Jean de Vilanova, membre de la famille éponyme et dont nous aurons l’occasion de reparler dans l’article, se trouve nommé à la tête de l’une des principales portes fortifiées de la ville.
[10] Cela est le cas, par exemple, pour l’alcaid de Puyvalador, qui exerce sa charge sur une châtellenie frontalière. Ce dernier se voit attribuer la fonction de sous-viguier du Capcir. Ses missions ont non seulement pour but de pourvoir à la défense d’une partie des Comtés, mais également de surveiller le passage de la frontière, comme de pourvoir au maintien de l’ordre sur la circonscription notamment face à d’éventuels bandits. Cf. VIDAL Galdric, Pouvoirs et sociétés montagnardes en région de frontières à l’époque moderne : jeux de frontières, jeux de pouvoirs et sociétés civile et militaire en Capcir, Conflent et Vallespir (XVIe-XVIIIe siècle), mémoire de Master 2 sous la direction de Patrice Poujade, Perpignan, Université de Perpignan, 2021, p. 90-91.
[11] CAPEILLE Jean, Dictionnaire de biographies roussillonnaises, Imprimerie-Librairie catalane de J. Comet, Perpignan, p. 621.
[12] Provision de l’alferez Dalmau Dez Callar à l’alcaydie de Puyvalador, le 20 septembre 1598 « […] qu’il garde ledit château et qu’il ne le livrera pas aux [ennemis] de sa [majesté] et qu’ainsi il convienne à son royal service […] ».
[13] ADPO, Id., « [J]e le nomme pour le susdit [service ?] jusqu’à ce que sa [majesté] ou le [seigneur] duc de Feria en son nom, [le confirment à sa charge] et demandent autre chose. […] ».
[14] CAPEILLE Jean, op. cit., p. 618.
[15] « El duque de Feria, por su carta de 9. De Deziembre passado, dize [que] Don Ramon Doms que sirve a [vuestra] [Magestad] de superintendente de las Atarçanas de aquelle ciudad, es alcayde del Castillo de Elna, y que con la mucha occupación [que] tiene en la fabrica de la galeras (a [que] forçosamente ha de assistir) no puede acudir a la guarda del castillo como tiene obligación […] ». « Le duc de Feria, par sa lettre du 9 décembre [1598] passé, dit que Don Ramon Doms qui sert [Votre] [Majesté] en tant que superintendant des Arsenaux royaux de cette ville [Barcelone], est alcaid du château d’Elne et qu’avec la grande occupation qu’il tient dans la fabrique des galères (ce pour quoi il est obligé) ne peut plus aller garder le château pour lequel il est tenu […] ». Archives de la Couronne d’Aragon (ACA), Consejo de Aragon, legajos, 0265, n°051.
[16] ADPO, 1 B 377. Cet habitant de la ville d’Alet est dit « originaire de la ville d’Ille » et cette dernière est située au sein du comté de Roussillon.
[17] Le prénom catalan Joan correspond au prénom Juan en castillan.
[18] « Capità general », Gran enciclopedià catalana. URL : https://www.enciclopedia.cat/gran-enciclopedia- catalana/capita-general-3 [consulté le 26/12/2023].
[19] MATEU IBARS Josefina, « Algunas “noticias” sobre virreyes de la corona de Aragón en el reinado de Felipe II de Austria (1556-1598) », in Pedralbes : revista d’història moderna, Universitat de Barcelona, Barcelona, vol. 18, n°2, 1998, p. 197.
[20] En 1559, le pape Paul IV lui-même met en garde à travers un bref sur « l’invasion du luthéranisme en Espagne ». Cf. REBARDY-JULIA Emmanuelle, « L’évêché d’Elne au temps de Giginta (v.1534-v.1588) », in PAGÈS Alexandre (dir.), Giginta : de la charité au programme social, Presses Universitaires de Perpignan, Perpignan, 2012, p. 29-45.
[21] Ce monastère est aussi connu sous le nom de couvent des Carmes Deschaux. En effet, ce couvent est créé en 1589, dans l’élan de la réforme du Carmel effectuée par Thérèse d’Avila. Cf. FONQUERNIE Laurent « Un ancien couvent méconnu de Perpignan, les Carmes Deschaux », Institut du Grenat, 19 août 2017. URL : https://www.institutdugrenat.com/2017/08/un-ancien-couvent-meconnu-de-perpignan-les-carmes-deschaux/ [consulté le 20/12/2023].
[22] ESCARRA André, « Le couvent des frères prêcheurs de Perpignan », in L’ordre des Prêcheurs et son Histoire en France méridionale, Toulouse, Éditions Privat, 2001, p. 107.
[23] BENNASSAR Bartholomé, « Inquisition et pouvoirs civils dans les États des Couronnes de Castille et d’Aragon. Essai de synthèse », in AUDISIO Gabriel (dir.), Inquisition et pouvoir, Presses Universitaires de Provence, Aix-en Provence, 2004, p. 25-40.
[24] Voir à ce sujet VIDAL Galdric, « Des trajectoires individuelles et collectives au prisme de la frontière entre comtés de Roussillon et de Cerdagne et Languedoc : l’exemple des seigneurs de Mosset et du Vivier pendant les guerres de Religion (fin XVIe-début XVIIe siècle), in Sources à l’œuvre.s, 29/05/2023, URL : https://cjccrulh.hypotheses.org/722 [consulté le 24/12/2023].
[25] POUJADE Patrice, Le Voisin et le Migrant. Hommes et circulations dans les Pyrénées modernes (XVIe-XIXe siècle), Presses Universitaires de Rennes, Rennes, 2011, p. 79.
[26] POUJADE Patrice, « Les populations frontalières et la guerre dans les villages des Pyrénées centrales et orientales à l’époque moderne », in DESPLAT Christian, Les villageois face à la guerre (XIVe-XVIIIe siècle), Presses Universitaires du Midi, Toulouse, 2002, p. 217-242.
