La qualification du collège fétial et de ses membres durant les périodes royale et républicaine

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18 Juil
2022

Liselotte Liegois

Résumé

Le collège fétial, organe sacerdotal, fait partie des institutions archaïques majeures de Rome. La participation de ses membres à la constitution d’une pratique diplomatique proprement romaine en fait à ce titre un acteur important du développement de la jeune cité en empire territorial. Mais que savons-nous réellement de cette institution durant les périodes royale et républicaine ? Comment sont décrits et qualifiés ces prêtres, qui se distinguaient des autres prêtrises par leurs rites spécifiques ? La comparaison du vocabulaire utilisé par les auteurs antiques, aussi bien en langue latine qu’en langue grecque, permet d’apporter un nouvel éclairage sur la conception que les Anciens avaient de cette institution, dont l’existence républicaine est encore aujourd’hui fortement débattue.

Détails

Chronologie : XVIe siècle
Lieux : Rome
Mots-clés : Rome – Collège fétial  – Diplomatie – Légat – Guerre
– Paix

Chronology: XVIth century
Location: Rome
Keywords:  Rome – Fetial College – Diplomacy – Legate – War
– Peace

Plan

I – Le collège fétial : de l'Antiquité à nos jours

II – Le collegium Fetialium dans la littérature antique

III – La qualification des fétiaux agissant seuls ou en ambassade

1. Le vocabulaire latin : entre la guerre et la paix

2. Le vocabulaire grec : la prédominance de la paix

IV – Le collège fétial au service de la guerre et de la paix

Pour citer cet article

Référence électronique
Liegeois Liselotte, “La qualification du collège fétial et de ses membres durant les périodes royale et républicaine", Revue de l’Association des Jeunes Chercheurs de l’Ouest [En ligne], n°2, 2022, mis en ligne le 18 juillet 2022, consulté le 23 novembre 2024 à 10h34, URL : https://ajco49.fr/2022/07/18/la-qualification-du-college-fetial-et-de-ses-membres-durant-les-periodes-royale-et-republicaine

L'Auteur

Liselotte Liegeois

Droits d'auteur

Tous droits réservés à l'Association des Jeunes Chercheurs de l'Ouest.
Les propos tenus dans les travaux publiés engagent la seule responsabilité de leurs auteurs.

I. Le collège fétial : de l’Antiquité à nos jours

            Le collège fétial, présenté par la tradition annalistique romaine comme une institution empruntée par le roi Numa aux Équicoles ou aux Ardéates, était une sodalité composée de vingt membres, tous issus de la frange patricienne de la société romaine. D’après le témoignage de deux auteurs augustéens, Tite-Live et Denys d’Halicarnasse, qui constituent nos sources principales sur le sujet, les fétiaux étaient responsables de cinq missions principales : effectuer les demandes de restitution (rerum repetitio)[1], accomplir les rituels avant (indictio belli) et après une guerre (sacralisation des foedera), extrader les citoyens romains coupables d’une infraction envers le ius legationis ou le ius gentium et enfin répondre à des questions précises relevant du droit sacré de la guerre.

            Les plus anciennes mentions avérées du collège fétial ou de ses membres datent du Ier siècle avant notre ère, principalement chez Cicéron et Varron. D’autres auteurs plus tardifs, comme Tite-Live, Denys d’Halicarnasse, Plutarque, Aulu-Gelle et Servius (complété par Servius Danielis), ont aussi témoigné d’un certain intérêt pour cette institution archaïque. L’intérêt moderne peut être daté de la fin du 16e siècle avec les publications De iure belli (1598) et De armis romanis (1599) du juriste Alberico Gentili. Quelques années plus tard, un autre juriste, Hugo Grotius, publie De iure belli ac pacis (1625), dans lequel le collège fétial occupe une place importante. Ce n’est ensuite qu’à partir de la fin du XIXe siècle que sont publiés les travaux d’André Weiss[2], de Theodor Mommsen[3] ou encore de Tenney Frank[4], posant de solides jalons à l’étude institutionnelle et juridique du collège fétial. Un intérêt renouvelé pour cette institution apparaît dans les années 70, avec les travaux de Georges Dumézil, qui tente d’inscrire l’institution fétiale dans le système indo-européen[5]. Le collège fétial commence également à apparaître dans les travaux consacrés à la diplomatie romaine, principalement à partir des années 90[6]. Loin d’intéresser uniquement les historiens, les fétiaux continuent à être étudiés dans une perspective juridique. Ainsi, Clifford Ando intègre le droit fétial à sa réflexion sur les mécanismes d’innovation et d’adaptation juridiques romains, en particulier en matière de droit international[7]. Enfin, parmi l’ensemble des travaux publiés, ceux du juriste Giovanni Turelli sont actuellement considérés comme les ouvrages de référence[8].

II. Le collegium fetialium dans la littérature antique

            Un collegium désigne toute corporation d’individus se rassemblant dans un but religieux, économique ou social[9]. Dans l’expression collegium fetialium, rarement attestée, le terme renvoie, tout comme dans les expressions collegium pontificum ou collegium augurum, par exemple, au domaine des institutions sacerdotales romaines[10]. L’unique mention provient de Tite-Live, lorsqu’il évoque la consultation du collège par le consul M. Acilius en 191 av.n.è. :

            « Puis le consul Manius Acilius, sur décret du sénat (ex senatus consulto), en référa au collège des fétiaux (ad collegium fetialium) : « Devait-on obligatoirement déclarer la guerre au roi Antiochus en personne, ou était-il suffisant de l’annoncer à l’une quelconque de ses garnisons ? […] »[11] ».

            Cet extrait est souvent rapproché d’un autre, qui présente une forte similarité, mais dans lequel l’expression collegium fetialium est absente :

            « Le consul Sulpicius consulta les fétiaux (consultique fetiales ab consule Sulpicio) sur le processus à suivre pour déclarer la guerre au roi Philippe : fallait-il absolument la lui notifier à lui-même, ou suffisait-il de la notifier, sur le territoire de son royaume, à la garnison la plus proche ? […][12] ».

            Ces deux extraits sont les seuls à témoigner de la fonction consultative du collège fétial. Il existe enfin un dernier épisode de l’intervention du collège dans son intégralité chez Plutarque (Vie de Cam. 18, 1-3). L’évènement, daté de 391 av.n.è., fait référence au débat qui secoua les instances romaines au sujet de l’extradition d’un citoyen romain qui avait pris les armes face aux Gaulois, alors que son statut de légat le lui interdisait. Les fétiaux, garants du ius gentium, sont intervenus collégialement[13] à deux reprises (devant le Sénat et devant le peuple), afin de réclamer l’extradition du légat Fabius.

Hormis ces trois textes, on ne connaît pratiquement rien du fonctionnement du collège en tant qu’organe sacerdotal.

III. La qualification des fétiaux agissant seuls ou en ambassade

            En latin, outre fetialis, la fonction peut être désignée par certains substantifs issus du vocabulaire diplomatique. Sont ainsi distingués nuntius, orator, caduceator ou encore legatus. Il n’existe toutefois aucun équivalent exact du terme latin fetialis en langue grecque. De la simple translittération sous diverses formes à des termes plus spécifiques, les substantifs grecs sont beaucoup plus diversifiés que ceux en langue latine. Pour le terme fetiales, on trouve ainsi quatre formes différentes de translittération : φετιάλιοι, φιτιάλεις, φητιάλεις ou encore φητιάλιοι. D’autres substantifs, sur lesquels nous reviendrons, ont néanmoins été privilégiés par les auteurs de langue grecque.

1. Le vocabulaire latin : entre la guerre et la paix

  • Le fetialis

            Le terme fetialis est attesté 37 fois chez Tite-Live, faisant de cet auteur la source principale en langue latine. Le contexte d’utilisation est divers, que ce soit lors de l’envoi d’une ambassade de rerum repetitio[14], de l’accomplissement du rite d’indictio belli[15], d’une extradition d’un citoyen romain[16], de la sacralisation d’un foedus[17] ou encore à l’occasion de la consultation du collège[18]. En d’autres termes, Tite-Live offre une description de chaque mission du collège fétial. Un autre auteur important est Servius[19], qui a rédigé un Commentaire de l’Énéide de Virgile au IVe siècle. Son récit, commenté et complété par Servius Danielis (VIIIe siècle), nous renseigne sur des évolutions majeures de certains rites, notamment celui d’indictio belli (Ad Aen. IX, 52). Contrairement à Tite-Live, les mentions des fétiaux chez Servius sont très ponctuelles et se limitent à la guerre et à la paix.

            Bien qu’il soit communément admis que la forme fetialis est un substantif, certains auteurs, comme Jorg Rüpke, préfèrent y voir un adjectif[20]. L’historien allemand s’appuie sur un extrait de Varron, cité par Nonius (850L)[21], dans lequel les termes fetiales et legati sont combinés. Le legatus peut être compris comme un substantif signifiant « l’ambassadeur, le député », mais ce substantif provient lui-même du participe parfait du verbe legare et signifie « celui qui est envoyé ». L’extrait de Varron ne permet pas de savoir laquelle des deux charges a la prédominance dans ce qu’il souhaite transmettre, mais nous verrons qu’il n’était pas rare pour les Anciens de combiner ces deux termes et de les utiliser comme synonymes dans certains contextes.

            Finalement, en dépit du nombre d’interventions élevé que les fétiaux sont censés avoir accomplies, ils ne sont que peu explicitement mentionnés par les auteurs anciens, y compris par Tite-Live. Les Anciens ont utilisé d’autres termes, plus spécifiques et, par conséquent, moins explicites pour les désigner.

  • Le nuntius

            Le nuntius, ‘messager’, est défini par Nonius en ces termes : c’est « la chose elle-même [le message] et la personne [le messager] (et res ipsa et persona) »[22]. Il s’agit d’un terme abondamment utilisé par les auteurs anciens dans divers contextes, y compris diplomatiques. En effet, un fétial se présentait lui-même, d’après Tite-Live, comme le nuntius public du populus Romanus : « Moi, je suis le représentant officiel du peuple romain (Ego sum publicus nuntius populi Romani) ; j’arrive chargé d’une mission juste et sainte ; qu’on ait foi en mes paroles[23] ». La dimension sacrée, présente chez les nuntii qu’étaient les fétiaux, est absente dans la définition du terme nuntius par Nonius. Ghislaine Stouder souligne, en outre, que, dans le texte de Tite-Live, le fétial n’était pas uniquement qualifié de nuntius, mais plus précisément de publicus nuntius populi Romani. En d’autres termes, quand le roi désignait le fétial comme messager du peuple romain, il lui transmettait surtout le pouvoir de « parler au nom du peuple romain », d’être son porte-parole[24]. La conséquence directe de cette nomination était l’engagement de la fides du peuple romain à chaque étape rituelle accomplie par le fétial[25]. Cette responsabilité, qui pouvait être lourde de conséquences en cas d’imprudence ou d’erreur de la part du prêtre, semble toutefois avoir été limitée à certaines prérogatives du collège : la qualification de nuntius n’est en effet employée que lorsque le fétial est envoyé déclarer la guerre (Liv. I, 32, 6) et lorsqu’il doit sacraliser un foedus (Liv. I, 24, 5).

            L’emploi et la qualification de nuntius ne sont pas anodins selon Ernesto Bianchi, qui souligne les liens existants dans le livre I de Tite-Live entre le terme nuntius et les verbes nuntiare et denuntiare[26]. L’emploi spécifique de ces verbes est notamment rapporté dans deux extraits qui ne font pas explicitement référence aux fétiaux :

            « Pendant ce temps, les délégués romains avaient présenté leur réclamation les premiers (res repetiverant priores), avaient essuyé un refus et avaient déclaré la guerre aux Albains dans un délai d’un mois. Ils rapportent (renuntiant) la nouvelle à Tullus.[27] »

            « Tullus répliqua : « Allez dire (nuntiate) à votre roi que le roi de Rome prend les dieux à témoins […] Les Albains [s.c. les légats, peut-être des fétiaux[28], qui avaient été envoyés présenter des revendications au roi Tullus] rapportent cette réponse (nuntiant) chez eux.[29] »

            La première scène (I, 22, 5) évoque sans conteste des fétiaux, qui devaient présenter les revendications romaines et annoncer l’état de guerre au terme d’un ultimatum de trente jours, si la partie adverse refusait d’accéder aux demandes romaines[30]. La seconde scène (I, 22, 7 et 23, 1) concerne l’ordre donné par le roi Tullus aux envoyés albains de rapporter la nouvelle de l’entrée en guerre de Rome à leur cité. L’expression nuntiate du roi Tullus ne signifie pas seulement que les délégués albains, probablement fétiaux, devaient notifier l’état de guerre à leur cité, mais ils constituaient eux-mêmes, en tant qu’individus, « un message »[31]. En d’autres termes, leur statut d’envoyés était à considérer à la fois comme « messager » et comme « message ». Il faut toutefois veiller à ne pas assimiler toute mention d’un nuntius comme étant un fétial. Il est en effet attesté que le terme nuntius faisait également partie du vocabulaire augural, désignant la parole de l’augure, mais aussi le cri de l’oiseau qui était observé[32]. Ce ne sont donc ici que des exemples spécifiques de l’emploi du terme, qui pouvait aussi bien désigner un individu qu’un acte de parole. Il convient enfin de noter que cette fonction de « messager » du fétial a parfois été rapprochée de la figure du héraut grec[33], qui accomplissait des tâches similaires.

  • L’orator

            Le sens diplomatique commun de l’orator est celui du porte-parole ou de l’envoyé :

            « Chez Ennius : le porte-parole (orator) revient sans la paix et expose l’affaire au roi ». Orator a été dit d’après oratio (parole) ; en effet celui qui s’adresserait officiellement à celui vers qui il était délégué s’est appelé orator d’après oratio. Quand l’affaire était d’importance majeure, on choisissait de préférence des gens capables de plaider (orare) l’affaire de la façon la plus avantageuse. C’est pourquoi Ennius dit : « Des porte-paroles sachant parler ».[34] »

            La figure de l’orator est associée au fétial chez deux auteurs du Ier siècle av.n.è., Cicéron et Varron cité par Nonius :

            « Que des conditions de la paix, de la guerre et des trêves soient les porte-paroles fétiaux (oratores fetiales), non vengeurs : qu’ils arbitrent les guerres.[35] »

            « Avant qu’ils ne déclarent la guerre à ceux par qui ils savaient que des torts avaient été commis, ils envoyaient quatre fétiaux comme légats (faetiales legatos […] mittebant quattuor), qu’ils appelaient oratores, pour porter réclamation (res repetitum)[36] ».

            L’extrait de Cicéron, étant donné son caractère mutilé, pose un problème pour certains auteurs[37]. Par exemple, John Rich, qui suit la tradition manuscrite, opte pour le terme iudices (« juges ») de préférence à vindices (« défenseurs », « protecteurs »)[38]. Georges de Plinval, qui a édité et traduit le texte dans la Collection des Universités de France, a quant à lui privilégié le terme vindices, pourtant absent des manuscrits du texte cicéronien conservés. L’interprétation de l’extrait ne s’en trouve toutefois pas modifiée et les fétiaux sont clairement présentés comme étant les spécialistes du ius belli à Rome. Ghislaine Stouder souligne, quant à elle, l’importance de la parole dans la notion d’orator : le verbe orare, dont dérive le substantif orator, renvoie à la fois à l’éloquence et à la prière[39]. Autrement dit, dans le cadre diplomatique, l’orator est celui qui dispose d’une fonction oratoire, laquelle peut également revêtir une caractéristique religieuse[40]. Finalement, tandis qu’à l’origine, le terme orator désignait spécifiquement « celui qui prononçait des formules religieuses et accomplissait des gestes rituels », il a rapidement été employé afin de désigner tout ambassadeur (romain ou étranger) sans distinction, avant d’être définitivement remplacé par legatus[41].

  • Le caduceator

            Le caduceator est un individu qui portait un caducée, attribut originellement grec, le κηρύκειον. Le caducée symbolisait l’inviolabilité dont était pourvu le héraut grec lors de ses déplacements. À propos du caduceator dans le monde diplomatique romain, Servius rapporte ceci :

            « Parce que la paix est normalement faite par les caduceatores, c’est-à-dire des intermédiaires (internuntios)[42] ».

            « C’est pourquoi, selon Tite-Live, les envoyés de paix (legatis pacis) sont appelés caduceatores ; de même, en effet, que c’est par l’intermédiaire des fétiaux dont le nom vient de foedus que la guerre était déclarée (per fetiales a foedere bella indicebantur), la paix étant faite par l’entremise des caduceatores.[43] »

            Le caduceator est présenté comme l’envoyé de la paix, par opposition aux fétiaux envoyés pour la guerre[44]. Cette distinction n’a pourtant rien d’évident, puisque le fétial pouvait aussi être envoyé en tant que messager de la paix[45]. Néanmoins, dans la littérature latine, les caduceatores désignaient presque exclusivement les envoyés étrangers, plus particulièrement grecs (envoyés royaux) ou carthaginois[46].

  • Le legatus

            Cette première partie consacrée au vocabulaire latin se conclut avec la figure du legatus. Il s’agit du terme qui est le plus souvent utilisé en contexte diplomatique romain[47]. S’agissant du participe parfait passif de legare, mais le plus souvent employé comme substantif, le legatus peut faire référence à plusieurs fonctions spécifiques : un lieutenant en contexte militaire, un individu chargé d’une mission ponctuelle, l’adjoint d’un gouverneur de province (legatus proconsulis) à l’époque impériale, un envoyé sénatorial, le légat de légion, etc.

            Le fétial est qualifié à plusieurs reprises de legatus par les auteurs anciens, ce qui a pu entraîner une certaine confusion dans la distinction de ces deux charges. Le premier extrait concerne la description de la rerum repetitio chez Tite-Live :

            « En arrivant aux frontières du pays auquel on adresse une réclamation, l’envoyé (legatus) se couvre la tête du filum (c’est un voile de laine) et dit « Écoute, Jupiter : écoutez, frontières de tel ou tel peuple (ici il le nomme), et que le Droit Sacré m’écoute aussi. […] »[48] »

            Tite-Live qualifie le fétial de legatus, ce qui, au premier abord, n’est pas surprenant, puisque le fétial était effectivement un envoyé. Toutefois, la distinction entre les deux fonctions est parfois explicitement exprimée :

            « Comme à cette date la durée de la trêve avec le peuple de Véies avait expiré, des délégués (legatos) et des fétiaux (fetialesque) commencèrent à présenter des revendications (res repeti coeptae).[49] »

            La distinction entre les fonctions n’étant néanmoins pas systématique, certains chercheurs pensent que les fétiaux ont été remplacés par des légats sénatoriaux[50]. Ces derniers étaient des individus choisis au sein du Sénat pour accomplir les mêmes missions que les fétiaux (rerum repetitio et denuntiatio), mais sans posséder le statut de prêtres. Ce remplacement est daté du IIIe siècle av.n.è., lorsque Rome a entrepris ses premières guerres au-delà de la péninsule italique. L’institution fétiale étant inconnue au-delà des frontières italiques[51], il semble tout à fait logique que les Romains aient décidé de la délaisser au profit d’agents sénatoriaux sans prérogative religieuse. Le changement n’a toutefois pas été immédiat et des traces d’une coexistence entre les deux fonctions au sein de certaines ambassades aux IVe et IIIe siècle av.n.è. peuvent être constatées[52]. La dernière apparition des fétiaux est datée de 137 av.n.è. à l’occasion de la reddition du consul C. Hostilius Mancinus à Numance[53]. Un siècle plus tard, en 32 av.n.è., le jeune Octave raviva le souvenir du rite du jet de la hasta lors de la déclaration de guerre à Cléopâtre[54]. On ne possède finalement que peu d’informations sur le rôle joué par les fétiaux durant les deux derniers siècles républicains. Néanmoins, il est tout à fait probable qu’ils aient continué à intervenir pour les sacralisations des foedera, comme semble le refléter le vocabulaire grec.