[27] Citons, à titre d’exemple, la région située autour de Castres, mais aussi, les Cévennes, sans omettre les possessions des comtes de Foix qui sont aussi rois de Navarre.
[29] Pour se faire une idée de la situation géopolitique de cette frontière au cours de la période étudiée, voir la carte Fig. 1.
[32] COMPS Jean-Pierre, « Le temps des chemins. La circulation en Bas-Conflent, au nord de la Têt du Moyen Âge à la fin du XIXe siècle », in CATAFAU Aymat, MARTZLUFF Michel, PASSARIUS Olivier (dir.), Archéologie d’une montagne brûlée. Massif de Rodès, Pyrénées-Orientales, Trabucaire, Perpignan, 2009, p. 223-225.
[33] À titre d’exemple, Henri-Montserrat du Vivier, a fait des prisonniers en 1589 à l’issue de son attaque de Bouleternère et de Vinça. Il décide cependant de les faire égorger. Cf. SALES Núria, « Els segles de la decadència (segles XVI-XVIII) », in VILAR Pierre, Història de Catalunya, Edicions 62, Barcelona, p. 63.
[34] ADPO, 1 B 373.
[35] ADPO, 1 B 384.
Entre les années 1560 et les années 1630-1640, les comtés de Roussillon et de Cerdagne connaissent des décennies difficiles en raison de troubles politiques et militaires successifs qui se déroulent dans le cadre de cette périphérie de la monarchie hispanique.
Possessions de la Couronne d’Aragon depuis l’époque médiévale, les comtés de Roussillon et de Cerdagne dépendent aussi administrativement du gouvernement de la Principauté de Catalogne qui en est le centre névralgique. C’est à Barcelone, capitale de la Principauté de Catalogne, que se trouve depuis le début du XVIe siècle, le siège d’une vice-royauté chargée d’administrer les affaires de la Couronne d’Aragon. À l’échelle locale, un gouverneur, lié non seulement à l’autorité du vice-roi mais aussi à celle du monarque, dirige les affaires civiles, judiciaires et militaires des deux comtés[1].
Toutefois, d’après l’historiographie catalane, il n’est pas rare de trouver une volonté émancipatrice de la part des élites de ces comtés. Ces derniers, bien que situés dans la mouvance de la Principauté de Catalogne, n’en demeurent pas moins indépendants sur le plan juridique. C’est d’ailleurs ce que rappelle la formule : « Principats i Comtats[2] », en venant symboliser la forme dite pactiste que recouvre la monarchie hispanique entre le début du XVIe siècle et la première moitié du XVIIe siècle[3]. Selon l’historien Jordi Buyreu Juan, le monarque hispanique ne dispose pas d’une liberté totale en Catalogne à cause des lois de la terre[4]. Cependant et comme il en sera question dans la suite de cet article, les liens entre le pouvoir central et les autorités locales n’en sont pas moins forts, qui plus est dans un contexte de tensions permanentes à la frontière entre la monarchie hispanique et le royaume de France[5]. À ce titre, une lettre datant de l’année 1547, soit quelques décennies avant le début de notre cadre d’étude et destinée au prince Philippe de Habsbourg, témoigne déjà de la situation géopolitique difficile des deux Comtés :
« Catalunia es tan frontiera por tierra y por mar que sola ella es el baluarte de toda España pues por ninguna otra parte pueden los enemigos ofenderla porque los Montes Pirineos y las Nievas la defienden. Solamente por Rossellón pueden a pie llano entrar así en invierno como en verano con exército y socorelle por mar y por tierra[6] ».
Apparaissant à première vue comme une monarchie décentralisée dans le courant du XVIe siècle, la monarchie hispanique repose sur un maillage administratif dont il convient de réévaluer le cadre et les prérogatives, notamment en matière de politique de défense locale.
À cet effet, seront reconstituées des trajectoires d’acteurs, mais aussi de certains groupes sociaux dont, principalement, celui de la « noblesse de frontière » afin de les replacer dans un contexte plus général. Ce contexte est avant tout celui du fait militaire mais aussi des réactions qu’il entraîne à plus ou moins grande échelle.
Seront ainsi détaillées des stratégies adoptées autant par l’État qui s’appuie sur un réseau d’élites locales, que par ces mêmes élites qui souhaitent tirer avantage de leur charge. En dernier lieu, il conviendra d’étudier l’organisation autonome de la mise en défense des communautés d’habitants frontalières pour faire face au sentiment d’inefficacité éprouvé envers les agents du pouvoir central à les protéger face aux incursions françaises et huguenotes.
Quand la monarchie hispanique compte sur un réseau de fidélités établi à l’échelle locale pour tenir sa frontière et récompenser
De la monarchie aux pouvoirs locaux, qu’ils soient seigneuriaux ou encore communaux, chacune des parties semble être liée à l’autre selon un principe contractuel tacite. Reposant sur des bases féodales dans le cas de la noblesse, mais aussi sur un ensemble de libertés communales, établies dès le Moyen Âge, dans le cas des communautés d’habitants, ce principe contractuel oblige chacune des parties de ce contrat à un engagement de soutien mutuel[7]. Ce soutien mutuel est à la base d’un contrat de confiance qui permet à la monarchie, de déléguer un certain nombre de prérogatives en échange de la défense de sa périphérie. C’est alors qu’à l’échelle locale, l’autorité royale est non seulement représentée par le gouverneur, mais aussi par des officiers royaux subalternes. Ces derniers doivent se montrer fidèles, dès leur nomination, à l’égard de la monarchie en échange de leur rémunération, sans quoi cette dernière peut décider de sanctions à leur encontre. En outre, en échange de la fidélité, les plus hautes autorités de la monarchie savent récompenser des individus en les nommant aux plus hautes charges de l’administration politique et militaire.