2. Le vocabulaire grec : la prédominance de la paix

            La diversité des termes employés pour qualifier le fétial est plus grande chez les auteurs grecs. Ils relèvent de deux catégories : d’une part, il y a la simple translittération en grec du terme latin, avec φετιάλιοι, φιτιάλεις, φητιάλεις ou encore φητιάλιοι[55] ; d’autre part, les traductions. Parmi celles-ci, trois termes grecs font clairement référence au rôle joué par les fétiaux dans l’instauration de la paix, à l’occasion de la sacralisation d’un foedus.

            Le principal auteur grec est Denys d’Halicarnasse, qui qualifie les fétiaux d’εἰρηνοδίκαι[56]. Cette expression est en réalité composée de deux substantifs : εἰρήνη (la paix) et δίκη (la justice). La δίκη, distinguée de la θέμις, s’inscrit dans « l’exercice d’une activité spécifique[57] ». Dans un contexte judiciaire, la δίκη « peut consister dans une parole prononcée par le juge ou par l’arbitre[58] », ce qui peut être rapproché de l’attitude adoptée par les fétiaux telle que décrite par Denys d’Halicarnasse (Ant. Rom. II, 72). Selon ce dernier, les fétiaux étaient des porteurs de la paix et de la justice, ce qui est parfaitement conforme au ritualisme scrupuleux des Romains en matière de ius belli. De plus, εἰρηνοδίκαι, qui souligne la spécificité romaine de la fonction, est toujours employé pour désigner les fétiaux intervenant lors de la conclusion d’un traité[59], mais il n’est jamais utilisé pour qualifier le fétial accomplissant les rituels d’indictio belli. L’importance accordée par l’auteur grec à la notion de paix se retrouve chez d’autres auteurs, comme Plutarque (Ier-IIe siècle) :

            « Les Fétiaux veillaient sur la paix (Φιτιαλεῖς εἰρηνοφύλακές) et tiraient, je crois, ce nom de leurs fonctions ; car c’est par les paroles qu’ils tranchaient les différends (ἀπὸ τῆς πράξεως, λόγῳ τὰ νείκη κατέπαυον), sans permettre aucune expédition avant que tout espoir d’obtenir justice fût perdu.[60] »

            Que ce soit dans εἰρηνοφύλακες ou dans εἰρηνοποιοί[61], les références à la paix et à la parole sont à nouveau clairement identifiables[62]. Ghislaine Stouder a ainsi démontré que la mise en avant de la paix dans εἰρηνοφύλακες et εἰρηνοδίκαι s’inscrivaient probablement dans le mouvement augustéen du rétablissement de la pax au sein de l’Empire[63]. Pourtant, le rôle joué par les fétiaux dans l’établissement de la paix durant la période républicaine est négligé par les auteurs anciens. On ne connaît en effet que deux attestations de l’intervention avérée des fétiaux dans le cadre de foedera : le premier sous le roi Tullius Hostilius[64] et le second à Zama (201 av.n.è.)[65].

            On retrouve l’idée de la paix dans le terme σπονδοφόροι (ceux qui annonçaient les trêves, notamment avant la tenue des grands jeux panhelléniques dans le monde grec[66]), utilisé par Plutarque :

            « Pourquoi, parmi ceux qu’on appelle les Fetiales (τῶν λεγομένων Φιτιαλέων), les pacificateurs et les hérauts des traités pourrait-on dire en grec (Ἑλληνιστὶ δ´ οἷον εἰρηνοποιῶν καὶ σπονδοφόρων), celui qu’on appelle pater patratus (πάτερ πατρᾶτος) était-il tenu pour le plus important ?[67] ».

            Le lien entre les spondophores et les fétiaux n’est toutefois pas évident à faire, si ce n’est peut-être dans la similitude de certains des attributs qu’ils portaient. Il se peut, en effet, que les fétiaux, à une époque très reculée, aient détenu un sceptre, tout comme les spondophores[68].

            Un dernier mot grec, très spécifique, est employé dans le sénatus-consulte reprenant les termes du traité avec Aphrodisias (39 av.n.è.)[69]. À la ligne 85 sont mentionnés des θεμιστῆρας, assimilés par les auteurs modernes aux fétiaux. Il s’agit probablement d’un néologisme désignant ‘ceux qui se portent garants de la justice et de la paix’. Selon J. Rudhardt, la θέμις confère aux comportements des individus un caractère religieux et/ou conduit à des comportements rituels spécifiques[70]. Dans le cadre du traité avec Aphrodisias, les θεμιστῆρες se portaient donc garants du respect des clauses du traité conclu entre les deux cités et la dimension religieuse sous-jacente (θέμις) permet, sans grand risque, d’assimiler ceux-ci à des fétiaux romains.

IV. Le collège fétial au service de la guerre et de la paix

            Le collège fétial n’est donc que rarement évoqué, en tant que tel, dans la littérature antique et seule une mention chez Tite-Live le présente comme un collegium. Les autres auteurs portent leur attention sur les fétiaux agissant au sein d’une ambassade. Par conséquent, les termes en langue latine renvoient presque tous au domaine de la diplomatie et de la guerre. La référence à la paix est parfois présente, comme dans nuntius ou caduceator, mais moins fréquemment qu’en grec. Cela est certainement révélateur de la conception différente que pouvaient avoir les Grecs de cette fonction qui leur était étrangère. Et c’est probablement parce que les Grecs ont rapproché la fonction du fétial de celle du héraut grec, qui avait certaines prérogatives similaires, que la paix et non la guerre est privilégiée dans la définition grecque du fétial romain.

            L’autre point important, et commun aux deux langues, est l’importance de la parole attachée à la fonction fétiale. Elle était capitale pour ces prêtres qui, outre le fait de réciter des carmina à l’occasion des rites guerriers et lors de la conclusion des foedera, étaient placés sous le patronage de la divinité garante des serments, Jupiter Feretrius. Comme dans tout acte rituel, la parole avait une influence considérable sur l’acte en lui-même, devenant même, dans certains cas, un acte performatif tout aussi important que l’accomplissement des gestes nécessaires.

[1] Il s’agit de réclamer des biens, matériels (esclaves, bétail) ou immatériels (terres), considérés comme volés. L’expression rerum repetitio est une création moderne, les Anciens employaient l’expression res repetere.

[2] Weiss André, Le droit fétial et les fétiaux à Rome. Étude de droit international, A. Durand et Pedone-Lauriel, Paris, 1883.
[3] Mommsen Th., Le droit public romain, T.4, Thorin et Fils, Paris, 1894, p. 394 et suivantes.
[4] Frank Tenney, « The import of the fetial institution », in Classical Philology, vol. 7, n°3 (1912), p. 335-342.
[5] Dumézil Georges, « Remarques sur le « ius fetiale » », in Revue des Études Latines, vol. 34 (1956), p. 93‑108.
[6] Auliard Claudine, « Les Fétiaux, un collège religieux au service du droit sacré international ou de la politique extérieure romaine ? », in Mélanges Pierre Lévêque, vol. 6, Université de Franche-Comté, Besançon, 1992, p. 1‑16 ; Ferrary Jean-Louis, « Ius fetiale et diplomatie », in Frézouls Edmond et Jacquemin Anne (dir.), Les relations internationales : actes du 13e colloque de Strasbourg (15-17 juin 1993), Université des sciences humaines, Strasbourg, 1995, p. 411‑432 ; Stouder Ghislaine, « Пόλεμος ἀκήρυκτος : la guerre sans héraut », in Caire Emmanuèle et Pittia Sylvie (dir.), Guerre et diplomatie romaines (IVe-IIIe siècles). Pour un réexamen des sources, Aix-en-Provence, Publications de l’Université de Provence, 2006, p. 209‑222 ; Stouder Ghislaine, La diplomatie romaine : histoire et représentations (396-264 avant J.-C.), Thèse en Histoire sous la direction de Pittia Sylvie, Université d'Aix-Marseille, 2011 ; Rich John, « The Fetiales and roman international relations », in Richardson James H. et Santangelo Federico (dir.), Priests and state in the Roman World, Steiner, Stuttgart, 2011, p. 187‑242 ; Santangelo Federico, « I feziali fra rituale, diplomazia e tradizioni inventate », in Urso Giuseppe (dir.), Sacerdos. Figure del sacro nella società romana. Atti del convegno internazionale Cividale del Friuli, 26-28 settembre 2012, ETS, Pise, 2014, p. 83‑103.
[7] Bianchi Ernesto, Fictio iuris. Ricerche sulla finzione in diritto romano dal periodo arcaico all'epoca augustea, CEDAM, Padoue, 1997 ; Ando Clifford, L’Empire et le Droit. Invention juridique et réalités historiques à Rome, Odile Jacob, Paris, 2013.
[8] Turelli Giovanni, Audi Iuppiter. Il collegio dei feziali nell’esperienza giuridica romana, Giuffrè Editore, Milan, 2011 ; Turelli Giovanni, Fetialis religio, G. Giappichelli, Turin, 2020.
[9] Herz Peter, « Collegium », in Cancik Hubert et Schneider Helmuth (dir.), Brill’s new Pauly : Encyclopaedia of the Ancient World, vol.&nbsp:3, Brill, Leiden-Boston, 2003, col. 533.
[10] Scheid John, La religion des Romains, 3e éd., Armand Colin, Paris, 2017, p. 131.
[11] Liv. XXXI, 3, 7 : Consul deinde M. Acilius ex senatus consulto ad collegium fetialium rettulit, ipsine utique regi Antiocho indiceretur bellum, an satis esset ad praesidium aliquod eius nuntiari […]. (Traduction de A. Manuélian, CUF)
[12] Liv. XXXI, 8, 3-4 : Consultique fetiales ab consule Sulpicio, bellum quod indiceretur regi Philippo utrum ipsi utique nuntiari iuberent an satis esset in finibus regni quod proximum praesidium esset, eo nuntiari. […] (Traduction de A. Hus, CUF)
[13] Plutarque précise bien que ce sont οἱ φιτιάλιοι qui sont intervenus.

[14] Par exemple : I, 32, 5 ; IV, 30, 13 ; IV, 58, 1 ; VII, 6, 7 ; VII, 9, 2 ; VII, 16, 2 ; VII, 32, 1 ; VIII, 22, 8.
[15] I, 32, 12.
[16] VIII, 39, 14 (fétiaux samnites) ; IX, 10, 7.
[17] I, 24, 4-6 ; IX, 5, 3.
[18] XXXI, 8, 3-4 et XXXVI, 3, 7.
[19] Douze mentions sont répertoriées.

[20] Rüpke Jorg, Domi militiae. Die religiöse Konstruktion des Krieges in Rom, Franz Steiner, Stuttgart, 1990, p. 102 ; Jacob Robert, Les formes premières du droit en Occident. 1 : La parole impérieuse, PUF, Paris, 2020, p. 130.
[21] Voir note 36.

[22] 178L : Nuntius et in re ipsa et in persona dicitur. Voir par exemple l’étude de Bianchi Ernesto, « Fest. s.v. « nuntius » p. 178, 3 L. e i documenti del collegio dei feziali », in Studia et Documenta Historiae et Iuris, vol. 66 (2000), p. 335‑341.

[23] Liv. I, 32, 6 : Ego sum publicus nuntius populi Romani; iuste pieque legatus venio, verbisque meis fides sit. (Traduction de G. Baillet, CUF)

[24] Stouder Ghislaine, La diplomatie romaine, op. cit., p. 667.

[25] Ibid.

[26] Bianchi Ernesto, « Qualche riscontro di lessico feziale latente nel I libro delle Storie di Livio », in Rivisa di Diritto Romano, vol. X (2010), p. 7.

[27] Liv. I, 22, 5 : Tantisper Romani et res repetiverant priores et neganti Albano bellum in tricesimum diem indixerant. Haec renuntiant Tullo. (Traduction de G. Baillet modifiée, CUF)

[28] Liv. I, 24, 7-8 mentionne l’intervention de fétiaux albains.
[29] Liv. I, 22, 7 et 23, 1 : Ad haec Tullus « Nuntiate, inquit, regi vestro regem Romanum deos facere testes […] Haec nuntiant domum Albani. (Traduction de G. Baillet, CUF)

[30] Liv. I, 32, 5-13.

[31] Bianchi Ernesto, « Qualche riscontro di lessico feziale latente nel I libro delle Storie di Livio », op. cit., p. 8.

[32] Hackstein Olav, « Lateinisch « nūntius » », in Münchener Studien zur Sprachwissenschaft, vol. 65 (2011), p. 107.

[33] Michel Jacques-Henri, « L’extradition du général en droit romain », in Latomus, vol. 39, n°3 (1980), p. 677 (note 5).

[34] Varr. De Ling. Lat. VII, 41 : Apud Ennium : Orator sine pace redit regique refert rem. Orator dictus ab oratione ; qui enim uerba [orationum] haberet publice aduersus eum quo legabatur, ab oratione orator dictus ; cum res maior erat legebantur potissimum qui causam commodissime orare poterant. Itaque Ennius ait : Oratores doctiloqui. (Traduction de p. Flobert, CUF)

[35] Cic. De Leg. II, 21, 7 : Foederum pacis, belli, iudotiarum oratores fetiales sunto, vindices non sunto, bella disceptanto. (Traduction de G. De Plinval, CUF)

[36] Varron chez Nonius, 850L : […] priusquam indicerent bellum is, a quibus injurias factas sciebant, faetiales legatos res repetitum mittebant quattuor, quos oratores vocabant. (Traduction personnelle)
[37] Dyck Andrew R., A Commentary on Cicero, De Legibus, The University of Michigan Press, Ann Arbor, 2004, p. 309.
[38] Rich John, « The Fetiales and roman international relations », op. cit., p. 190.

[39] Stouder Ghislaine, « Des manuels de diplomatie à l’usage du légat romain ? », in Becker Audrey et Drocourt Nicolas (dir.), Ambassadeurs et ambassades au cœur des relations diplomatiques. Rome-Occident Médiéval-Byzance (VIIIe s. avant J.-C. – XIIe s. après J.-C.), Centre de recherche universitaire lorrain d'Histoire, Metz, 2012, p. 23.
[40] Ibid.
[41] Mommsen Theodor, Le droit public romain. Tome 4, Thorin et Fils, Paris, 1894, p. 396 ; Stouder Ghislaine, « Des manuels de diplomatie à l’usage du légat romain ? », op. cit., p. 24.

[42] Serv. Ad Aen. I, 297 : Quia per caduceatores, id est internuntios, pax solet fieri. (Traduction personnelle)

[43] Serv. Ad Aen. IV, 242 : Unde secundum Livium legati pacis ‘caduceatores’ dicuntur ; sicut enim per fetiales a foedere bella indicebantur, ita pax per caduceatores fiebat. (Traduction personnelle)
[44] Cornwell Hannah, « The Role of the Peace-makers (Caduceatores) in Roman Attitudes to War and Peace », in Whittaker Helene et Alii (dir.), Ancient Warfare Introducing Current Research, Volume I, Cambridge Scholars Publishing, Cambridge, 2015, p. 331‑332.
[45] Liv I, 24, 4-8 ; XXX, 43, 9.
[46] Par exemple Liv. XXVI, 17, 5 ; XXXI, 38, 9 ; XXXVII, 18, 10 et 45, 4 ; Quin.-Curc., Hist., III, 1, 6 ; IV, 2, 15.

[47] Jal Paul, « Place et rôle des legati et legationes dans le récit livien », in Revue des Études Latines, vol. 63 (1985), p. 118.

[48] Liv. I, 32, 6 : Legatus ubi ad fines eorum venit unde res repetuntur, capite velato filo – lanae velamen est – « Audi, Iuppiter, inquit, audite, fines » – cuiuscumque gentis sunt, nominat – ; « audiat Fas. […] » (Traduction de G. Baillet, CUF)

[49] Liv. IV, 58, 1 : Eo anno quia tempus indutiarum cum Veiente populo exierat, per legatos fetialesque res repeti coeptae. (Traduction de G. Baillet corrigée, CUF)

[50] Liou-Gille Bernadette, Une lecture « religieuse » de Tite Live I. Cultes, rites, croyances de la Rome archaïque, Klincksieck, Paris, 1998, p. 279.

[51] Notamment pour les Grecs, comme le rapporte Dion. Hal., Ant. Rom. II, 72, 6.

[52] L’extrait livien IV, 58, 1 a déjà été évoqué. Peuvent être ajoutés les extraits de Liv. VI, 10, 6 et VII, 12, 6, pour lesquels le statut des envoyés est inconnu et l’extrait de Dion. Hal. Ant. Rom. XV, 7, 1-3 et 11, 1-2.
[53] Cic. De orat. I, 181 ; Vell. Hist. Rom. II, 1, 5.
[54] Cass. Dio Hist. Rom. L, 4, 4.

[55] Le premier est présent chez Denys d’Halicarnasse (Ant. Rom. II, 72, 1), décliné au génitif pluriel (φετιαλίων) ; les deux suivants se situent chez Plutarque (Num. 12 et Cam. 18), tandis que le dernier a été employé par Cassius Dion (Hist. Rom., L, 4).

[56] Quatre fois en Ant. Rom. II, 72 ; une fois en III, 3 ; une fois en IX, 60 et une fois en XV, 7.

[57] Rudhardt Jean, Thémis et les Hôrai : recherche sur les divinités grecques de la justice et de la paix, Librairie Droz, Paris, 1999, p. 110‑111.
[58] Ibid, p. 119.

[59] Mora Fabio, Il pensiero storico-religioso antico. Autori greci a Roma I : Dionigi d’Alicarnasso, L'Erma di Bretschneider, Rome, 1995, p. 255.

[60] Num. 12, 5 : οἱ μὲν γὰρ Φιτιαλεῖς εἰρηνοφύλακές τινες ὄντες, ὡς δ´ ἐμοὶ δοκεῖ, καὶ τοὔνομα λαβόντες ἀπὸ τῆς πράξεως, λόγῳ τὰ νείκη κατέπαυον, οὐκ ἐῶντες στρατεύειν πρότερον ἢ πᾶσαν ἐλπίδα δίκης ἀποκοπῆναι. (Traduction de R. Flacelière, E. Chambry et M. Juneaux, CUF)
[61] Chez Plut. Quaest. Rom. 62.
[62] Mora Fabio, Il pensiero storico-religioso antico, op. cit., p. 255‑256.
[63] Stouder Ghislaine, La diplomatie romaine, op. cit., p. 574.