Les alcaids : entre fidélité au roi et intérêts personnels
Comptant parmi les officiers royaux subalternes du gouverneur des comtés de Roussillon et de Cerdagne, les alcaids correspondent aux châtelains et sont souvent qualifiés de gouverneurs de châteaux dans les textes. Ces personnages sont souvent des membres de la petite ou moyenne noblesse de la frontière.
Dès la fin du XIVe siècle, leur charge a été clairement définie, cette période étant celle d’une reprise en main des deux Comtés, par le pouvoir aragonais.
Ces personnages doivent accomplir leurs obligations militaires en résidant dans leurs châteaux, avec leurs familles, tout en veillant à l’état des fortifications, des armes et en assurant le bon approvisionnement de leur forteresse[8]. À l’origine et comme semblent le démontrer les lettres de provision des nouveaux alcaids, ces personnages sont dépendants de l’autorité du monarque mais celui-ci a délégué cette tâche au vice-roi d’Aragon qui est aussi son lieutenant et capitaine général. Cette délégation de tâche apparaît ainsi très distinctement, par exemple, dès le début de l’acte de provision d’un alcaid portant le nom de Joan de Vilanova, daté de 1586 et nommé châtelain de l’alcaydie de la « Porte Notre Dame », également appelée « Castillet » :
« Provisio alcaydie castri regÿ memorie Porte Beate Marie, ville [Perpiniani] vocati lo Castellet, in persona illustratis (?) don Jacobi de Vilanova.
Don Carlos de Aragon, duque de Terranova […], virrey, lurgarteniente y capitan general en el principado de Catalunya y condados de Rosellon y Cerdanya […][9] ».
L’alcaydie est une châtellenie, qui fait office de subdivision territoriale de la monarchie et participe, en tant que telle, à son maillage administratif. Ces châtelains, véritables hommes du roi, se voient également attribués, pour certains d’entre eux, des fonctions de sous-viguiers[10]. Ils sont aussi gagés sur les finances du domaine royal, dont a la charge le procureur royal des Comtés.
Par ailleurs, dès la fin du XVe siècle, l’entretien des forteresses royales de la frontière Nord- Est, constitue un tel enjeu pour faire face à une éventuelle incursion venant du royaume de France, que la monarchie hispanique a jugé nécessaire la création d’un office de « Maître des Œuvres du Roi ». Cet officier royal agit en tant que lieutenant du procureur royal et est chargé de la visite des différents points de défense royaux de la frontière afin d’établir un rapport sur les éventuels travaux à effectuer. Ces travaux peuvent tout aussi bien être des réparations, comme des améliorations à apporter sur les défenses d’un site.
Il s’agit alors, pour la monarchie, de pouvoir compter sur un personnel technique compétent qui vient suppléer à la fois le procureur royal, ainsi que le gouverneur des Comtés à cette charge et d’appuyer, sur place, les alcaids. La compétence est aussi un des critères de nomination des nouveaux alcaids car pour ces derniers, il convient d’avoir une expérience militaire. Le cas de Gaspard de Tort, seigneur de Tresserre et de Villemolaque en est tout à fait révélateur puisque ce dernier combat aux Pays-Bas, durant la deuxième moitié du XVIe siècle et repousse des attaques françaises, en Roussillon, durant la première moitié du XVIIe siècle. Il est ensuite nommé alcaid de la Porte Notre-Dame de Perpignan, le 16 février 1616[11].
Mais au-delà de ce seul critère, celui de la fidélité au roi semble être primordial. Chacune des lettres de provision, ensuite recopiées sur les registres de la Procuration royale des comtés de Roussillon et de Cerdagne, oblige le personnage désigné, à prêter hommage au roi, en joignant ses mains à celles d’un délégué de la capitainerie générale de la principauté de Catalogne qui en recueille les termes : « […] que guarda el dicho castillo y no le entregara a [enemigos] de su [magestad] que assi conviene a su real servicio […] »[12]. Ces délégués de la capitainerie générale, autrement dénommés « lieutenants du capitaine général des comtés de Roussillon et de Cerdagne », sont aussi connus sous le nom de Portantveus ou Porte-voix du gouverneur général. Cette charge correspond à celle de gouverneur des comtés de Roussillon et de Cerdagne. Il est dès lors possible, à partir de cette charge, de voir à quel point s’est mise en place une mécanique administrative descendante au sein de la monarchie hispanique, dans le courant du XVIe siècle.
De fait le roi, par le biais de son vice-roi, n’a plus qu’un rôle d’approbation de cette nomination comme le démontre l’acte de provision de l’alcaid Dalmau Dez Callar à la châtellenie de Puyvalador en 1598 : « […] [L]e nombro para lo suso dicho [servicio ?] hasta que su [magestad] o el [senyor] duque de Feria en su nombre provean y manden otra cosa. […][13] ».
Cette mécanique permet en réalité au pouvoir central, de décentraliser son autorité afin d’accorder une large place au sein de l’administration royale des Comtés à des membres de la noblesse locale. Celle-ci s’observe de manière plus précise en observant le cas des alcaids. Ces derniers exercent une fonction de gouverneurs, mais à plus petite échelle que le gouverneur des Comtés. Cette échelle correspond à celle du ressort de la châtellenie qui leur est confiée et dont l’importance varie selon qu’il s’agisse du chef-lieu d’une sous-viguerie ou bien d’une châtellenie qui n’est pas immédiatement frontalière et donc de moindre importance sur le plan stratégique.