[64] Liv. I, 24.
[65] Liv. XXX, 43, 9.

[66] Mason Hugh J., Greek terms for roman institutions. A lexicon and analysis, Hakkert, Toronto, 1974, p. 85.

[67] Quaest. Rom. 62 : Διὰ τί τῶν λεγομένων Φιτιαλέων, Ἑλληνιστὶ δ´ οἷον εἰρηνοποιῶν καὶ σπονδοφόρων, ὁ καλούμενος « πάτερ πατρᾶτος » ἐνομίζετο μέγιστος. (Traduction de J. Boulogne, CUF)

[68] Festus 81L ; Servius Ad Aen. XII, 206.

[69] Le texte a été édité par Reynolds Joyce, Aphrodisias and Rome, The Society for the Promotion of Roman Studies, Londres, 1982, p. 54-91 (Document n°8 et plus particulièrement p. 89) = IAph2007 8.27, l. 85.
[70] Rudhardt Jean, Thémis et les Hôrai, op. cit., p. 42‑43.

I. Le collège fétial : de l’Antiquité à nos jours

Le collège fétial, présenté par la tradition annalistique romaine comme une institution empruntée par le roi Numa aux Équicoles ou aux Ardéates, était une sodalité composée de vingt membres, tous issus de la frange patricienne de la société romaine. D’après le témoignage de deux auteurs augustéens, Tite-Live et Denys d’Halicarnasse, qui constituent nos sources principales sur le sujet, les fétiaux étaient responsables de cinq missions principales : effectuer les demandes de restitution (rerum repetitio)[1], accomplir les rituels avant (indictio belli) et après une guerre (sacralisation des foedera), extrader les citoyens romains coupables d’une infraction envers le ius legationis ou le ius gentium et enfin répondre à des questions précises relevant du droit sacré de la guerre.

Les plus anciennes mentions avérées du collège fétial ou de ses membres datent du Ier siècle avant notre ère, principalement chez Cicéron et Varron. D’autres auteurs plus tardifs, comme Tite-Live, Denys d’Halicarnasse, Plutarque, Aulu-Gelle et Servius (complété par Servius Danielis), ont aussi témoigné d’un certain intérêt pour cette institution archaïque. L’intérêt moderne peut être daté de la fin du 16e siècle avec les publications De iure belli (1598) et De armis romanis (1599) du juriste Alberico Gentili. Quelques années plus tard, un autre juriste, Hugo Grotius, publie De iure belli ac pacis (1625), dans lequel le collège fétial occupe une place importante. Ce n’est ensuite qu’à partir de la fin du XIXe siècle que sont publiés les travaux d’André Weiss[2], de Theodor Mommsen[3] ou encore de Tenney Frank[4], posant de solides jalons à l’étude institutionnelle et juridique du collège fétial. Un intérêt renouvelé pour cette institution apparaît dans les années 70, avec les travaux de Georges Dumézil, qui tente d’inscrire l’institution fétiale dans le système indo-européen[5]. Le collège fétial commence également à apparaître dans les travaux consacrés à la diplomatie romaine, principalement à partir des années 90[6]. Loin d’intéresser uniquement les historiens, les fétiaux continuent à être étudiés dans une perspective juridique. Ainsi, Clifford Ando intègre le droit fétial à sa réflexion sur les mécanismes d’innovation et d’adaptation juridiques romains, en particulier en matière de droit international[7]. Enfin, parmi l’ensemble des travaux publiés, ceux du juriste Giovanni Turelli sont actuellement considérés comme les ouvrages de référence[8].

II. Le collegium fetialium dans la littérature antique

Un collegium désigne toute corporation d’individus se rassemblant dans un but religieux, économique ou social[9]. Dans l’expression collegium fetialium, rarement attestée, le terme renvoie, tout comme dans les expressions collegium pontificum ou collegium augurum, par exemple, au domaine des institutions sacerdotales romaines[10]. L’unique mention provient de Tite-Live, lorsqu’il évoque la consultation du collège par le consul M. Acilius en 191 av.n.è. :

« Puis le consul Manius Acilius, sur décret du sénat (ex senatus consulto), en référa au collège des fétiaux (ad collegium fetialium) : « Devait-on obligatoirement déclarer la guerre au roi Antiochus en personne, ou était-il suffisant de l’annoncer à l’une quelconque de ses garnisons ? […] »[11] ».

Cet extrait est souvent rapproché d’un autre, qui présente une forte similarité, mais dans lequel l’expression collegium fetialium est absente :

« Le consul Sulpicius consulta les fétiaux (consultique fetiales ab consule Sulpicio) sur le processus à suivre pour déclarer la guerre au roi Philippe : fallait-il absolument la lui notifier à lui-même, ou suffisait-il de la notifier, sur le territoire de son royaume, à la garnison la plus proche ? […][12] ».

Ces deux extraits sont les seuls à témoigner de la fonction consultative du collège fétial. Il existe enfin un dernier épisode de l’intervention du collège dans son intégralité chez Plutarque (Vie de Cam. 18, 1-3). L’évènement, daté de 391 av.n.è., fait référence au débat qui secoua les instances romaines au sujet de l’extradition d’un citoyen romain qui avait pris les armes face aux Gaulois, alors que son statut de légat le lui interdisait. Les fétiaux, garants du ius gentium, sont intervenus collégialement[13] à deux reprises (devant le Sénat et devant le peuple), afin de réclamer l’extradition du légat Fabius.

Hormis ces trois textes, on ne connaît pratiquement rien du fonctionnement du collège en tant qu’organe sacerdotal.

III. La qualification des fétiaux agissant seuls ou en ambassade

En latin, outre fetialis, la fonction peut être désignée par certains substantifs issus du vocabulaire diplomatique. Sont ainsi distingués nuntius, orator, caduceator ou encore legatus. Il n’existe toutefois aucun équivalent exact du terme latin fetialis en langue grecque. De la simple translittération sous diverses formes à des termes plus spécifiques, les substantifs grecs sont beaucoup plus diversifiés que ceux en langue latine. Pour le terme fetiales, on trouve ainsi quatre formes différentes de translittération : φετιάλιοι, φιτιάλεις, φητιάλεις ou encore φητιάλιοι. D’autres substantifs, sur lesquels nous reviendrons, ont néanmoins été privilégiés par les auteurs de langue grecque.

1. Le vocabulaire latin : entre la guerre et la paix

  • Le fetialis

Le terme fetialis est attesté 37 fois chez Tite-Live, faisant de cet auteur la source principale en langue latine. Le contexte d’utilisation est divers, que ce soit lors de l’envoi d’une ambassade de rerum repetitio[14], de l’accomplissement du rite d’indictio belli[15], d’une extradition d’un citoyen romain[16], de la sacralisation d’un foedus[17] ou encore à l’occasion de la consultation du collège[18]. En d’autres termes, Tite-Live offre une description de chaque mission du collège fétial. Un autre auteur important est Servius[19], qui a rédigé un Commentaire de l’Énéide de Virgile au IVe siècle. Son récit, commenté et complété par Servius Danielis (VIIIe siècle), nous renseigne sur des évolutions majeures de certains rites, notamment celui d’indictio belli (Ad Aen. IX, 52). Contrairement à Tite-Live, les mentions des fétiaux chez Servius sont très ponctuelles et se limitent à la guerre et à la paix.

Bien qu’il soit communément admis que la forme fetialis est un substantif, certains auteurs, comme Jorg Rüpke, préfèrent y voir un adjectif[20]. L’historien allemand s’appuie sur un extrait de Varron, cité par Nonius (850L)[21], dans lequel les termes fetiales et legati sont combinés. Le legatus peut être compris comme un substantif signifiant « l’ambassadeur, le député », mais ce substantif provient lui-même du participe parfait du verbe legare et signifie « celui qui est envoyé ». L’extrait de Varron ne permet pas de savoir laquelle des deux charges a la prédominance dans ce qu’il souhaite transmettre, mais nous verrons qu’il n’était pas rare pour les Anciens de combiner ces deux termes et de les utiliser comme synonymes dans certains contextes.

Finalement, en dépit du nombre d’interventions élevé que les fétiaux sont censés avoir accomplies, ils ne sont que peu explicitement mentionnés par les auteurs anciens, y compris par Tite-Live. Les Anciens ont utilisé d’autres termes, plus spécifiques et, par conséquent, moins explicites pour les désigner.

  • Le nuntius

Le nuntius, ‘messager’, est défini par Nonius en ces termes : c’est « la chose elle-même [le message] et la personne [le messager] (et res ipsa et persona) »[22]. Il s’agit d’un terme abondamment utilisé par les auteurs anciens dans divers contextes, y compris diplomatiques. En effet, un fétial se présentait lui-même, d’après Tite-Live, comme le nuntius public du populus Romanus : « Moi, je suis le représentant officiel du peuple romain (Ego sum publicus nuntius populi Romani) ; j’arrive chargé d’une mission juste et sainte ; qu’on ait foi en mes paroles[23] ». La dimension sacrée, présente chez les nuntii qu’étaient les fétiaux, est absente dans la définition du terme nuntius par Nonius. Ghislaine Stouder souligne, en outre, que, dans le texte de Tite-Live, le fétial n’était pas uniquement qualifié de nuntius, mais plus précisément de publicus nuntius populi Romani. En d’autres termes, quand le roi désignait le fétial comme messager du peuple romain, il lui transmettait surtout le pouvoir de « parler au nom du peuple romain », d’être son porte-parole[24]. La conséquence directe de cette nomination était l’engagement de la fides du peuple romain à chaque étape rituelle accomplie par le fétial[25]. Cette responsabilité, qui pouvait être lourde de conséquences en cas d’imprudence ou d’erreur de la part du prêtre, semble toutefois avoir été limitée à certaines prérogatives du collège : la qualification de nuntius n’est en effet employée que lorsque le fétial est envoyé déclarer la guerre (Liv. I, 32, 6) et lorsqu’il doit sacraliser un foedus (Liv. I, 24, 5).