Enfin, les actes de provision des châtelains de Puyvalador, dans cette deuxième moitié du XVIe siècle permettent d’analyser une pratique récurrente de la noblesse de frontière, à savoir, le maintien sur des générations à une même charge, de membres d’une même famille. Parallèlement à la mise en place de cette stratégie familiale, se déploie aussi celle de la course à l’obtention d’une telle charge. C’est ce dont témoigne l’acte de provision de Pierre de Terreros qui fait mention d’un certain « Jacobi de Terreros », décédé et laissant sa charge vacante. S’agit-il du père et de son fils ? L’état actuel de nos recherches ne permet pas de l’affirmer mais le Dictionnaire des biographies roussillonnaises de Jean Capeille cite plusieurs membres de la famille de Terreros qui se sont succédés à l’alcaydie de Puyvalador depuis le début du XVIe siècle. Il est néanmoins possible de constater une interruption de plusieurs décennies entre Fortuné de Terreros, nommé à cette charge à partir de 1507 et ce, jusqu’à une date inconnue. Il s’agit du premier membre de cette famille à exercer cette charge. Par la suite, d’autres alcaids appartenant à la même famille se succèdent sans interruption entre le règne de Charles Quint et celui de Philippe III. Pendant l’intermède suivant l’exercice de l’alcaydie par Fortuné de Terreros, d’autres membres de la noblesse locale ont également exercé cette charge comme, par exemple, Don Pedro de Castro[14]. Cette patrimonialisation d’un office royal, majeur pour la défense des Comtés, met aussi en exergue un véritable cursus honorum, au sommet duquel se trouve l’exercice de la charge de gouverneur des comtés de Roussillon et de Cerdagne voire celle de gouverneur de la principauté de Catalogne. À titre d’exemple, Ramon d’Oms, nouvellement nommé superintendant des arsenaux royaux de Barcelone en 1598, est dans l’obligation d’abandonner sa charge d’alcaid du château d’Elne du fait de l’exercice de sa nouvelle charge. Selon un document issu de la chancellerie royale du Conseil d’Aragon, le duc de Feria, vice-roi, a mentionné dans une lettre du 9 décembre 1597, que les obligations de Ramon d’Oms aux arsenaux royaux de Barcelone l’empêchent d’accomplir de manière efficiente la garde de la forteresse d’Elne[15].
Ainsi, l’étude de la charge d’alcaid a permis de voir à quel point celle-ci représente non seulement un intérêt pour la monarchie hispanique de pouvoir compter sur des agents fidèles et compétents sur sa frontière pyrénéenne, mais aussi un intérêt pour les membres de la noblesse locale de s’élever aux plus hautes charges de l’administration politique et militaire.
En dernier lieu, le cas du gouverneur des comtés de Roussillon et de Cerdagne, don Joan de Queralt permet de voir à quel point ces personnages, membres de l’élite locale, sont certes puissants, mais ont aussi besoin de la confiance des plus hautes autorités de la Couronne d’Aragon pour s’élever socialement et atteindre le plus haut niveau de leur carrière. Cette confiance est toutefois facilement mise à mal dans ce contexte de troubles politiques et religieux qui correspond à la deuxième moitié du XVIe siècle.
Une fidélité mise à rude épreuve en haut lieu mais finalement récompensée : l’affaire du gouverneur don Joan de Queralt
En 1602, alors même que des soupçons de traitrise ont durant quelque temps, entaché sa réputation et l’ont conduit à être révoqué par le Conseil royal d’Aragon, le gouverneur des comtés de Roussillon et de Cerdagne, don Joan de Queralt, accède au sommet du cursus honorum administratif et militaire de la Principauté de Catalogne en occupant la charge de gouverneur de Catalogne. Cela étant, un complot fomenté à son encontre, quelques années auparavant, a failli lui coûter sa carrière politique.
En effet, c’est un 28 juin 1598, à l’occasion de fin de la guerre entre la France et l’Espagne, à la suite des guerres de Religion, qu’un habitant de la ville d’Alet, située dans le royaume de France, vient se confesser dans la sacristie du cloître des Carmes de Perpignan[16]. Ce dernier se prénomme François Semaler et les informations qu’il livre à ce moment précis sont de la plus haute importance car elles mettent au jour un complot qui a été fomenté contre le gouverneur des comtés de Roussillon et de Cerdagne, don Joan de Queralt, quelques années plus tôt[17]. En effet, il semblerait que cet important personnage ait été injustement accusé par le seigneur de Mosset d’avoir facilité l’entrée des Français sur sa seigneurie, mais aussi, d’avoir commis d’autres graves crimes tels que le passage de chevaux entre l’Espagne et la France. Cette fausse accusation, véritable machination politique était en réalité destinée à déstabiliser le gouverneur des Comtés. Parmi les personnages impliqués dans celle-ci, apparaissent des personnages de haut rang comme Fernand de Tolède, fils naturel du troisième duc d’Albe, Ferdinand Alvare de Tolède. Au moment de la fausse accusation délivrée par le seigneur de Mosset contre Queralt, Fernand de Tolède est « capitaine général », c’est-à-dire, commandant de toutes les forces militaires présentes sur le territoire de la principauté de Catalogne et des comtés de Roussillon et de Cerdagne depuis le début du XVIe siècle. À partir de 1512, cette charge se confond par ailleurs avec celle de vice-roi ou de lieutenant général de Catalogne[18].
Cependant, Ferdinand de Tolède n’est pas qu’un simple bureaucrate, puisque ce personnage a aussi fait carrière dans les ordres religieux militaires et plus particulièrement dans celui de Saint-Jean-de-Jérusalem en tant que prieur et notamment du royaume de Castille[19]. Il peut donc être facile pour un personnage de cette envergure politique et religieuse, de tisser des liens avec l’Inquisition, une institution très active sur la frange pyrénéenne de la monarchie hispanique[20]. Par ailleurs, le lieu où a été recueillie la confession de François Semaler n’est pas anodin puisque le cloître en question se trouve être le siège de l’Inquisition dans les comtés de Roussillon et de Cerdagne[21]. Comme l’a indiqué l’historien André Escarra, il semble que les Carmes, tout comme les Dominicains, aient joué un rôle traditionnel dans l’Inquisition[22]. Quant au texte, celui-ci mentionne le passage de chevaux d’un côté à l’autre de la frontière. À cette époque, il s’agit une activité de contrebande car ce trafic peut permettre à l’ennemi « huguenot » ou « français » de bénéficier de moyens pour combattre. De plus, les Cortes de Mónzon ont qualifié ce crime de crime de lèse-majesté depuis 1565. À ce titre, cette activité, d’après Bartholomé Bennassar, est sévèrement réprimée par l’Inquisition qui poursuit la politique menée par la monarchie hispanique pour contrer l’ennemi français, le plus souvent accusé d’hérésie sur cette marge frontalière[23].