L’emploi et la qualification de nuntius ne sont pas anodins selon Ernesto Bianchi, qui souligne les liens existants dans le livre I de Tite-Live entre le terme nuntius et les verbes nuntiare et denuntiare[26]. L’emploi spécifique de ces verbes est notamment rapporté dans deux extraits qui ne font pas explicitement référence aux fétiaux :

« Pendant ce temps, les délégués romains avaient présenté leur réclamation les premiers (res repetiverant priores), avaient essuyé un refus et avaient déclaré la guerre aux Albains dans un délai d’un mois. Ils rapportent (renuntiant) la nouvelle à Tullus.[27] »

« Tullus répliqua : « Allez dire (nuntiate) à votre roi que le roi de Rome prend les dieux à témoins […] Les Albains [s.c. les légats, peut-être des fétiaux[28], qui avaient été envoyés présenter des revendications au roi Tullus] rapportent cette réponse (nuntiant) chez eux.[29] »

La première scène (I, 22, 5) évoque sans conteste des fétiaux, qui devaient présenter les revendications romaines et annoncer l’état de guerre au terme d’un ultimatum de trente jours, si la partie adverse refusait d’accéder aux demandes romaines[30]. La seconde scène (I, 22, 7 et 23, 1) concerne l’ordre donné par le roi Tullus aux envoyés albains de rapporter la nouvelle de l’entrée en guerre de Rome à leur cité. L’expression nuntiate du roi Tullus ne signifie pas seulement que les délégués albains, probablement fétiaux, devaient notifier l’état de guerre à leur cité, mais ils constituaient eux-mêmes, en tant qu’individus, « un message »[31]. En d’autres termes, leur statut d’envoyés était à considérer à la fois comme « messager » et comme « message ». Il faut toutefois veiller à ne pas assimiler toute mention d’un nuntius comme étant un fétial. Il est en effet attesté que le terme nuntius faisait également partie du vocabulaire augural, désignant la parole de l’augure, mais aussi le cri de l’oiseau qui était observé[32]. Ce ne sont donc ici que des exemples spécifiques de l’emploi du terme, qui pouvait aussi bien désigner un individu qu’un acte de parole. Il convient enfin de noter que cette fonction de « messager » du fétial a parfois été rapprochée de la figure du héraut grec[33], qui accomplissait des tâches similaires.

  • L’orator

Le sens diplomatique commun de l’orator est celui du porte-parole ou de l’envoyé :

« « Chez Ennius : le porte-parole (orator) revient sans la paix et expose l’affaire au roi ». Orator a été dit d’après oratio (parole) ; en effet celui qui s’adresserait officiellement à celui vers qui il était délégué s’est appelé orator d’après oratio. Quand l’affaire était d’importance majeure, on choisissait de préférence des gens capables de plaider (orare) l’affaire de la façon la plus avantageuse. C’est pourquoi Ennius dit : « Des porte-paroles sachant parler ».[34] »

La figure de l’orator est associée au fétial chez deux auteurs du Ier siècle av.n.è., Cicéron et Varron cité par Nonius :

« Que des conditions de la paix, de la guerre et des trêves soient les porte-paroles fétiaux (oratores fetiales), non vengeurs : qu’ils arbitrent les guerres.[35] »

« Avant qu’ils ne déclarent la guerre à ceux par qui ils savaient que des torts avaient été commis, ils envoyaient quatre fétiaux comme légats (faetiales legatos […] mittebant quattuor), qu’ils appelaient oratores, pour porter réclamation (res repetitum)[36] ».

L’extrait de Cicéron, étant donné son caractère mutilé, pose un problème pour certains auteurs[37]. Par exemple, John Rich, qui suit la tradition manuscrite, opte pour le terme iudices (« juges ») de préférence à vindices (« défenseurs », « protecteurs »)[38]. Georges de Plinval, qui a édité et traduit le texte dans la Collection des Universités de France, a quant à lui privilégié le terme vindices, pourtant absent des manuscrits du texte cicéronien conservés. L’interprétation de l’extrait ne s’en trouve toutefois pas modifiée et les fétiaux sont clairement présentés comme étant les spécialistes du ius belli à Rome. Ghislaine Stouder souligne, quant à elle, l’importance de la parole dans la notion d’orator : le verbe orare, dont dérive le substantif orator, renvoie à la fois à l’éloquence et à la prière[39]. Autrement dit, dans le cadre diplomatique, l’orator est celui qui dispose d’une fonction oratoire, laquelle peut également revêtir une caractéristique religieuse[40]. Finalement, tandis qu’à l’origine, le terme orator désignait spécifiquement « celui qui prononçait des formules religieuses et accomplissait des gestes rituels », il a rapidement été employé afin de désigner tout ambassadeur (romain ou étranger) sans distinction, avant d’être définitivement remplacé par legatus[41].

  • Le caduceator

Le caduceator est un individu qui portait un caducée, attribut originellement grec, le κηρύκειον. Le caducée symbolisait l’inviolabilité dont était pourvu le héraut grec lors de ses déplacements. À propos du caduceator dans le monde diplomatique romain, Servius rapporte ceci :

« Parce que la paix est normalement faite par les caduceatores, c’est-à-dire des intermédiaires (internuntios)[42] ».

« C’est pourquoi, selon Tite-Live, les envoyés de paix (legatis pacis) sont appelés caduceatores ; de même, en effet, que c’est par l’intermédiaire des fétiaux dont le nom vient de foedus que la guerre était déclarée (per fetiales a foedere bella indicebantur), la paix étant faite par l’entremise des caduceatores.[43] »

Le caduceator est présenté comme l’envoyé de la paix, par opposition aux fétiaux envoyés pour la guerre[44]. Cette distinction n’a pourtant rien d’évident, puisque le fétial pouvait aussi être envoyé en tant que messager de la paix[45]. Néanmoins, dans la littérature latine, les caduceatores désignaient presque exclusivement les envoyés étrangers, plus particulièrement grecs (envoyés royaux) ou carthaginois[46].

  • Le legatus

Cette première partie consacrée au vocabulaire latin se conclut avec la figure du legatus. Il s’agit du terme qui est le plus souvent utilisé en contexte diplomatique romain[47]. S’agissant du participe parfait passif de legare, mais le plus souvent employé comme substantif, le legatus peut faire référence à plusieurs fonctions spécifiques : un lieutenant en contexte militaire, un individu chargé d’une mission ponctuelle, l’adjoint d’un gouverneur de province (legatus proconsulis) à l’époque impériale, un envoyé sénatorial, le légat de légion, etc.

Le fétial est qualifié à plusieurs reprises de legatus par les auteurs anciens, ce qui a pu entraîner une certaine confusion dans la distinction de ces deux charges. Le premier extrait concerne la description de la rerum repetitio chez Tite-Live :

« En arrivant aux frontières du pays auquel on adresse une réclamation, l’envoyé (legatus) se couvre la tête du filum (c’est un voile de laine) et dit « Écoute, Jupiter : écoutez, frontières de tel ou tel peuple (ici il le nomme), et que le Droit Sacré m’écoute aussi. […] »[48] »

Tite-Live qualifie le fétial de legatus, ce qui, au premier abord, n’est pas surprenant, puisque le fétial était effectivement un envoyé. Toutefois, la distinction entre les deux fonctions est parfois explicitement exprimée :

« Comme à cette date la durée de la trêve avec le peuple de Véies avait expiré, des délégués (legatos) et des fétiaux (fetialesque) commencèrent à présenter des revendications (res repeti coeptae).[49] »

La distinction entre les fonctions n’étant néanmoins pas systématique, certains chercheurs pensent que les fétiaux ont été remplacés par des légats sénatoriaux[50]. Ces derniers étaient des individus choisis au sein du Sénat pour accomplir les mêmes missions que les fétiaux (rerum repetitio et denuntiatio), mais sans posséder le statut de prêtres. Ce remplacement est daté du IIIe siècle av.n.è., lorsque Rome a entrepris ses premières guerres au-delà de la péninsule italique. L’institution fétiale étant inconnue au-delà des frontières italiques[51], il semble tout à fait logique que les Romains aient décidé de la délaisser au profit d’agents sénatoriaux sans prérogative religieuse. Le changement n’a toutefois pas été immédiat et des traces d’une coexistence entre les deux fonctions au sein de certaines ambassades aux IVe et IIIe siècle av.n.è. peuvent être constatées[52]. La dernière apparition des fétiaux est datée de 137 av.n.è. à l’occasion de la reddition du consul C. Hostilius Mancinus à Numance[53]. Un siècle plus tard, en 32 av.n.è., le jeune Octave raviva le souvenir du rite du jet de la hasta lors de la déclaration de guerre à Cléopâtre[54]. On ne possède finalement que peu d’informations sur le rôle joué par les fétiaux durant les deux derniers siècles républicains. Néanmoins, il est tout à fait probable qu’ils aient continué à intervenir pour les sacralisations des foedera, comme semble le refléter le vocabulaire grec.

2. Le vocabulaire grec : la prédominance de la paix

La diversité des termes employés pour qualifier le fétial est plus grande chez les auteurs grecs. Ils relèvent de deux catégories : d’une part, il y a la simple translittération en grec du terme latin, avec φετιάλιοι, φιτιάλεις, φητιάλεις ou encore φητιάλιοι[55] ; d’autre part, les traductions. Parmi celles-ci, trois termes grecs font clairement référence au rôle joué par les fétiaux dans l’instauration de la paix, à l’occasion de la sacralisation d’un foedus.

Le principal auteur grec est Denys d’Halicarnasse, qui qualifie les fétiaux d’εἰρηνοδίκαι[56]. Cette expression est en réalité composée de deux substantifs : εἰρήνη (la paix) et δίκη (la justice). La δίκη, distinguée de la θέμις, s’inscrit dans « l’exercice d’une activité spécifique[57] ». Dans un contexte judiciaire, la δίκη « peut consister dans une parole prononcée par le juge ou par l’arbitre[58] », ce qui peut être rapproché de l’attitude adoptée par les fétiaux telle que décrite par Denys d’Halicarnasse (Ant. Rom. II, 72). Selon ce dernier, les fétiaux étaient des porteurs de la paix et de la justice, ce qui est parfaitement conforme au ritualisme scrupuleux des Romains en matière de ius belli. De plus, εἰρηνοδίκαι, qui souligne la spécificité romaine de la fonction, est toujours employé pour désigner les fétiaux intervenant lors de la conclusion d’un traité[59], mais il n’est jamais utilisé pour qualifier le fétial accomplissant les rituels d’indictio belli. L’importance accordée par l’auteur grec à la notion de paix se retrouve chez d’autres auteurs, comme Plutarque (Ier-IIe siècle) :

« Les Fétiaux veillaient sur la paix (Φιτιαλεῖς εἰρηνοφύλακές) et tiraient, je crois, ce nom de leurs fonctions ; car c’est par les paroles qu’ils tranchaient les différends (ἀπὸ τῆς πράξεως, λόγῳ τὰ νείκη κατέπαυον), sans permettre aucune expédition avant que tout espoir d’obtenir justice fût perdu.[60] »

Que ce soit dans εἰρηνοφύλακες ou dans εἰρηνοποιοί[61], les références à la paix et à la parole sont à nouveau clairement identifiables[62]. Ghislaine Stouder a ainsi démontré que la mise en avant de la paix dans εἰρηνοφύλακες et εἰρηνοδίκαι s’inscrivaient probablement dans le mouvement augustéen du rétablissement de la pax au sein de l’Empire[63]. Pourtant, le rôle joué par les fétiaux dans l’établissement de la paix durant la période républicaine est négligé par les auteurs anciens. On ne connaît en effet que deux attestations de l’intervention avérée des fétiaux dans le cadre de foedera : le premier sous le roi Tullius Hostilius[64] et le second à Zama (201 av.n.è.)[65].

On retrouve l’idée de la paix dans le terme σπονδοφόροι (ceux qui annonçaient les trêves, notamment avant la tenue des grands jeux panhelléniques dans le monde grec[66]), utilisé par Plutarque :

« Pourquoi, parmi ceux qu’on appelle les Fetiales (τῶν λεγομένων Φιτιαλέων), les pacificateurs et les hérauts des traités pourrait-on dire en grec (Ἑλληνιστὶ δ´ οἷον εἰρηνοποιῶν καὶ σπονδοφόρων), celui qu’on appelle pater patratus (πάτερ πατρᾶτος) était-il tenu pour le plus important ?[67] ».

Le lien entre les spondophores et les fétiaux n’est toutefois pas évident à faire, si ce n’est peut-être dans la similitude de certains des attributs qu’ils portaient. Il se peut, en effet, que les fétiaux, à une époque très reculée, aient détenu un sceptre, tout comme les spondophores[68].

Un dernier mot grec, très spécifique, est employé dans le sénatus-consulte reprenant les termes du traité avec Aphrodisias (39 av.n.è.)[69]. À la ligne 85 sont mentionnés des θεμιστῆρας, assimilés par les auteurs modernes aux fétiaux. Il s’agit probablement d’un néologisme désignant ‘ceux qui se portent garants de la justice et de la paix’. Selon J. Rudhardt, la θέμις confère aux comportements des individus un caractère religieux et/ou conduit à des comportements rituels spécifiques[70]. Dans le cadre du traité avec Aphrodisias, les θεμιστῆρες se portaient donc garants du respect des clauses du traité conclu entre les deux cités et la dimension religieuse sous-jacente (θέμις) permet, sans grand risque, d’assimiler ceux-ci à des fétiaux romains.

IV. Le collège fétial au service de la guerre et de la paix

Le collège fétial n’est donc que rarement évoqué, en tant que tel, dans la littérature antique et seule une mention chez Tite-Live le présente comme un collegium. Les autres auteurs portent leur attention sur les fétiaux agissant au sein d’une ambassade. Par conséquent, les termes en langue latine renvoient presque tous au domaine de la diplomatie et de la guerre. La référence à la paix est parfois présente, comme dans nuntius ou caduceator, mais moins fréquemment qu’en grec. Cela est certainement révélateur de la conception différente que pouvaient avoir les Grecs de cette fonction qui leur était étrangère. Et c’est probablement parce que les Grecs ont rapproché la fonction du fétial de celle du héraut grec, qui avait certaines prérogatives similaires, que la paix et non la guerre est privilégiée dans la définition grecque du fétial romain.

L’autre point important, et commun aux deux langues, est l’importance de la parole attachée à la fonction fétiale. Elle était capitale pour ces prêtres qui, outre le fait de réciter des carmina à l’occasion des rites guerriers et lors de la conclusion des foedera, étaient placés sous le patronage de la divinité garante des serments, Jupiter Feretrius. Comme dans tout acte rituel, la parole avait une influence considérable sur l’acte en lui-même, devenant même, dans certains cas, un acte performatif tout aussi important que l’accomplissement des gestes nécessaires.

[1] Il s’agit de réclamer des biens, matériels (esclaves, bétail) ou immatériels (terres), considérés comme volés. L’expression rerum repetitio est une création moderne, les Anciens employaient l’expression res repetere.

[2] Weiss André, Le droit fétial et les fétiaux à Rome. Étude de droit international, A. Durand et Pedone-Lauriel, Paris, 1883.

[3] Mommsen Th., Le droit public romain, T.4, Thorin et Fils, Paris, 1894, p. 394 et suivantes.

[4] Frank Tenney, « The import of the fetial institution », in Classical Philology, vol. 7, n°3 (1912), p. 335-342.

[5] Dumézil Georges, « Remarques sur le « ius fetiale » », in Revue des Études Latines, vol. 34 (1956), p. 93‑108.

[6] Auliard Claudine, « Les Fétiaux, un collège religieux au service du droit sacré international ou de la politique extérieure romaine ? », in Mélanges Pierre Lévêque, vol. 6, Université de Franche-Comté, Besançon, 1992, p. 1‑16 ; Ferrary Jean-Louis, « Ius fetiale et diplomatie », in Frézouls Edmond et Jacquemin Anne (dir.), Les relations internationales : actes du 13e colloque de Strasbourg (15-17 juin 1993), Université des sciences humaines, Strasbourg, 1995, p. 411‑432 ; Stouder Ghislaine, « Пόλεμος ἀκήρυκτος : la guerre sans héraut », in Caire Emmanuèle et Pittia Sylvie (dir.), Guerre et diplomatie romaines (IVe-IIIe siècles). Pour un réexamen des sources, Aix-en-Provence, Publications de l’Université de Provence, 2006, p. 209‑222 ; Stouder Ghislaine, La diplomatie romaine : histoire et représentations (396-264 avant J.-C.), Thèse en Histoire sous la direction de Pittia Sylvie, Université d'Aix-Marseille, 2011 ; Rich John, « The Fetiales and roman international relations », in Richardson James H. et Santangelo Federico (dir.), Priests and state in the Roman World, Steiner, Stuttgart, 2011, p. 187‑242 ; Santangelo Federico, « I feziali fra rituale, diplomazia e tradizioni inventate », in Urso Giuseppe (dir.), Sacerdos. Figure del sacro nella società romana. Atti del convegno internazionale Cividale del Friuli, 26-28 settembre 2012, ETS, Pise, 2014, p. 83‑103.

[7] Bianchi Ernesto, Fictio iuris. Ricerche sulla finzione in diritto romano dal periodo arcaico all'epoca augustea, CEDAM, Padoue, 1997 ; Ando Clifford, L’Empire et le Droit. Invention juridique et réalités historiques à Rome, Odile Jacob, Paris, 2013.

[8] Turelli Giovanni, Audi Iuppiter. Il collegio dei feziali nell’esperienza giuridica romana, Giuffrè Editore, Milan, 2011 ; Turelli Giovanni, Fetialis religio, G. Giappichelli, Turin, 2020.

[9] Herz Peter, « Collegium », in Cancik Hubert et Schneider Helmuth (dir.), Brill’s new Pauly : Encyclopaedia of the Ancient World, vol.&nbsp:3, Brill, Leiden-Boston, 2003, col. 533.

[10] Scheid John, La religion des Romains, 3e éd., Armand Colin, Paris, 2017, p. 131.

[11] Liv. XXXI, 3, 7 : Consul deinde M. Acilius ex senatus consulto ad collegium fetialium rettulit, ipsine utique regi Antiocho indiceretur bellum, an satis esset ad praesidium aliquod eius nuntiari […]. (Traduction de A. Manuélian, CUF)

[12] Liv. XXXI, 8, 3-4 : Consultique fetiales ab consule Sulpicio, bellum quod indiceretur regi Philippo utrum ipsi utique nuntiari iuberent an satis esset in finibus regni quod proximum praesidium esset, eo nuntiari. […] (Traduction de A. Hus, CUF)

[13] Plutarque précise bien que ce sont οἱ φιτιάλιοι qui sont intervenus.