Par ailleurs, d’autres personnages de haut rang sont cités dans la confession de François Semaler, notamment don Diego de Robledo, ainsi que don Garau de Cruïlles, seigneur de Mosset. Ce dernier personnage est important car, de par sa charge, il est lui aussi au centre de l’affaire. Située dans le Conflent, sa seigneurie est régulièrement aux prises avec les huguenots ainsi qu’avec les Français. Au cours de cette période de guerres de Religion, il n’est pas toujours aisé de déterminer, pour les Espagnols, de quel ennemi il s’agit véritablement à chaque incursion. Il peut en effet s’agir de « seigneurs de la frontière » qui mènent souvent lors de ces troubles, des opérations de razzias[24]. Il n’en demeure pas moins, toutefois, que ces mêmes « seigneurs de la frontière » peuvent faire appel à des mercenaires gascons, comme le rappelle Patrice Poujade en évoquant la composition des bandes de brigands pyrénéens ou de bandolers[25].
En dernier lieu, dans ce contexte de guerres privées qui sont de véritables luttes de clans seigneuriaux, il est facile pour un parti de souhaiter discréditer son adversaire aux yeux des autorités et, pourquoi pas, au plus haut sommet de l’État, en bénéficiant de l’appui de personnages puissants afin d’accaparer une position avantageuse. Les deux familles seigneuriales impliquées, celle de Queralt et de Cruïlles i de Santa Pau, se sont retrouvées mêlées aux affaires de la seigneurie de Mosset et à celle du gouvernement des comtés de Roussillon et de Cerdagne depuis au moins le XIVe siècle. Une jalousie inextinguible entre ces deux familles serait-elle née de cette situation ? Le doute peut-en être permis, sans qu’il soit pour l’instant possible de faire remonter à la surface les réelles motivations de don Garau de Cruïlles. Aurait-il été motivé par la soif de pouvoir et par la convoitise de l’exercice de la charge de gouverneur des Comtés ?
Nous l’avons vu à travers cette affaire, la fidélité des agents de la monarchie, en temps de troubles politiques et religieux dans les comtés de Roussillon et de Cerdagne durant la première modernité, peut être mise à mal par l’ambition, qui est un moteur de nombreux grands personnages pour tirer avantage de leur position sur la marge frontalière de la monarchie hispanique. Cela étant ces personnages ne sont pas non plus dénués d’un sens de l’intérêt public, notamment, quand il s’agit de défendre les habitants de leur seigneurie, regroupés en communautés afin de défendre leurs intérêts.
Des communautés d’habitants confrontées à des menaces sur la zone frontalière (de la fin du XVIe siècle au début du XVIIe siècle)
Les menaces pèsent sur les communautés d’habitants, le long de la ligne frontière résultant du traité de Corbeil de 1258 départageant les possessions aragonaises du monarque hispanique d’avec celles du roi de France en Languedoc. Elles se remarquent par leur récurrence au cours de cette période de troubles religieux et politiques. Qu’il s’agisse d’incursions menées par des capitaines de guerre huguenots ou de « seigneurs de la frontière » français, la préoccupation majeure de ces communautés reste leur mise en défense.
L’intérêt défensif dans un contexte d’agitation politique et religieuse
Comme le précise l’historien Patrice Poujade, dans un article publié en 2002 : « Dire que la guerre est un fait constant pour les sociétés de l’Ancien Régime, qui la considéraient comme un des trois grands fléaux menaçant l’existence des populations, est un truisme[26] ». De par leur situation ainsi que par le contexte géopolitique de l’époque, les habitants des communautés frontalières sont exposés aux ravages des conflits, qu’il s’agisse de conflits entre belligérants, comme de conflits privés. Pour faire face, les autorités locales, notamment les « petits seigneurs » tels que les barons, ont pu être à l’initiative d’armements « privés » dans le ressort de leur seigneurie. C’est ce que démontre l’exemple du baron de Mosset, don Garau de Cruïlles i de Santa Pau, qui en 1580, alors que la région du Conflent est à feu et à sang en raison des attaques huguenotes, arme les prêtres de sa bourgade, de pedrenyals qui sont des sortes d’arquebuses courtes, facilement transportables et dissimulables sous une cape de berger. Toutefois, même s’il ne faut pas se laisser abuser par les accusations d’hérésie que recevaient facilement les Français passant la frontière en raison de l’essor du protestantisme qu’a connu le royaume de France au cours du XVIe siècle, il n’en demeure pas moins que certaines régions, notamment dans le Sud et assez proches de la frontière hispanique, constituaient de véritables bases huguenotes[27].
En souhaitant mener une étude cartographique de la présence huguenote entre le royaume de France et les comtés de Roussillon et de Cerdagne, il est possible d’observer que le territoire huguenot constitue une bande territoriale qui court du comté de Foix, en passant par le pays d’Olmes. Ce dernier pays est une possession de la famille de Lévis-Mirepoix et dont l’un de leur membre est un des principaux chefs de guerre protestant, Jean-Claude de Lévis, sire d’Audou et dont le bastion est établi à Bélesta. Ce territoire permet ensuite la jonction avec le diocèse d’Alet qui est fréquemment menacé par des incursions huguenotes d’origine fuxéenne. Une base huguenote est aussi établie au niveau du territoire de Bugarach sur une période qui semble s’étaler entre 1572 et 1586[28]. Plus au Sud, de l’autre côté de la frontière le Conflent, qui est l’un des pays qui composent les comtés de Roussillon et de Cerdagne, est en première ligne face aux incursions huguenotes[29]. Les principaux axes de pénétration des Français, comme des Huguenots sont alors, le plus souvent, des cols de montagne tels que celui de Jau et qui permet de relier Mosset à Counozouls, du côté français ; le col de Puymorens, permettant de faire la liaison entre la Cerdagne et le comté de Foix ; le col de Saint-Louis, permettant de relier le Bas-Languedoc et le Roussillon et enfin, les Corbières à travers une étroite voie littorale séparant la forteresse de Salses avec un château à Fitou, du côté français.
Fig. 1. Carte géopolitique des comtés de Roussillon et de Cerdagne (deuxième moitié du XVIe siècle - 1659) © Galdric Vidal.
Terres seigneuriales, mais aussi églises et prieurés isolés sont souvent incendiés et pillés par les huguenots qui franchissent aisément les cols de montagne. À ce titre, les défenses du prieuré de Serrabone restent encore une énigme que la présente recherche menée dans la thèse de doctorat a pour objet, parmi d’autres, de résoudre. Bien que situé dans les Aspres, une région naturelle qui ne se situe pas sur la ligne frontière avec le royaume de France, le prieuré dispose néanmoins d’une mise en défense singulière. Celui-ci se démarque par une massive tour-clocher, pourvue d’une meurtrière mais également de ce qui semble être une bouche à feu, peut-être pour l’emploi d’un petit canon de style fauconneau[30]. Un orifice similaire peut- être constaté à l’église paroissiale de Mosset[31].
De fait, même si l’existence de ces bouches à feu reste encore à l’état d’hypothèse, une chose peut être confirmée grâce à la lecture de l’historiographie existante. En effet, les Aspres et le Conflent ont connu de nombreuses incursions huguenotes. Ainsi, en 1580, des huguenots venus du comté de Foix, attaquent le bourg de Bouleternère et la même année, pillent l’église de Domanova. Ils manquent aussi de s’emparer de la ville de Vinça en 1592[32]. La région connaît donc une insécurité chronique et aussi bien les lieux situés à l’écart que les communautés d’habitants sont concernés par ces attaques. Cette forme de petite guerre, aussi bien pratiquée par les bandes huguenotes que par les quadrilles ou bandes de bandolers vise aussi bien à voler du bétail qu’à faire des otages pouvant être rançonnés[33].
Pour faire face à la menace, aussi bien les autorités royales, que, parfois, des membres de l’élite communale, se soucient de militariser la population en l’organisant en milice armée, autrement dénommée Sometent. Ils construisent en outre des lieux de défense qui peuvent servir de lieux de refuge à la population locale. Cela est le cas à Los Masos, un petit hameau situé un peu à l’écart avant d’arriver à Prades. Le 7 mai 1561, un acte est effectivement passé devant Gabriel Vilar, lieutenant du procureur royal des comtés de Roussillon et de Cerdagne qui accorde à Jean Navarre, le droit de faire édifier une tour de défense[34].
Enfin, le Sometent qui est une milice d’autodéfense, consiste en la réunion, au son du tocsin, des habitants en âge de porter les armes, de 14 à 60 ans et issus des villages et villes situés dans un territoire donné face à un éventuel agresseur. Cela est le cas, le 25 juillet 1594, lorsque don Joan de Llupià est nommé par le capitaine-général de Catalogne comme chef de guerre des habitants de Castelnou et des autres lieux du ressort de la seigneurie, afin de repousser l’ennemi huguenot. Ordre est alors donné à ce personnage, issu d’une prestigieuse lignée de procureurs royaux des Comtés, que ces habitants « s’arment d’arquebuses, arbalètes et autres armes efficaces […] et qu’ils aillent aux lieux et parties pour garder et défendre la [dite] terre et de l’offense des ennemis […][35] ».
Nous venons de le voir, la mise en défense des communautés frontalières, dans un contexte de troubles qui est celui de la fin du XVIe siècle et qui s’étend jusqu’à la première moitié du XVIIe siècle, semble être l’affaire de chacun. Enjeu pour les autorités monarchiques qui souhaitent endiguer les incursions huguenotes ou françaises, celle-ci est aussi une priorité pour les autorités locales, qu’elles soient seigneuriales ou communautaires, afin de faire face à l’ennemi.
Conclusion
Cet article a permis d’insister sur l’importance qu’ont jouée les élites locales dans la diffusion de l’autorité royale au sein d’une marge frontalière que constituent les comtés de Roussillon et de Cerdagne en exerçant des charges leur permettant d’en être de véritables relais. Pour autant, bien que la monarchie ait pu compter sur leur fidélité, il lui a aussi fallu composer avec leurs intérêts. Bien sûr, la monarchie, par le biais de l’Inquisition, disposait d’un instrument de contrôle efficace à la fois pour faire face à l’hérésie à sa frontière, mais également pour s’assurer que les élites locales, même au plus haut de leur carrière, n’aillent trop loin dans d’éventuels actes de contrebande. Mais c’est aussi là tout le problème, notamment lorsque des agents fidèles se font injustement accuser de crimes de lèse-majesté. Dans cette périphérie de la monarchie hispanique, il est en effet aisé pour des individus ambitieux, de vouloir discréditer leur adversaire, en bénéficiant du soutien de puissants personnages grâce à leur réseau de clientèle. Le clientélisme est d’ailleurs au cœur des enjeux de pouvoir au cours de cette première modernité au sein des comtés de Roussillon et de Cerdagne, tout comme la patrimonialisation des offices royaux, afin de conforter sa famille à d’intéressantes charges de l’administration royale. Pour finir, le contexte de troubles politiques et religieux qui saisit toute cette bande frontalière entre royaume de France et monarchie hispanique, préoccupe au plus haut point les communautés d’habitants qui sont néanmoins intégrées dans des réseaux de solidarités afin de pouvoir les mettre en défense. Les acteurs locaux, qu’il s’agisse de seigneurs locaux ou de membres de l’élite communale, y jouent ainsi un rôle primordial.