[14] Par exemple : I, 32, 5 ; IV, 30, 13 ; IV, 58, 1 ; VII, 6, 7 ; VII, 9, 2 ; VII, 16, 2 ; VII, 32, 1 ; VIII, 22, 8.

[15] I, 32, 12.

[16] VIII, 39, 14 (fétiaux samnites) ; IX, 10, 7.

[17] I, 24, 4-6 ; IX, 5, 3.

[18] XXXI, 8, 3-4 et XXXVI, 3, 7.

[19] Douze mentions sont répertoriées.

[20] Rüpke Jorg, Domi militiae. Die religiöse Konstruktion des Krieges in Rom, Franz Steiner, Stuttgart, 1990, p. 102 ; Jacob Robert, Les formes premières du droit en Occident. 1 : La parole impérieuse, PUF, Paris, 2020, p. 130.

[21] Voir note 36.

[22] 178L : Nuntius et in re ipsa et in persona dicitur. Voir par exemple l’étude de Bianchi Ernesto, « Fest. s.v. « nuntius » p. 178, 3 L. e i documenti del collegio dei feziali », in Studia et Documenta Historiae et Iuris, vol. 66 (2000), p. 335‑341.

[23] Liv. I, 32, 6 : Ego sum publicus nuntius populi Romani; iuste pieque legatus venio, verbisque meis fides sit. (Traduction de G. Baillet, CUF)

[24] Stouder Ghislaine, La diplomatie romaine, op. cit., p. 667.

[25] Ibid.

[26] Bianchi Ernesto, « Qualche riscontro di lessico feziale latente nel I libro delle Storie di Livio », in Rivisa di Diritto Romano, vol. X (2010), p. 7.

[27] Liv. I, 22, 5 : Tantisper Romani et res repetiverant priores et neganti Albano bellum in tricesimum diem indixerant. Haec renuntiant Tullo. (Traduction de G. Baillet modifiée, CUF)

[28] Liv. I, 24, 7-8 mentionne l’intervention de fétiaux albains.

[29] Liv. I, 22, 7 et 23, 1 : Ad haec Tullus « Nuntiate, inquit, regi vestro regem Romanum deos facere testes […] Haec nuntiant domum Albani. (Traduction de G. Baillet, CUF)

[30] Liv. I, 32, 5-13.

[31] Bianchi Ernesto, « Qualche riscontro di lessico feziale latente nel I libro delle Storie di Livio », op. cit., p. 8.

[32] Hackstein Olav, « Lateinisch « nūntius » », in Münchener Studien zur Sprachwissenschaft, vol. 65 (2011), p. 107.

[33] Michel Jacques-Henri, « L’extradition du général en droit romain », in Latomus, vol. 39, n°3 (1980), p. 677 (note 5).

[34] Varr. De Ling. Lat. VII, 41 : Apud Ennium : Orator sine pace redit regique refert rem. Orator dictus ab oratione ; qui enim uerba [orationum] haberet publice aduersus eum quo legabatur, ab oratione orator dictus ; cum res maior erat legebantur potissimum qui causam commodissime orare poterant. Itaque Ennius ait : Oratores doctiloqui. (Traduction de p. Flobert, CUF)

[35] Cic. De Leg. II, 21, 7 : Foederum pacis, belli, iudotiarum oratores fetiales sunto, vindices non sunto, bella disceptanto. (Traduction de G. De Plinval, CUF)

[36] Varron chez Nonius, 850L : […] priusquam indicerent bellum is, a quibus injurias factas sciebant, faetiales legatos res repetitum mittebant quattuor, quos oratores vocabant. (Traduction personnelle)

[37] Dyck Andrew R., A Commentary on Cicero, De Legibus, The University of Michigan Press, Ann Arbor, 2004, p. 309.

[38] Rich John, « The Fetiales and roman international relations », op. cit., p. 190.

[39] Stouder Ghislaine, « Des manuels de diplomatie à l’usage du légat romain ? », in Becker Audrey et Drocourt Nicolas (dir.), Ambassadeurs et ambassades au cœur des relations diplomatiques. Rome-Occident Médiéval-Byzance (VIIIe s. avant J.-C. – XIIe s. après J.-C.), Centre de recherche universitaire lorrain d'Histoire, Metz, 2012, p. 23.

[40] Ibid.

[41] Mommsen Theodor, Le droit public romain. Tome 4, Thorin et Fils, Paris, 1894, p. 396 ; Stouder Ghislaine, « Des manuels de diplomatie à l’usage du légat romain ? », op. cit., p. 24.

[42] Serv. Ad Aen. I, 297 : Quia per caduceatores, id est internuntios, pax solet fieri. (Traduction personnelle)

[43] Serv. Ad Aen. IV, 242 : Unde secundum Livium legati pacis ‘caduceatores’ dicuntur ; sicut enim per fetiales a foedere bella indicebantur, ita pax per caduceatores fiebat. (Traduction personnelle)

[44] Cornwell Hannah, « The Role of the Peace-makers (Caduceatores) in Roman Attitudes to War and Peace », in Whittaker Helene et Alii (dir.), Ancient Warfare Introducing Current Research, Volume I, Cambridge Scholars Publishing, Cambridge, 2015, p. 331‑332.

[45] Liv I, 24, 4-8 ; XXX, 43, 9.

[46] Par exemple Liv. XXVI, 17, 5 ; XXXI, 38, 9 ; XXXVII, 18, 10 et 45, 4 ; Quin.-Curc., Hist., III, 1, 6 ; IV, 2, 15.

[47] Jal Paul, « Place et rôle des legati et legationes dans le récit livien », in Revue des Études Latines, vol. 63 (1985), p. 118.

[48] Liv. I, 32, 6 : Legatus ubi ad fines eorum venit unde res repetuntur, capite velato filo – lanae velamen est – « Audi, Iuppiter, inquit, audite, fines » – cuiuscumque gentis sunt, nominat – ; « audiat Fas. […] » (Traduction de G. Baillet, CUF)

[49] Liv. IV, 58, 1 : Eo anno quia tempus indutiarum cum Veiente populo exierat, per legatos fetialesque res repeti coeptae. (Traduction de G. Baillet corrigée, CUF)

[50] Liou-Gille Bernadette, Une lecture « religieuse » de Tite Live I. Cultes, rites, croyances de la Rome archaïque, Klincksieck, Paris, 1998, p. 279.

[51] Notamment pour les Grecs, comme le rapporte Dion. Hal., Ant. Rom. II, 72, 6.

[52] L’extrait livien IV, 58, 1 a déjà été évoqué. Peuvent être ajoutés les extraits de Liv. VI, 10, 6 et VII, 12, 6, pour lesquels le statut des envoyés est inconnu et l’extrait de Dion. Hal. Ant. Rom. XV, 7, 1-3 et 11, 1-2.

[53] Cic. De orat. I, 181 ; Vell. Hist. Rom. II, 1, 5.

[54] Cass. Dio Hist. Rom. L, 4, 4.

[55] Le premier est présent chez Denys d’Halicarnasse (Ant. Rom. II, 72, 1), décliné au génitif pluriel (φετιαλίων) ; les deux suivants se situent chez Plutarque (Num. 12 et Cam. 18), tandis que le dernier a été employé par Cassius Dion (Hist. Rom., L, 4).

[56] Quatre fois en Ant. Rom. II, 72 ; une fois en III, 3 ; une fois en IX, 60 et une fois en XV, 7.

[57] Rudhardt Jean, Thémis et les Hôrai : recherche sur les divinités grecques de la justice et de la paix, Librairie Droz, Paris, 1999, p. 110‑111.

[58] Ibid, p. 119.

[59] Mora Fabio, Il pensiero storico-religioso antico. Autori greci a Roma I : Dionigi d’Alicarnasso, L'Erma di Bretschneider, Rome, 1995, p. 255.

[60] Num. 12, 5 : οἱ μὲν γὰρ Φιτιαλεῖς εἰρηνοφύλακές τινες ὄντες, ὡς δ´ ἐμοὶ δοκεῖ, καὶ τοὔνομα λαβόντες ἀπὸ τῆς πράξεως, λόγῳ τὰ νείκη κατέπαυον, οὐκ ἐῶντες στρατεύειν πρότερον ἢ πᾶσαν ἐλπίδα δίκης ἀποκοπῆναι. (Traduction de R. Flacelière, E. Chambry et M. Juneaux, CUF)

[61] Chez Plut. Quaest. Rom. 62.

[62] Mora Fabio, Il pensiero storico-religioso antico, op. cit., p. 255‑256.

[63] Stouder Ghislaine, La diplomatie romaine, op. cit., p. 574.

[64] Liv. I, 24.

[65] Liv. XXX, 43, 9.

[66] Mason Hugh J., Greek terms for roman institutions. A lexicon and analysis, Hakkert, Toronto, 1974, p. 85.

[67] Quaest. Rom. 62 : Διὰ τί τῶν λεγομένων Φιτιαλέων, Ἑλληνιστὶ δ´ οἷον εἰρηνοποιῶν καὶ σπονδοφόρων, ὁ καλούμενος « πάτερ πατρᾶτος » ἐνομίζετο μέγιστος. (Traduction de J. Boulogne, CUF)

[68] Festus 81L ; Servius Ad Aen. XII, 206.

[69] Le texte a été édité par Reynolds Joyce, Aphrodisias and Rome, The Society for the Promotion of Roman Studies, Londres, 1982, p. 54-91 (Document n°8 et plus particulièrement p. 89) = IAph2007 8.27, l. 85.

[70] Rudhardt Jean, Thémis et les Hôrai, op. cit., p. 42‑43.

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