[1] BUYREU Juan Jordi, Institucions i conflictes a la Catalunya moderna, Rafael Dalmau, Barcelona, 2005, p. 185-191.
[2] SALES Núria, De Tuïr a Catarroja : Estudis sobre institucions catalanes i de la Corona d’Aragó (segles XV-XVIII), Afers, Catarroja i Barcelona, 2002, p. 44. Citée par JORDÀ FERNÁNDEZ Antoni, « Memorials en defensa de la unitat del principat de Catalunya i els comtats de Rosselló i Cerdanya (s. XVII) », Revista de Dret Històric Català, 2016, vol. 14, p. 32.
[3] La forme dite pactiste de la monarchie hispanique signifie qu’il existe un contrat associant le monarque à ses sujets. Néanmoins, en cas de manquement à ses devoirs comme celui du non-respect des privilèges et des particularismes locaux, l’autorité monarchique ne se verrait pas attribuer le respect qui lui est normalement dû, par le peuple. Voir à ce sujet, PAILLERET Laura, Le domaine des seigneurs de Monclar en Roussillon, mémoire de Master 1 sous la direction de Patrice Poujade, Perpignan, Université de Perpignan, 2021, p. 18.
[4] BUYREU Juan Jordi, Institucions…, op. cit., p. 185.
[5] Les sources consultées dans le cadre de la présente thèse de doctorat en cours et menée sous la direction de Patrice Poujade, l’ont été dans un but d’étude comparatiste entre les deux côtés de la frontière. Le présent article, ne livre qu’un échantillon de sources représentatives et permettant de répondre à la problématique posée par le sujet. Ici, ne seront mentionnées que des sources hispaniques puisque les incursions frontalières ont surtout été observées depuis le côté hispanique de la frontière. Ces sources se trouvent principalement conservées aux Archives départementales des Pyrénées-Orientales (ADPO) et notamment dans la sous-série des registres de la Procuration royale des comtés de Roussillon et de Cerdagne (sous-série 1B). Au cours de la période étudiée, cette institution est chargée de l’administration des biens fonciers de la monarchie hispanique se trouvant dans les Comtés, mais aussi de l’administration des châtellenies royales, en appui des châtelains et comme nous l’évoquerons par ailleurs dans cet article.
[6] « La Catalogne est autant une frontière par terre que par mer [et] qu’elle seule est le bastion de toute [l’]Espagne mais par aucune autre partie les ennemis ne peuvent [y entrer] parce que les Monts Pyrénéens et les Neiges la défendent. [C’est] seulement par le Roussillon qu’ils peuvent à pied [entrer dans] la plaine aussi bien en hiver qu’en été avec une armée et être secourus par la mer et par la terre ». A.G.S. (Archivo General de Simancas), Estado, 1. 301, fol. 126. Cité par BUYREU JUAN Jordi, ibid., p. 389.
[7] L’historien Christian Wingler parle d’un « contrat tacite » par lequel le devoir d’obéissance des vassaux dépend du respect des libertés et institutions particulières de chaque province de la monarchie hispanique. Cf. WINDLER Christian, « De la neutralité à la relation tributaire : la Franche-Comté, le duché de Bourgogne et le royaume de France aux XVIe et XVIIe siècles », in CHANET Jean-François et WINDLER Christian (dir.), Les ressources des faibles. Neutralités, sauvegardes, accommodements en temps de guerre (XVIe-XVIIIe siècle), Presses universitaires de Rennes, Rennes, 2010, p. 178.
[8] SAGUER Romain, « Consolidation ou disparition des frontières ? Les comtés de Roussillon et de Cerdagne après la chute de la couronne de Majorque (seconde moitié du XIVe siècle) », Frontières spatiales, frontières sociales au Moyen Âge. Congrès de la SHMESP (Perpignan, 21-22 mai 2020), Société des historiens médiévistes de l’enseignement supérieur public, Éditions de la Sorbonne, Paris, 2021, p. 195-210. Les châteaux royaux sont qualifiés de forteresses par le pouvoir royal.
[9] ADPO, 1 B 375 « Provision de l’alcaydie du château royal [pour mémoire ?] de la Porte Notre Dame, [de] la ville de Perpignan, appelée le Castillet, en la personne de l’illustre (?) don Jean de Vilanova. Don Charles d’Aragon, duc de Terranova […], vice-roi, lieutenant et capitaine général dans la Principauté de Catalogne et comtés de Roussillon et Cerdagne […] ». Par l’acte ici transcrit et traduit, don Jean de Vilanova, membre de la famille éponyme et dont nous aurons l’occasion de reparler dans l’article, se trouve nommé à la tête de l’une des principales portes fortifiées de la ville.
[10] Cela est le cas, par exemple, pour l’alcaid de Puyvalador, qui exerce sa charge sur une châtellenie frontalière. Ce dernier se voit attribuer la fonction de sous-viguier du Capcir. Ses missions ont non seulement pour but de pourvoir à la défense d’une partie des Comtés, mais également de surveiller le passage de la frontière, comme de pourvoir au maintien de l’ordre sur la circonscription notamment face à d’éventuels bandits. Cf. VIDAL Galdric, Pouvoirs et sociétés montagnardes en région de frontières à l’époque moderne : jeux de frontières, jeux de pouvoirs et sociétés civile et militaire en Capcir, Conflent et Vallespir (XVIe-XVIIIe siècle), mémoire de Master 2 sous la direction de Patrice Poujade, Perpignan, Université de Perpignan, 2021, p. 90-91.
[11] CAPEILLE Jean, Dictionnaire de biographies roussillonnaises, Imprimerie-Librairie catalane de J. Comet, Perpignan, p. 621.
[12] Provision de l’alferez Dalmau Dez Callar à l’alcaydie de Puyvalador, le 20 septembre 1598 « […] qu’il garde ledit château et qu’il ne le livrera pas aux [ennemis] de sa [majesté] et qu’ainsi il convienne à son royal service […] ».
[13] ADPO, Id., « [J]e le nomme pour le susdit [service ?] jusqu’à ce que sa [majesté] ou le [seigneur] duc de Feria en son nom, [le confirment à sa charge] et demandent autre chose. […] ».
[14] CAPEILLE Jean, op. cit., p. 618.
[15] « El duque de Feria, por su carta de 9. De Deziembre passado, dize [que] Don Ramon Doms que sirve a [vuestra] [Magestad] de superintendente de las Atarçanas de aquelle ciudad, es alcayde del Castillo de Elna, y que con la mucha occupación [que] tiene en la fabrica de la galeras (a [que] forçosamente ha de assistir) no puede acudir a la guarda del castillo como tiene obligación […] ». « Le duc de Feria, par sa lettre du 9 décembre [1598] passé, dit que Don Ramon Doms qui sert [Votre] [Majesté] en tant que superintendant des Arsenaux royaux de cette ville [Barcelone], est alcaid du château d’Elne et qu’avec la grande occupation qu’il tient dans la fabrique des galères (ce pour quoi il est obligé) ne peut plus aller garder le château pour lequel il est tenu […] ». Archives de la Couronne d’Aragon (ACA), Consejo de Aragon, legajos, 0265, n°051.
[16] ADPO, 1 B 377. Cet habitant de la ville d’Alet est dit « originaire de la ville d’Ille » et cette dernière est située au sein du comté de Roussillon.
[17] Le prénom catalan Joan correspond au prénom Juan en castillan.
[18] « Capità general », Gran enciclopedià catalana. URL : https://www.enciclopedia.cat/gran-enciclopedia- catalana/capita-general-3 [consulté le 26/12/2023].
[19] MATEU IBARS Josefina, « Algunas “noticias” sobre virreyes de la corona de Aragón en el reinado de Felipe II de Austria (1556-1598) », in Pedralbes : revista d’història moderna, Universitat de Barcelona, Barcelona, vol. 18, n°2, 1998, p. 197.
[20] En 1559, le pape Paul IV lui-même met en garde à travers un bref sur « l’invasion du luthéranisme en Espagne ». Cf. REBARDY-JULIA Emmanuelle, « L’évêché d’Elne au temps de Giginta (v.1534-v.1588) », in PAGÈS Alexandre (dir.), Giginta : de la charité au programme social, Presses Universitaires de Perpignan, Perpignan, 2012, p. 29-45.
[21] Ce monastère est aussi connu sous le nom de couvent des Carmes Deschaux. En effet, ce couvent est créé en 1589, dans l’élan de la réforme du Carmel effectuée par Thérèse d’Avila. Cf. FONQUERNIE Laurent « Un ancien couvent méconnu de Perpignan, les Carmes Deschaux », Institut du Grenat, 19 août 2017. URL : https://www.institutdugrenat.com/2017/08/un-ancien-couvent-meconnu-de-perpignan-les-carmes-deschaux/ [consulté le 20/12/2023].
[22] ESCARRA André, « Le couvent des frères prêcheurs de Perpignan », in L’ordre des Prêcheurs et son Histoire en France méridionale, Toulouse, Éditions Privat, 2001, p. 107.
[23] BENNASSAR Bartholomé, « Inquisition et pouvoirs civils dans les États des Couronnes de Castille et d’Aragon. Essai de synthèse », in AUDISIO Gabriel (dir.), Inquisition et pouvoir, Presses Universitaires de Provence, Aix-en Provence, 2004, p. 25-40.
[24] Voir à ce sujet VIDAL Galdric, « Des trajectoires individuelles et collectives au prisme de la frontière entre comtés de Roussillon et de Cerdagne et Languedoc : l’exemple des seigneurs de Mosset et du Vivier pendant les guerres de Religion (fin XVIe-début XVIIe siècle), in Sources à l’œuvre.s, 29/05/2023, URL : https://cjccrulh.hypotheses.org/722 [consulté le 24/12/2023].
[25] POUJADE Patrice, Le Voisin et le Migrant. Hommes et circulations dans les Pyrénées modernes (XVIe-XIXe siècle), Presses Universitaires de Rennes, Rennes, 2011, p. 79.
[26] POUJADE Patrice, « Les populations frontalières et la guerre dans les villages des Pyrénées centrales et orientales à l’époque moderne », in DESPLAT Christian, Les villageois face à la guerre (XIVe-XVIIIe siècle), Presses Universitaires du Midi, Toulouse, 2002, p. 217-242.
[27] Citons, à titre d’exemple, la région située autour de Castres, mais aussi, les Cévennes, sans omettre les possessions des comtes de Foix qui sont aussi rois de Navarre.
[28] URL : https://www.bugarach.fr/histoire.htm.
[29] Pour se faire une idée de la situation géopolitique de cette frontière au cours de la période étudiée, voir la carte Fig. 1.
[30] Voir Fig.2.
[31] Voir Fig.3.
[32] COMPS Jean-Pierre, « Le temps des chemins. La circulation en Bas-Conflent, au nord de la Têt du Moyen Âge à la fin du XIXe siècle », in CATAFAU Aymat, MARTZLUFF Michel, PASSARIUS Olivier (dir.), Archéologie d’une montagne brûlée. Massif de Rodès, Pyrénées-Orientales, Trabucaire, Perpignan, 2009, p. 223-225.
[33] À titre d’exemple, Henri-Montserrat du Vivier, a fait des prisonniers en 1589 à l’issue de son attaque de Bouleternère et de Vinça. Il décide cependant de les faire égorger. Cf. SALES Núria, « Els segles de la decadència (segles XVI-XVIII) », in VILAR Pierre, Història de Catalunya, Edicions 62, Barcelona, p. 63.
[34] ADPO, 1 B 373.
[35] ADPO, 1 B 384.
Bibliographie
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